Publié le: 13 mai 2016

Crowdfunding: quelles chances pour les PME?

L’invitée du mois

La Suisse est un marché d’exportations innovant qui ne demande qu’à se développer. L’évolution internationale 
et les nouvelles tendances technologiques encouragent les entreprises à s’adapter et à rechercher des investisseurs hors des frontières suisses. Néanmoins, interagir à l’étranger nécessite de connaître le cadre légal dans lequel on évolue.

Une récente innovation dans le domaine du financement a fait son apparition sous le terme de Crowdfunding ou financement participatif. L’idée est vielle comme Hérode: demander au plus grand nombre de personnes (crowd, la foule) de soutenir financièrement un projet dans un but particulier. Seule nouveauté: la demande se fait dans la quasi-majorité des cas au moyen d’Internet. Le Crowdfunding représentait en 2014 environ 16 millions de francs investis en Suisse, ce qui peut paraître dérisoire en comparaison des 3 milliards de livres investies en Grande-Bretagne ou des 30 milliards de dollars aux Etats-Unis. Néanmoins, ce nouveau type de financement laisse aux PME suisses la chance de pouvoir se financer rapidement non seulement localement mais également internationalement. Trois types de Crowdfunding ont émergé ces dernières années poursuivant chacun un but différent: le Crowdsupporting (donation avec contrepartie de moindre valeur ou sans contrepartie attendue), le Crowdlending (prêt de gré à gré entre individus selon des modalités déterminées ensemble) et le Crowdinvesting (ou Crowdequity, prise de participation dans l’entreprise selon différents modèles).

Principal moyen développé en Suisse, le Crowdlending a l’avantage d’obtenir des investissements du monde entier rapidement en empruntant à un taux d’intérêt plus réduit que ce que les instituts financiers pourraient accorder. Il existe différentes plate-formes suisses et étrangères permettant la mise en contact entre les investisseurs et emprunteurs. Avec la multiplication de ces plate-formes, il est nécessaire de se renseigner sur les conditions générales de chaque plate-forme, notamment quant à savoir le rôle que joue la plate-forme dans cette mise en relation, ce qu’elle y gagne, sa responsabilité et les frais qu’elle requiert (ex. frais de courtage pour mise en contact, frais liés aux trans­actions, etc). La grande majorité des plateformes demandent souvent des informations précises et non publiques quant à la viabilité de l’entreprise et peuvent aller jusqu’à comparer sur leur plate-forme les différentes entreprises, leur compétitivité sur le marché voire leur viabilité. Il est important de savoir ce qui sera dès lors publié sur Internet.

En parallèle, le Crowdinvesting permet de participer au développement d’une entreprise en prenant directement part à son capital. Si des plate-formes existent également pour ce type d’investissement, une préparation et une information préalable accrue de la PME avant d’entrer dans un tel projet est important. Il existe de très nombreux modèles d’investissements pouvant exister, tel que l’acquisition d’actions, de bon de participation, de prêt dit subordonné («partiarische Nachrangdarlehen») ou encore de droits de propriété pour n’en citer que quelques-uns, et il est alors vital de bien connaitre les possibilité et limites de la forme juridique de son entreprise et la manière dont on souhaite la développer les prochaines années, avant de s’aventurer dans un tel Crowdfunding.

D’un point de vue légal, deux aspects paraissent fondamentaux pour ceux qui souhaiteraient ouvrir leur entreprise à un tel financement. D’une part, en droit suisse, il n’existe aucune règle particulière liée au Crowdfunding. De ce fait, sont applicables autant de règles de droit qu’il existe de modèles potentiels. Il pourra s’agir des règles de droit des sociétés, de droit civil ou de régulations des marchés financiers. Le droit actuel traditionnel n’est hélas que peu adapté aux activités dématérialisées par Internet et tournées vers l’étranger. Par conséquent, une analyse juridique et réglementaire est nécessaire au cas par cas, projet par projet. Une entreprise recevant directement des fonds du public pour son propre compte ou en qualité d’intermédiaire peut très vite être soumise à l’obligation de requérir une autorisation bancaire ou être qualifiée d’intermédiaire financier au sens de la loi sur le blanchiment d’argent. La Suisse ne connait actuellement toujours pas de modèle spécifique d’autorisation pour des activités de Crowdfunding, en dépit des différentes annonces faites dans les médias par la FINMA.

D’autre part, en sollicitant des investisseurs depuis Internet, les entreprises peuvent attirer des investisseurs étrangers de différents pays. Or, certaines entreprises ne le savent pas, mais les projets d’investissements de Crowdlending ou Crowd­investing peuvent potentiellement être soumis à l’application de règles strictes par les pays étrangers. Chaque pays dispose de dispositions légales et réglementaires propres, leur permettant de protéger leurs nationaux, souvent consommateurs et investisseurs peu qualifiés. Certaines législations étrangères soumettent le Crowdlending ou Crowdinvesting à une autorisation spécifique délivrée par l’autorité de surveillance locale. D’autres autorités demandent, par ex., à recevoir ou et/où à publier les informations concernant les entreprises avant la réception des prêts ou de participations. La documentation à publier est parfois extensive et peut être soumises au ­secret d’affaires.

Lorsque les canaux traditionnels d’obtention de financement trouvent leur ­limite, le Crowdfunding est une réelle chance pour les entrepreneurs. Une campagne Internet de Crowdfunding orchestrée avec soin peut rapporter jusqu’à 300% de plus que le résultat initialement espéré et permet au plus grand nombre de devenir investisseur et ambassadeur de l’entreprise, car il ne faut pas oublier que le Crowdfunding revêt souvent un caractère d’attachement à l’entreprise par le grand public. Malgré cela, faute d’être correctement préparées, plus de 65% des campagnes de Crowfunding lancées sur Internet ne récoltent pas les fonds espérés. S’entourer de spécialistes peut s’avérer un avantage primordial au bon déroulement d’une campagne Crowdfunding. Les PME souhaitant se développer ne doivent pas sous-estimer les risques de ne pouvoir gérer en continu une masse d’investisseurs peu connus provenant de différents pays aux systèmes juridiques variés.

Le Crowdlending et Crowdinvesting doit se révéler un projet à long terme selon un plan réfléchi. En d’autres termes, avant de se lancer dans cette aventure trépidante, il est nécessaire d’analyser avec soin ce que l’on souhaite entreprendre. Quel est le but recherché? Donation, prêt, participation dans l’entreprise? Et ensuite, quel outil choisir? Quel investisseur souhaiterais-je attirer? Une fois le plan établi, appuyé par un soutien informatique et des conseils légaux voire fiscaux, la communauté que vous aurez ciblée n’attendra que votre projet.

La ruche – métaphore vivante du financement participatif des abeilles-PME qui volent à l’international!

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