Publié le: 20 janvier 2017

Avec des éclairs ou en slow-motion

innovation – Après la révolution numérique, c’est le thème de l’année qui sera traité au cours des douze prochaines éditions. Pour commencer, qui sont les «innovateurs»? Henrique Schneider présente quelques exemples frappants pour cerner cette question.

Innover, c’est essentiel, mais qu’est-ce que cela recouvre? Qu’on la déniche en économie ou en politique, à l’école ou dans la technique, toutes ces acceptions du terme «innover» ont au moins ceci en commun: l’innovation est un atout. Economistes, politiciens, acteurs de la formation ou ingénieurs, sont en revanche bien empruntés pour la définir! Quelques exemples pour le démontrer.

Le génie électrique 
made in England

Physicien et chimiste anglais, Lord Henry Cavendish (1731–1810) se livrait volontiers à diverses expériences avec l’électricité. «En 1776, il fabriqua une bouteille de Leyde en forme de torpille artificielle pour montrer que les chocs de la raie torpille sont de nature électrique, selon Wikipedia. Avant Ohm, il a aussi conçu la résistance électrique et même effectué des mesures en utilisant son propre corps comme galvanomètre.» L’une de ses idées lumineuses fut de mettre en évidence la possibilité pour l’humain de produire du courant électrique. Alors qu’il présentait ses découvertes, quelqu’un lui aurait demandé à quoi pourrait bien servir cette invention. «Je n’en sais rien, répondit le savant, mais je peux vous assurer que cela pourra faire l’objet d’une taxe.»

Michael Faraday (1791–1867) apprend quant à lui son métier de libraire-relieur et tombe amoureux d’ouvrages scientifiques. «En 1812, un des clients de la librairie lui offre des places pour assister à des conférences de chimie du chimiste Sir Humphry Davy, membre de la Royal Institution et de la Royal Society, selon l’encyclopédie en ligne. Faraday est très vite impressionné et fasciné par les travaux que mène Davy auquel il écrit, joignant à sa lettre un livre de 300 pages basé sur les notes prises lors des conférences. A la suite d’un accident de laboratoire, Davy est blessé à l’œil gauche et fait appel au jeune Faraday, fin 1812, pour lui servir de secrétaire.»

Lui aussi, devenu assistant de laboratoire, se livre à des expériences sur l’électricité. A partir des découvertes de Cavendish, il développe le principe de la bobine électromagnétique. Enfin, on pouvait constater que la main humaine pouvait produire du courant. Faraday a mis encore au point diverses méthodes pratiques pour gérer le courant et le magnétisme. Il met en évidence le principe que l’on appela par la suite «cage de Faraday» qui permet de se mettre à l’abri du courant à l’intérieur d’un grillage. Qui des deux savants anglais était le plus innovant? Celui qui a eu l’idée de départ ou celui qui a su la mettre en fonctionnement dans la pratique? Les deux, bien sûr!

Taxi fin de siècle 
et trois innovateurs

En Allemagne, vers la fin du 19e siècle, les taxis étaient déconsidérés par les esprits sceptiques. Une course pouvait coûter cher, mais personne ne savait à quel point. Et puis, un certain Gottlieb Daimler, le constructeur de moteurs (d’abord électriques), a proposé une solution. Il fallait que le prix soit mesurable, comparable et transparent. Dans ce cas, également, l’idée initiale était à mettre en lien avec un prédécesseur éclairé. «Le taximètre est inventé par Jean-Eugène Robert-Houdin, célèbre prestidigitateur français, selon l’encyclopédie. Le premier taxi équipé de cette invention fut le Daimler Victoria fabriqué par Gottlieb Daimler en 1897.»

Au début du vingtième, l’entrepreneur new-yorkais Harry Allen eut une idée lumineuse: peindre en jaune ses taxis. Le succès fut immense. Puis, ce fut au tour du boxeur amateur John Hertz de se demander comment faire chuter le prix d’une course en taxi pour la rendre plus attractive. Il arriva vite à la réponse que ce qui coûtait le plus cher, c’était encore le conducteur. Pourquoi ne pas louer des voitures. La location était née.

Laquelle de ces trois personnes est le plus innovateur? Celui qui a mis la technique au service du client? Celui qui a lancé une idée marketing révolutionnaire? Ou celui qui a changé le modèle d’affaires? Les trois, bien sûr!

Rupture franche 
ou progrès à petit rythme

Ces exemples montrent à quel point l’innovation est diversifiée, illimitée. Et en fait, chacun de ses développements peut croiser la route de l’entrepreneur. Car enfin, chacun de nous peut en disposer. Les deux économistes ont essayé à leur manière de définir de ce qu’est l’innovation.

Economiste hétérodoxe (né à Triesch, en Moravie en 1883 et décédé à Salisbury aux Etats-Unis en 1950), Joseph Schumpeter part de l’idée d’une destruction créatrice. «Selon lui, le progrès technique est au cœur de l’économie et les innovations apparaissent en grappes ou essaims: après une innovation majeure, souvent une innovation de rupture due à un progrès technique, voire scientifique (par ex: la vapeur, les circuits intégrés, l’informatique, l’Internet, les nanotechnologies), d’autres innovations sont portées par ces découvertes, selon Wikipedia. On constate alors des cycles industriels où, après une innovation majeure, l’économie entre dans une phase de croissance (créatrice d’emplois), suivie d’une phase de dépression, où les innovations chassent les entreprises «dépassées» et provoquent une destruction d’emplois.» Selon lui, les entrepreneurs investissent directement dans la recherche et le développement. Leur but: développer de nouveaux produits, procédés, canaux de distribution, la liste est ouverte. L’idéal: rejeter les concurrents hors du marché. La création de nouvelles idées se paie au prix fort par des emplois en moins.

Israël Kirzner, un économiste américain né en 1930 à Londres et appartenant à l’école autrichienne (l’un des quatre doctorants formé par Ludwig von Mises), pensait pour sa part que ce scénario ne reflétait pas la réalité telle qu’elle était vécue par la plupart des entreprises. «Kirzner envisage la fonction de l’entrepreneur comme un aspect de toute activité humaine et non comme une fonction sociale spécialisée: tout le monde est entrepreneur parce que tout le monde invente sans arrêt des occasions de profit et les utilise. Le profit étant l’écart perçu entre la valeur d’une action et la valeur des choix concurrents, selon l’encyclopédie en ligne.

L’approche dynamique d’Israel Kirzner envisage le marché comme un processus et non comme un automatisme prédéterminé, ce qui le rapproche de Friedrich Hayek dans sa manière de présenter la concurrence, contre les tenants de la concurrence pure et parfaite.» En réfléchissant à la signification de l’innovation, il dégagea le concept d’alerte. L’entrepreneur est un innovateur parce qu’il est par nature dynamiquement ouvert à de nouvelles possibilités. Parfois, ils sont tout étonnés de trouver quelque chose de nouveau. Ils sont également surpris que l’on qualifie leur travail d’innovation. Pour Kirzner, l’innovation est un processus qui prend du temps et progresse pas à pas.

Accepter la grande diversité

En confrontant ces deux théories de l’innovation, on comprend qu’elles se combinent en un tout. Les entrepreneurs dépensent de l’argent pour innover tout en saisissant leur chance lorsque celle-ci passe à leur portée. Et il en va de même pour les collaborateurs. On les écoute lorsqu’ils ont une bonne idée. Et bien entendu, le but de l’entrepreneur est aussi de parvenir à élargir ses parts de marché.

Innover, aller (toujours) plus loin

Que faut-il en conclure ? Que la diversité de l’innovation doit être acceptée comme telle, à la fois au plan entrepreneurial et politique.

Et c’est exactement pour cette raison que la conception politique de l’innovation est fausse, quand elle essaie d’aller plus loin que de fixer des conditions cadres avantageuses, de minimiser les coûts de la réglementation, mettre l’accent sur la formation, notamment la formation professionnelle. L’innovation, c’est d’abord l’affaire des entrepreneurs et des entreprises, des collaborateurs et des partenaires. Avoir de bonnes idées et les mettre en place. A fait, que veut-on de plus?

Henrique Schneider, 
directeur adjoint de l’usam

post-it

Découverte très accidentelle mais bien fructueuse

«Dans le cadre d’un programme de recherche commencé en 1964, Spencer Silver, un chimiste de 3M, invente par hasard, en 1968, un adhésif poisseux en mélangeant en proportions diverses des monomères envoyés par un fournisseur. Ce nouveau polymère adhésif acrylique, plus un cohésif qu’un adhésif, ne colle qu’à lui-même. Silver cherche alors à le faire commercialiser sous forme de spray (comme il l’est aujourd’hui pour les arts graphiques) et sous forme de tableau de conférencier auto-collant (comme il l’est depuis peu), mais sans succès.

Malgré la suppression du programme des polymères adhésifs, Silver parvient à obtenir de son directeur de département, Geoffrey Nicholson, le financement nécessaire au brevet de sa formule, mais pour les Etats-Unis seulement, en 1972 (brevet no 3691140).

Une utilisation imprévue

En 1974, Arthur Fry, collègue de Silver et chef de chœur de l’église presbytérienne de North St-Paul, a l’idée d’empêcher les signets de son hymnaire de glisser en les enduisant de la colle anti-dérapante de Silver. Un problème de fabrication persiste: l’adhésif poisseux reste sur le support et n’adhère pas au papillon. Deux membres de l’équipe de Nicholson, Henry Courtney et Roger Merrill, parviennent à coucher en continu le cohésif sur du papier de façon industrielle.

En 1977, 3M fait des tests de commercialisation à Tulsa, Denver, Richmond (Virginie) et Tampa sous le nom «Press ’n Peel» et en deux tailles, tests qui seront décevants. La réussite commerciale coïncide avec l’arrivée d’un nouveau directeur marketing, Bill Schonenberg, qui a l’idée de distribuer le produit gratuitement en 1978 à Boise, dans l’Idaho, au cours de l’opération connue sous le nom de «Boise Blitz»; 90% des utilisateurs l’ayant essayé déclarent vouloir en acheter. Le nom «Post-it Notes» est adopté et les ventes, d’abord limitées à onze Etats américains en 1979, s’étendent à l’ensemble du pays en 1980 puis au Canada et en Europe en 1981.» Sources: Wikipedia

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