Publié le: 16 janvier 2015

Griffer des gratte-ciels en Chine

Damian Donzé – Ce jeune architecte suisse de 25 ans a effectué un stage de quatre ans dans un bureau de Shanghai. Récit de ses aventures et conseils aux entreprises helvétiques.

La compétence helvétique repose sur la formation sérieuse de gens sérieux. Ajoutons un petit grain de folie à nos CV par une expérience déroutante, mais si enrichissante sur le plan professionnel et personnel! Damian Donzé, jeune architecte nidwaldois de 25 ans, nous parle de son stage de quatre ans dans un bureau d’architecture de Shanghai.

Journal des arts et métiers: Pourquoi avoir choisi la Chine – choix imposé ou désiré?

n Damian Donzé: J’y suis venu deux fois dans le cadre de voyages d’étude et immédiatement, j’ai mesuré l’immense débouché pour le métier d’architecte. En Chine, le nombre de projets de construction est incroyable et lorsque l’opportunité de travailler à Shanghai s’est présentée à moi – avec l’aide de mon professeur d’université –, je l’ai saisie.

Parles-nous de ton expérience professionnelle en Chine?

nElle est difficile, mais gratifiante. Le travail est bien moins organisé qu’en Europe, mais doit être accompli dans des délais nettement plus brefs. A la clé, du stress et des heures supplémentaires. J’ai eu la chance d’être le seul étranger au sein d’une entreprise de 1500 employés et ainsi, j’ai vite obtenu une position privilégiée, en charge de grands projets à la surface de 8000 à 200 000 m2.

Pour leurs grands bâtiments, les Chinois citent fièrement des agences d’architecture américaines. Est-ce qu’après le «Nid d’Oiseau» de Pékin, signé par les Bâlois Herzog et de Meuron, les architectes suisses ont attiré l’attention, autrement dit y a-t-il un avant et après «Niaocháo»?

nDifficile à dire, car j’ai uniquement expérimenté «l’après». Quoi qu’il en soit, les architectes suisses jouissent en Chine d’une sacrée réputation et, d’ailleurs, les projets suisses servent souvent de référence aux projets chinois.

Quels sont les plus grands défis du bâtiment en Chine, l’anti-sismique, l’isolation thermique, la domotique ou autre chose? Dans ces défis, les entreprises suisses pourraient-elles jouer un rôle?

La Chine est un vaste pays avec des challenges régionaux fort différents, mais le plus grand défi est le «contrôle qualité». Le problème débute déjà au niveau des architectes chinois, qui n’ont généralement pas de grandes notions de construction ou ignorent la mauvaise qualité de certains matériaux employés. Autre problème majeur, les ouvriers sont en fait des gens sans formation, issus des campagnes et payés au lance-pierre.

Je crois que seul le marché du haut-de-gamme est intéressant pour les entreprises suisses, car sinon les budgets sont beaucoup trop faibles. Ce segment de marché est en croissance et, à mon avis, la Suisse s’y est déjà très bien positionnée. Pour des matériaux de construction, vitres et fenêtres, ascenseurs ou fournitures, le label suisse a déjà pignon sur rue. Mais lorsqu’il s’agit d’ingénierie structurelle, de mécanique et physique de construction, c’est plus compliqué, à cause d’une bureaucratie omniprésente et de normes de construction uniquement disponibles en mandarin.

As-tu eu le temps d’apprendre le chinois et cette langue vaut-elle la peine d’être apprise, ou l’anglais suffit-il?

J’étais occupé à plein temps, mais l’apprentissage du chinois était l’une des raisons majeures de ma venue en Chine. Pourtant, son acquisition s’est avérée plus difficile que je ne l’avais pensé. Au travail, je communique uniquement en anglais et à Shanghai, l’anglais suffit à la vie quotidienne. Avec une leçon de chinois par semaine, j’ai progressé très lentement et désormais, j’ai une base suffisante pour tenir des conversations simples. Pour les personnes intéressées à l’apprentissage du mandarin, je leur suggère une école à plein temps dans une plus petite ville que Shanghai ou Pékin.

Bientôt tu vas rentrer au pays et chercher du travail. En Suisse, 
il n’y a presque aucun gratte-ciel, comment feras-tu valoir ton 
expérience chinoise?

Les grandes bâtisses sont effectivement devenues ma spécialité. Mon expérience serait donc profitable à une compagnie cherchant à étendre ses activités en Chine ou à s’y établir. Ou alors, en guise d’argument, je suis capable de réaliser un bon travail dans un délai plus court que la majorité des architectes suisses, car désormais très productif sous la pression du temps. Enfin, en Chine, j’ai aussi acquis une approche différente du design.

Si un lecteur du «Journal des arts et métiers» était intéressé par ton expérience, quels conseils lui donnerais-tu?

nD’abord de ne pas s’installer à Shanghai ou Pékin, deux mégapoles truffées d’étrangers, où des opportunités, telle que celle que j’ai eue, se font de plus en plus rares. Préférez l’une des si nombreuses grandes villes de province où les étrangers sont quasi absents! Autre conseil: toujours garder à l’esprit que travailler pour une entreprise chinoise, c’est travailler à leur manière avec des méthodes différentes de celles attendues ou apprises. Dans ma compagnie, les étrangers en stage ont systématiquement démissionné, généralement après trois mois, car incapables d’accepter ces différences. Interview Jean-Luc Adam

trajectoire

Damien Donzé

Ce jeune architecte de 25 ans s’est perfectionné en Chine, 
signant quelques magnifiques projets comme la «Hebei University» à huit étages et haute de 40 mètres. Ou le gratte-ciel «Zhanjiang New Area Project 
Super Tall Tower».

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