Publié le: 2 septembre 2016

Besoin de collaborateurs qualifiés

intégration – Pascal Schneider (Ruedersäge SA) a décidé de former Ali Jama, un réfugié somalien, comme «praticien du bois AFP». Les PME s’activent sur ce dossier depuis belle lurette. La création d’un «apprentissage pour réfugiés» serait donc inutile!

Ali Jama est à la manœuvre. Il saisit les troncs et les envoie à la scie. Sa motivation est visible et il s’acquitte de sa tâche avec compétence et habileté. Depuis trois ans, cet ancien réfugié somalien s’active chez Ruedersäge, une scierie basée à Schlossrued en Argovie.

Le choix: la guerre ou la fuite

Est-il dépaysé? A l’interview, Ali explique que le travail lui plaît et la région est agréable pour y vivre. «Je suis heureux d’être ici et d’avoir un travail, explique-t-il. Cela fait trois ans que je suis arrivé en Suisse. Ma mère m’y a envoyé quand j’avais 19 ans et, à l’époque, j’avais le choix entre la guerre ou la fuite.»

«Le Somalien ne cache pas que, pour lui 
aussi, l’allemand s’avère une langue difficile.»

Depuis son arrivée, il a déjà fait de grands progrès en allemand, une langue qu’il a appris le plus vite possible. C’est son professeur qui a attiré son attention sur le poste ouvert chez Ruedersäge. Un stage de deux mois a permis de convaincre son employeur qu’il méritait de commencer un apprentissage de «praticien du bois AFP».

Le point de vue de l’employeur

«Ali a tout de suite montré une grande motivation et disposait déjà de bonnes connaissances en allemand, ce qui était un prérequis important pour ce poste, explique Pascal Schneider, son employeur. ll s’est impliqué à fond dans son apprentissage et s’est plongé dans la matière. Cela nous a vraiment fait plaisir!»

Au plan linguistique, Ali s’est engagé face à son employeur à poursuivre sa formation. Le Somalien ne cache pas que, pour lui aussi, l’allemand s’avère une langue difficile: «Je prends des cours de manière régulière à l’Ecole-club Migros à Aarau.» Il maîtrise déjà une grande partie du vocabulaire technique et les cours lui permettent d’élargir son vocabulaire tout en gagnant un peu de fluidité dans la conversation.

Le système actuel fonctionne

Pascal Schneider en est convaincu, c’est la meilleure manière d’intégrer les migrants dans le monde du travail. «En revanche, il faut faire dès le début une sélection très stricte et être persuadé d’avoir affaire à la bonne personne», ajoute-t-il. L’idée d’un apprentissage spécialement créé pour les réfugiés ne l’inspire pas. «Il ne faut pas fabriquer de nouvelles filières de formation pour les réfugiés et les immigrants. Les structures existantes fonctionnent et cela suffit. Cela fait longtemps que dans la pratique, nous autres entrepreneurs formons des migrants et les cas de PME qui en emploient sont innombrables.»

Selon lui, il faut donc juste renoncer à cette idée d’un apprentissage dédié aux réfugiés. «Nous avons besoin de gens bien qualifiés et disposant d’une bonne formation de base, constate-t-il. Sans cette dernière, ils ne trouveront pas d’emplois sur le marché du travail.»

«Cela fait longtemps que dans la pratique, nous autres entrepreneurs formons des migrants.»

Entretemps, Ali a obtenu un statut B. Cela signifie qu’il pourra rester en Suisse durant cinq ans. Quels sont ses projets? «Mettre de l’argent de côté, passer mon permis de conduire, améliorer ma connaissance de l’allemand et mes compétences professionnelles.» Pour sa part, Schneider espère que son apprenti restera le plus longtemps possible dans l’entreprise.

«Il ne faut pas fabriquer de nouvelles filières de ‹formation pour les réfugiés›, c’est inutile», estime Pascal Schneider

«Notre employé Ali est capable, flexible et travaille volontiers le samedi matin. Il est intelligent et s’occupe du travail des robots. C’est volontiers que nous le recommandons pour poursuivre sa formation en vue d’un CFC. Peut-être pourrons-nous un jour le convaincre de le faire?»

En Argovie comme ailleurs, les PME qui travaillent à former des personnes issues de l’immigration ne manquent pas.

CR (traduction et adaptation: Ogi)

l’usam et la formation professionnelle

Les filières actuelles suffisent amplement

Que vous inspire l’histoire d’Ali Jama chez Ruedersäge?

nChristine Davatz: Que l’intégration par le travail fait sens et que la formation de deux ans qu’il a suivie s’avère suffisante et complète au sein des filières existantes. J’ajouterais que l’envie d’apprendre la langue et la culture sont des facteurs de réussite importants dans ce contexte.

Pourquoi est-ce important à vos yeux que la formation se fasse par les ­filières ordinaires?

n Nous disposons suffisamment 
de structures pour la formation et la situation générale est déjà assez complexe comme cela. Les migrants peuvent trouver tout ce dont ils ont besoin dans les structures existantes.

L’usam a critiqué le projet d’apprentissage pour réfugiés présenté par la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga, comme étant théorique et contreproductif. Pouvez-vous nous en dire un peu plus?

n La pratique montre que l’intégration marche avec la formation de base de deux ans. Les mesures d’intégration au monde du travail doivent être avant tout orientées sur la pratique et ce grâce à une collaboration avec les cantons et les entreprises.

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