Publié le: 7 avril 2017

Juge et censeur, au nom des assurés

ACTIFS FINANCIERS – Quelle négligence, la manière dont l’Association pour des investissements responsables (ASIR) joue les bons apôtres et attise le feu réglementaire de manière déguisée. Cette manière de donner des leçons est tout sauf responsable.

L’Association pour des investissements responsables (ASIR) est un miroir aux alouettes! Dans la pratique, l’action menée par cette association se situe à l’opposé de ce qu’elle prétend vouloir faire. Elle 
fait tout sauf mener une politique d’investissements responsables.

La Suisse est un pays doté de sept millions d’associations. C’est une richesse, on le voit bien. Ce qui pose problème, c’est lorsque des entités mahousses de la prévoyance se regroupent en troupeau, bien masqués par le brouillard étatique, pour dicter à l’économie leur petite idée de ce qu’est un investissement responsa-ble. Or c’est là précisément le but de l’ASIR.

En tant qu’association, elle s’érige comme juge et censeur sur les domaines dans lesquels il est bon ou mauvais d’investir. Pour obtenir de tels critères normatifs, l’ASIR «élabore des règles afin d’avoir des 
critères aussi objectifs que possi-
ble pour la mise en place». Ensuite, elle «examine les portefeuilles des membres à la lumière des critères normatifs et les surveille». Suit une phase dite de «dialogue» avec les 
entreprises pour lesquelles un manquement systématique a été constaté par rapport aux critères normatifs. Et si cela ne suffit pas, cela peut aller jusqu’aux recommandations d’exclusion – «dans les cas où un dialogue n’a pas mené à une amélioration ou si le modèle d’entreprise conduit à une violation massive des critères normatifs».

Maurice, tu pousses le bouchon!

Parmi les membres fondateurs, on trouve BVK, la caisse de prévoyance du canton de Zurich, Compenswiss, ComPlan, La Caisse de pensions de la Poste, la Caisse de pensions des CFF, la Caisse fédérale de pensions PUBLICA et celle de la Suva Et de fait, ces entités doivent gérer les fonds que leur ont confiés leurs assurés, qui leur font confiance pour les placer de manière raisonnable afin de générer des rendements suffisants. Au lieu de cela, que font ces caisses? Elles mandatent une association, dont le but est de faire entrer de nouvelles réglementations par la petite porte…

Pour l’association ASIR, le fait que les entreprises soient respectueuses de la loi n’est pas suffisant. Elles doi-vent en plus adhérer à une nouvelle normativité, qui leur est imposée de l’extérieur. Un exemple est frappant. Les membres ne sont pas censés des fonds dans l’entreprise Lockheed Martin. Pourquoi? Parce que cette 
société vend des armes.

Ce que l’ASIR oublie, c’est que ces biens et certains de leurs composants permettent de protéger la Suisse. Deuxièmement, cette société vend aussi des biens civils, comme les hélicoptères permettant le secours de personnes en danger. Troisièmement, le plus essentiel à mes yeux: Lockheed Martin travaille de manière légale. Mais c’est comme si pour la Suisse, qui veut toujours laver plus blanc, cela n’était pas suffisant. Combien de temps faudra-t-il attendre avant que l’industrie des machines suisses soit mise à son tour stigmatisée comme investissement non souhaitable?

Mais il y a plus grave. De nombreux instituts travaillent leurs investissements à partir de profils prédéfinis selon les branches. De telles stratégies de placement sont passives et conservatrices. Mais elles sont aussi rentables et permettent de dégager des revenus. En revanche, lorsque les décisions sont prises à la table de l’association, de telles stratégies de placement n’ont plus lieu d’être. Par conséquent, les coûts administratifs des caisses de pension s’envolent et les rendements diminuent.

A cet égard, signalons encore la motion du conseiller national Thomas Aeschi (UDC/ZG), déposée le 2 mars dernier: «Le Conseil fédéral est chargé d’interdire aux institutions de prévoyance ou d’assurance qui appartiennent à la Confédération ou qui sont placées sous sa tutelle, telles la caisse de pensions Publica, la Suva ou Compenswiss, d’être membres 
de l’Association Suisse pour des 
investissements responsables ou d’autres groupements analogues.» (lire l’encadré)

Henrique Schneider,

directeur adjoint de l’usam

motion de thomas aeschi

Réglementer en douce l’économie? Pas question!

Voici le texte de la motion du conseiller national Thomas Aeschi (UDC/ZG). «Les membres de l’Association Suisse pour des investissements responsables (ASIR) sont des établissements publics, comme la Caisse fédérale de pensions Publica, le Fonds de compensation AVS Compenswiss ou encore la Suva. Rappelons d’abord que tout investisseur doit assu
mer lui-même la responsabilité de ses propres 
investissements. C’est donc une erreur que de 
financer une telle externalisation de ses décisions avec des moyens qui proviennent essentiellement de la prévoyance vieillesse et de 
l’assurance-accidents. D’autre part, il convient de rejeter avec fermeté le second objectif que l’association s’est fixé dans ses documents d’orientation internes, qui est d’exercer une 
influence sur l’économie privée. L’ASIR affirme ainsi qu’avec un capital d’investissement cumulé de plus de 100 milliards de francs – soit à peu près un septième de l’ensemble des avoirs suisses de la prévoyance du deuxième pilier – les conditions permettant d’exercer cette influence et d’envoyer un signal aux entreprises sont bien meilleures qu’elles ne le seraient si chacun de ses membres agissait séparément. En d’autres termes: on mobilise de l’argent public pour réglementer l’activité économique par des moyens détournés - en dehors de tout processus démocratique. Par ailleurs, l’ASIR donne l’impression que les investisseurs institutionnels concernés ont conclu une entente. Avec le pouvoir de marché qu’ils détiennent ensemble, ils peuvent exercer des pressions considérables sur les entreprises. Que l’ASIR puisse ou non adresser des instructions à ses organes est sans importance: la seule idée qu’une association d’investisseurs puissants dispose du pouvoir de placer une entreprise sur une liste négative ou positive constitue une intervention dans le libre fonctionnement du marché. En outre, les documents d’orientation de l’ASIR n’indiquent pas comment elle entend elle-même agir de manière responsable, donc sans se faire récupérer politiquement. Enfin, des établissements publics dilapident dans l’ASIR des fonds de prévoyance et d’assurance. Ces moyens sont ainsi détournés de leur destination et utilisés pour peser sur l’économie. Cela n’est pas admissible, ce qui signifie qu’il faut interdire aux établissements publics de participer à ce véritable cartel.Thomas Aeschi

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