Publié le: 10 juin 2016

L’avantage d’une formation militaire pour les PME

L’invité du mois

I  l y a 10 ou 20 ans, une carrière militaire était presque une condition «sine qua non» pour faire également carrière dans certaines grandes entreprises de notre pays. Aujourd’hui, ce trend n’est plus la norme, mais signifie-t-il pour autant que la formation militaire est devenue obsolète? Les jeunes cadres militaires sont-ils devenus des charges en lieu et place de valeurs ajoutées pour les entreprises? Si on analyse d’un peu plus près les chiffres actuels, on peut se rendre compte que cela n’est heureusement pas le cas. En ­effet, la majorité des jeunes diplômés sont également cadres à l’armée. De ce fait, il est intéressant malgré tout de se pencher sur les avantages d’une telle formation.

Le milieu dans lequel le militaire est engagé est très complexe, les autorités civiles sont dans la grande majorité des cas responsables de l’engagement (catastrophe, manifestation, etc). Les formations militaires interviennent selon le principe de subsidiarité et le chef militaire garde en toute situation la responsabilité directe de l’engagement de ses troupes. Les principes de conduite restent inchangés, mais l’environnement est quant à lui en continuelle mutation. «La seule constante c’est le changement», et cela va de plus en plus vite. Dans ce contexte, il est important que les jeunes cadres puissent être instruits à ce milieu «hostile» qui demande compétence, flexibilité et rapidité de décision. Qualités que l’on retrouve également dans le domaine de l’entreprise soumise elle aussi aux modes, trend et technologies en continuelle mutation et évolution.

La globalisation, la démographie ainsi que la révolution digitale demandent toujours plus aux forces de travail et décideurs. Les risques sont multiples et se renouvellent sans cesse. Nous sommes dans un environnement qui est connu dans les sphères militaires par l’abréviation «VUCA»: Volatil – Uncertain (incertain) – Complexe et Ambigu. Cela désigne certainement les caractéristiques du combat moderne et hybride, mais n’est pas très éloigné des caractéristiques du milieu dans lequel doivent œuvrer beaucoup d’entreprises. Ces conditions de travail complexes demandent des capacités particulières afin de permettre la réussite dans les entreprises. L’appréhension des outils technologiques, avoir une perspective globale, maîtriser l’anglais professionnel, s’intéresser à l’innovation et avoir sans cesse la capacité et la volonté d’apprendre constituent des compétences essentielles et nécessaires.

L’Armée suisse est une très bonne plate-forme pour apprendre, entraîner et transmettre les compétences de conduite. La formation militaire au commandement et l’expérience de la conduite acquise au service peuvent être prises en compte sous forme de points de crédit ECTS (crédits) dans le cadre de certains programmes de perfectionnement des hautes écoles tels que les EMBA, MAS, DAS et CAS. En outre, l’instruction militaire dans le terrain et les blocs d’instruction à la conduite, peuvent être certifiés par l’Association suisse pour l’instruction à la conduite (SVF-ASFC). Ces instructions donnent de très bonnes bases pour une appréhension rapide et pratique des principes de conduite. Les thématiques enseignées et qui peuvent être certifiées sont les suivantes: mieux se connaitre, les compétences sociales, les méthodes de travail, les compétences spécifiques de conduite, la communication et l’information, le management des conflits et la conduite d’un groupe.

On peut y apprendre entre autres, l’importance de l’apparence, les méthodes pour mieux connaître et évaluer ses ­subordonnés et comment organiser les tâches et les différentes techniques de travail, à définir des objectifs clairs et réalisables ainsi qu’à fixer les priorités qui permettront d’avoir des personnes motivées qui donneront de meilleurs résultats. Cet apprentissage théorique est riche et constructif, mais il ne serait pas complet sans l’aspect pratique, les pieds dans la boue et la poussière. L’entraînement dans le terrain est le meilleur révélateur de talents. Il permet de montrer très vite les qualités ou les lacunes des cadres et accélère l’apprentissage. Il n’existe à mes yeux aucune autre plateforme dans notre système d’apprentissage qui permette à des jeunes de pouvoir apprendre et entraîner la conduite en situations compliquées et imprégnées de risques qu’il faut maîtriser (déplacements, exercices de nuit, utilisation de munition, conduite de véhicules lourds et blindés dans la circulation civile, la fatigue et beaucoup de testostérone dans un même secteur).

P  our réussir cela, il est important d’être capable d’apprécier et d’appréhender très rapidement le capital humain qui nous est mis à disposition. L’intérêt porté aux soldats et militaires au même titre qu’aux collaboratrices et collaborateurs doit révéler quels sont les motivateurs dans la réalisation des objectifs communs. Dans ce domaine, l’armée applique le principe de la «Auftragstaktik» que l’on pourrait traduire par la terminologie de «tactique de mission-type». Il s’agit de formuler l’objectif sans toutefois expliquer chaque phase de la réalisation de manière détaillée. Les subordonnés doivent gagner la confiance et donc un maximum de liberté de manœuvre qu’ils devront utiliser dans les limites de l’intention formulée par le chef.

Afin de permettre la prise en compte rapide de tous les critères, y compris les risques, et en se donnant toutes les chances de réussite, nous avons détaillé et ­organisé les activités de conduite militaires selon la logique suivante: toute analyse d’une nouvelle mission ou/et situation débute par l’appréhension du problème qui permet de ­visualiser de manière simple et logique les difficultés, les priorités à donner et les responsabilités pour la préparation des informations servant à la prise de décision. Ensuite se déroule l’appréciation de la situation qui permet d’analyser la situation en respectant des critères fixes. Ensuite vient le moment de la prise de décision qui permet au chef de décider en garantissant qu’il soit en possession de toutes les informations utiles. Cela se termine par le développement des plans et la donnée d’ordres. Cette systématique nous permet, d’une part, de pouvoir prendre des décisions sous pression de temps dans cet environnement VUCA, et, d’autre part, ce processus unifié est connu et appliqué par tous les chefs et à tous niveaux.

Une chose est totalement fascinante dans la formation militaire, c’est l’aspect pratique, c’est la chance de pouvoir être des journées entières dehors dans le terrain et de mettre à l’épreuve jour après jour les expériences positives et d’apprendre à chaque action en interagissant avec des jeunes, pas toujours volontaires certes, mais dans une même et unique communauté de destin.

Aujourd’hui, il ne suffit plus/pas d’apprendre sur les bancs des bonnes à très bonnes filières de formation. Afin de permettre aux jeunes leaders de se confronter à des conditions difficiles et de s’adapter à l’environnement en permanente mutation, il faut éprouver ses capacités dans les conditions réelles, comprendre par le transfert d’émotions vécues et non seulement par le passage stérile d’informations tirées de livres ou de pages Internet. Rien de tel qu’une critique constructive d’un chef expérimenté ou encore mieux le feedback direct d’un subordonné. Ce feedback peut également être unique­ment un sourire ou un regard qui nous permet de savoir si nous sommes justes, si nous avons touché à la fois le cerveau et le cœur. Cela peut également être une vocation, une étincelle que nous avons allumée chez une jeune recrue qui, plus tard, décidera elle aussi de faire de l’avancement militaire en répétant le bon exemple reçu.

C  ette formation est également particulière, car elle est de fait à 100% financée par l’Etat au contraire de la plupart des formations civiles qui sont parfois très onéreuses. Elle est aussi unique, car elle se fait dans un milieu imposé avec des personnes qui ne se connaissent pas, qui certaines fois ne parlent même pas la même langue, et proviennent de cultures différentes. L’Armée suisse, comme vous les entrepreneurs, recherche donc des talents et non pas des «Curriculum Vitae» parfaits. Nous ne regardons pas la provenance ou les notes scolaires, nous considérons ce que ces jeunes ont «dans le ventre» et ce qu’ils veulent apporter à notre société afin de l’améliorer. Nous voulons avancer avec ceux qui ont décidé d’être présents aux avant-postes en cas de crise et de catastrophe.

La sécurité est un pilier de notre système, de notre pays, nous en profitons tous. La Suisse est perçue justement dans le monde entier comme une place sûre et efficace. Cela est également une incroyable plus-value pour chaque entreprise qui profite de cette stabilité. Alors je vous invite à partager ces compétences et à partager l’engagement des forces vives de notre pays afin de réussir ensemble les défis qui nous attendent.

Les opinions exprimées dans cette rubrique n’engagent que l’auteur.

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