Publié le: 10 juin 2016

N’étranglons pas le marché de l’art!

DROIT DE SUITE – Par l’introduction du droit de suite, les artistes des beaux-arts recevraient une participation au prix de revente 
de leurs œuvres. L’Union suisse des arts et métiers ne voit en l’état actuel aucune nécessité de surréglementer ce secteur.

A la mi-mai, le Conseil fédéral a déposé son rapport faisant suite au postulat «Droit de suite pour les artistes suisses» du conseiller d’Etat bernois, Werner Luginbühl (PBD). Dans ce rapport sont analysées les différentes conceptions du droit de suite ainsi qu’une analyse de l’impact économique. L’usam ne voit aucune nécessité d’introduire un droit de suite.

L’objectif du droit de suite est d’offrir une participation aux artistes des beaux-arts (peintures, dessins, sculptures, etc.) au produit de la revente de leurs œuvres sur le marché de l’art (en général par un marchand d’art, galeriste ou commissaire-priseur). Lors de la vente des originaux d’œuvres d’arts visuels et manuscrits originaux d’écrivains ou compositeurs, les auteurs ou ayants droits (succession, institution, fondation, etc.) profitent d’un droit inaliénable de participation au produit de la vente de cette œuvre originale après la première vente (marché primaire) opérée par l’auteur. Le droit de suite frappe exclusivement les reventes d’œuvres originales, autrement dit les ventes sur le marché secondaire. Selon les postulants, la rémunération supplémentaire profite en première ligne aux artistes moins connus comme aux artistes reconnus en les mettant sur un pied d’égalité avec leurs confrères étrangers. Sont exclues du droit de suite les œuvres d’architecture et arts appliqués.

De nombreux pays d’Europe, y compris tous les pays membres de l’UE, appliquent le droit de suite. Ses origines remontent à 1920, en France. Toutefois, les plus grands marchés d’art comme les Etats-Unis ou la Chine ne l’ont pas introduit. Au niveau international s’applique la «Convention de Berne». Mais les Etats membres de la Convention de Berne sont libres d’introduire ou non le droit de suite et même la façon d’interpréter son contenu. En Suisse, le droit de suite a déjà fait l’objet de débats dans le cadre des précédentes révisions de la loi sur le droit d’auteur, mais a été systématiquement rejeté. Comme le droit de suite concerne exclusivement le marché secondaire, ce sont bien les galeries et les marchands d’art qui en seraient les premiers affectés. Le vendeur devrait donc rembourser la rémunération à l’auteur.

Pour diverses raisons, l’application du droit de suite aurait des effets négatifs sur le marché suisse de l’art, renommé au niveau international.

nPression sur marché primaire: des artistes encore peu connus pourraient souffrir de l’application d’un droit 
de suite et n’obtiendraient que de moindres revenus lors de la première vente de leurs œuvres.

nDistorsion de concurrence: l’introduction du droit de suite peut conduire à un décalage entre les différents marchés d’art. Il faudrait déjà que le droit de suite soit appliqué à l’échelle globale pour évider cette distorsion!

nEvaluation de rémunération: il faudrait réglementer afin de déterminer si la rémunération est liée au prix de la revente ou bien à l’estimation de l’œuvre. En cas de lien au prix de revente, l’artiste reçoit la rémunération du droit de suite indépendamment du fait que l’œuvre est ensuite revendue à un prix plus bas ou plus élevé. La rémunération par le marchand d’art reste toujours payable même si l’œuvre d’art est vendue à perte. En cas de lien à la valeur d’estimation, l’artiste ne reçoit qu’un droit de suite uniquement si son œuvre soit vendue à un prix plus élevé. Toutefois, la détermination de la valeur d’une œuvre d’art se heurte à des difficultés.

nMachination bureaucratique: la collecte, la gestion et la distribution du produit seraient réglementées et mises en œuvre par la loi.

nFinancement de la culture publique: la Confédération, les cantons et les communes veulent promouvoir la variété et la production culturelle et, par extension, les artistes. Mais l’intérêt de jeunes artistes pourrait faiblir en raison de l’augmentation de la complexité de législation et la diminution des marges. Le financement privé pourrait aussi en souffrir. L’application du droit de suite serait tel un boomerang qui finirait par ­retomber sur l’artiste.

La conséquence serait une forte réglementation du marché suisse des arts, ce que l’usam rejette par principe. Dans le cadre de la liberté contractuelle, il y a aujourd’hui déjà la possibilité d’inclure une participation au produit de la revente d’une œuvre! Dieter Kläy, usam

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