Publié le: 8 juillet 2016

Audace contre expérience, le choc!

analyse – En quelques années, l’arrivée du smartphone a fait vaciller de puissants spécialistes de la téléphonie qui, malgré leur expérience, n’ont pas su devancer la tendance. Ce scénario pourrait-il se reproduire dans l’automobile avec l’arrivée de la smartcar?

Nokia, Ericsson, Alcatel, Motorola remplacés par Apple, Samsung, HTC, Huawei! Est-ce que cela risque de se passer dans l’industrie automobile? Non, montre l’enquête de Jean-Luc Adam, car les constructeurs automobiles historiques sont parfaitement «au courant» de l’arrivée des voitures électriques, connectées et autopilotées, bref de la… smartcar. De plus, ils sont trop bien implantés sur les marchés pour céder si facilement la place aux nouveaux arrivants à propulsion électrique. Pourtant leur arrivée affaiblira inévitablement certains groupes. Et cela pour trois raisons.

1. Retard technologique

Dans certaines technologies (connectivité, électrotechnique, etc.), l’industrie automobile n’a pas d’avance par rapport à certaines start-up, voire même du retard. A contrario, les recettes de fabrication d’une automobile sont archiconnues. Quant aux équipementiers (Bosch, Valeo, etc.), dont les produits composent 70% d’une automobile, ils se mettent au service de qui… paie.

2. Retard structurel

L’industrie automobile est «lourde», issue des origines de l’industrialisation (fin du 19e siècle) avec une masse salariale gigantesque qui plombe sa compétitivité et ralentit sa mutation vers l’industrie du futur (dite 4.0), verte et entièrement robotisée. Le processus est en phase transitoire avec une délocalisation massive de la production vers des pays à la main d’œuvre bon marché. A l’exemple de Renault: 104 205 salariés en France en 1980 contre 37 142 fin 2016 (-64%).

3. Retard en communication

L’attachement à une marque – avec son glorieux passé et son identité nationale – tend à disparaître. La «nationalité» ne veut plus dire grand-chose – 8 Renault sur 10 sont assemblées hors du pays d’origine et la plus «made in France» des françaises est désormais la Toyota Yaris! Quant à l’historique d’une marque, elle n’est pas gravée dans la mémoire de la nouvelle clientèle des pays émergeants qui – première génération à pouvoir s’offrir une auto – n’a même pas la nostalgie de la voiture à papa... Au final, tout cela compte bien peu face au charisme d’un Elon Musk qui dévoile ses automobiles Tesla à la façon de Steve Jobs ou Tim Cook (Apple), non pas dans la cohue des salons de Detroit, Francfort ou Genève, mais à domicile, devant un parterre d’aficionados et face à tous les médias du monde (presse, Internet, réseaux sociaux). La présentation a tout d’un show hollywoodien (suspense, émotion, humour) avec un boss «trop cool» dans le rôle principal qui, en une vingtaine de minutes, déballe son lot de bonnes nouvelles. Derrière, des animations spectaculaires et devant, un public en liesse! Musk promet des technologies géniales et l’explosion des précommandes s’affichent en direct.

Pour la Tesla Model 3 dévoilée le 31 avril, c’est 115 000 précommandes en 24 heures et 400 000 2 mois plus tard, soit déjà plus de 14 milliards de dollars de chiffre d’affaires en perspective! La réservation se fait d’un clic, en versant 1000 dollars sur le site Tesla.

RĂ©volution en 2018?

La Tesla Model 3 a tellement d’arguments qu’elle pourrait être à l’automobile en 2018 (1re année de commercialisation pleine) ce que l’iPhone 1 fut à la téléphonie mobile en 2007: un tournant. D’abord, ce modèle 100% électrique ne coûte que 35 000 dollars (la moitié d’une Tesla S!) et son autonomie de 350 km est enfin confortable. Puis, il y a tous ces petits «plus», comme une accélération de 0 à 100 km/h en moins de 6 secondes, un pilotage semi-automatique, un double coffre (avant et arrière), une habitabilité pour 5 adultes et un agrément de conduite épatant (silence de marche, centre de gravité au raz du sol, commandes totalement paramétrables via l’écran OLED de 15 pouces). Enfin, sous une pluie d’applaudissements, Elon Musk promet d’ici fin 2017, lors du lancement de la Model 3, pas moins de 7200 «superchargers» dans le monde (situés sur les grands axes routiers pour un rechargement gratuit en 20 minutes!) ainsi que 15 000 «destination chargers» (dans les localités).

Le service après-vente finit de convaincre les derniers sceptiques: l’entretien d’une voiture électrique se limite aux pièces d’usure (freins, pneus et quelques rotules), la mise à jour du véhicule connectée au 4G en permanence se fait online, réglant les bugs électroniques et permettant à l’utilisateur d’obtenir de nouvelles fonctionnalités au fur et à mesure des évolutions (parcage automatique, autopilotage étendu, véhicules interconnectés, etc). Une concession Tesla est donc structurellement plus simple et d’ici fin 2017, Musk en doublera le nombre à l’échelle mondiale, de 215 à 441.

Dans les traces de Tesla Motors s’engouffrent Apple, Google, mais aussi Faraday Future et Local Motors.

Faraday Future

Grâce à 1 milliard de dollars financé par le richissime chinois Jia Yueting, la start-up américaine Faraday Future («FF» pour les intimes) est en train de construire un immense complexe de production automobile et de batteries dans le désert du Nevada, près de Las Vegas. Coup de bluff? Il n’en est rien, Faraday Future a débauché des designers et ingénieurs renommés de chez Tesla, BMW et autres... C’est également sur ce coin de désert que Tesla Motors a implanté sa «gigafactory», car le prix du terrain est dérisoire et l’Etat du Nevada fait office de pionnier en autorisant la conduite autonome (contrairement à la Californie) et va encore plus loin en offrant des permis de circulation spéciaux et de grosses subventions.

Sur une parcelle de 3,5 km2, FF veut construire des modèles basés sur une plate-forme modulaire baptisé «VPA» (variable platform architecture). Ainsi, les plate-formes varient en longueur selon le nombre de cellules de batterie embarquées. Quant au nombre de moteurs électriques, il varie également de un à quatre, permettant la production de véhicules à 2 et 4 roues motrices de différents types (berline, break, coupé, SUV, etc). Bref, une seule ligne de montage permettra une flexibilité inégalée!

Jean-Luc Adam

technologie

Imprimez votre auto!

Vous connaissez déjà les petites imprimantes 3D qui permettent de produire des objets en plastique.

Local Motors fait la même chose mais en grand pour produire des automobiles. La société n’a beau compter que 104 collaborateurs à son siège de Phoenix, Arizona, en réalité elle emploie 60 000 personnes disséminées sur toute la planète, réalisant des dessins assistés par ordinateur pour les transmettre «online». Voilà un modèle industriel novateur. Mais qui donc fabrique ces pièces? Des robots s’occupent de les «imprimer» par jet de plastique ou poudre de métal. A moyen terme, LM vise 90% de l’impression d’une voiture dont le modèle «LM 3D Swim» en est le premier jet… En effet, certains composants (vitrage, moteur, direction, électronique, pneus) ne sont pas imprimables. Actuellement, l’impression complète du proto dure 2 mois et son prix est estimé à 53 000 dollars. Mais deux micro-usines (à Phoenix et Las Vegas) vont produire en série 2400 exemplaires à partir de cette année. Les délais et prix devraient ainsi baisser.

Arizona dream: si la société n’existe que depuis 2007, c’est pourtant la plus expérimentée au monde en matière d’impression 3D industrielle. Voilà un atout qui a séduit BMW (60 exemplaires de la Rally Fighter) et désormais Boeing, avec un investissement de 150 millions de dollars. L’avionneur veut développer une méthode de production de fuselage en fibre de carbone, plus simple que les techniques lentes et coûteuses appliquées pour le 787 Dreamliner. Si le projet aboutit, LM sera également capable d’imprimer des voitures en carbone. J.-L. Adam

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