Publié le: 6 avril 2018

La défaite, la victoire, puis la guerre

assurance-accidents – L’industrialisation apporta de nouveaux dangers et des problèmes sociaux, car la plupart des travailleurs n’étaient pas protégés. Il a fallu deux tentatives et l’exemple de l’Allemagne avant de mettre au point ce grand chantier social.

Les ouvriers étaient rarement couverts en cas d’accident. Introduit au cours de la seconde moitié du 19e siècle, le principe de responsabilité civile de l’entrepreneur était respecté de manière arbitraire. Même si tous reconnaissaient la nécessité de créer une assurance-accidents obligatoire pour les métiers dangereux, celle-ci s’est heurtée à de nombreuses résistances: la Suisse romande s’opposait à une solution centralisée tandis que les entrepreneurs craignaient une restriction de leur marge de manœuvre et que les assureurs privés dénonçaient un monopole quasi-étatique.

Naufrage dans la pauvreté

L’assurance-accidents suisse, la première grande œuvre sociale du pays, répondait aux problèmes sociaux apparus au cours de la seconde moitié du 19e siècle à la suite de l’indus­trialisation. Durant cette période, de nombreuses familles ont sombré dans la pauvreté. En effet, la plupart des salariés n’étaient pas protégés lorsqu’ils n’étaient plus en mesure de travailler en raison d’une maladie ou d’un accident.

Avec l’émergence du mouvement ouvrier et du libéralisme au cours des années 1860, on a pris conscience de la nécessité de créer un cadre légal afin notamment que les ouvriers de l’industrie soient protégés. On s’est alors inspiré de l’Allemagne, où avait été édictée une première loi sur la responsabilité civile en 1871. La responsabilité civile a été ancrée dans la législation suisse en 1875. On a admis que la responsabilité civile n’était pas une base adaptée à une couverture fiable pour les entreprises et les ouvriers.

Le succès après deux tentatives

Il a fallu deux tentatives avant que l’introduction de l’assurance-accidents ne soit approuvée par le peuple. La première version incluait également une assurance-maladie obligatoire. Elle fut massivement rejetée en 1900. Après une campagne agitée et malgré l’opposition de la Suisse romande ainsi que de certains cantons de Suisse orientale, une version allégée a été accepté. Selon certains, 
le système lésait des classes entières de la population autochtone en ne soumettant pas les petites entreprises et les paysans au régime obligatoire, tandis que les «ouvriers étrangers ­privilégiés» bénéficiaient d’avantages. Le Conseil fédéral et le Parlement étaient quant à eux considérés comme les sauveurs de la classe ­ouvrière.

Une promesse secrète

Avant la votation décisive du 4 février 1912, partisans et opposants ne se sont fait aucune concession. La situation rendait manifestement le Conseil fédéral nerveux, tant et si bien qu’à l’approche de la votation, Robert Comtesse, responsable du Département des postes et des chemins de fer, a fait une promesse qui allait s’avérer lourde de conséquences. Il a garanti aux cheminots et aux employés de l’administration postale, qui craignaient de perdre leur statut particulier et menaçaient donc de s’opposer à la loi sur l’assurance en cas de maladie et d’accidents, qu’ils conserveraient leurs acquis sociaux. Dans le cadre d’un accord secret, il leur a promis que l’entrée en vigueur de la loi ne changerait rien pour eux. Les cheminots et les employés de l’administration postale avaient droit à 100% de l’indemnité journalière dès le premier jour, et non à 80% à compter du troisième jour, comme les autres assurés. Le problème était que la «Promesse Comtesse» faisait naître des inégalités de traitement au sein de la société suisse – et ce, dans le cadre de la première œuvre sociale instaurée dans le pays. Durant plusieurs décennies, cet accord a été la source de tensions importantes au sein du milieu politique et de la Suva.

Berne réduit les aides

Seulement deux ans après l’ouverture de l’institution, le Conseil fédéral a tenté une première fois de suspendre les aides fédérales versées à cette dernière. Il a échoué au terme d’âpres négociations menées dans un contexte d’après-Première Guerre mondiale et de crise économique qui rendait nécessaire des mesures d’économie.

Nouveauté en Europe

La Caisse nationale a été fondée comme une institution monopolistique pour l’assurance des travailleurs exerçant des métiers dangereux dans l’industrie et l’artisanat. Elle était compétente en matière de prévention des accidents et d’assurance contre les accidents non professionnels, ce qui constituait une grande nouveauté en Europe. La Caisse nationale a conservé son monopole jusqu’en 1984. L’entrée en vigueur de la révision de la loi fédérale sur l’assurance-accidents a ensuite étendu l’obligation d’assurance à tous les métiers.

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