Publié le: 5 mai 2017

Ne pas continuer comme avant!

service public, no-billag – Le conseiller national bernois vert’libéral Jürg Grossen nous livre sa conception du rôle de la SSR par rapport à sa mission de base et aux acteur privés.

Journal des arts et métiers: La Commission des transports et des télécommu­ni­cations du Conseil national veut savoir à quoi ressemblerait un service public de la SSR en cas de limitation marquée des revenus tirés de la redevance. Pour quelle raison est-il important de présenter des variantes sur cette question?

n  Jürg Grossen: La SSR fournit des prestations essentielles au fonctionne­ment de notre démocratie et à la cohésion de notre pays. La numérisation provoque toutefois un changement dans les possibilités qui s’offrent aux médias. Et cette donne influence notre comportement en tant que consommateur. Face à cette évolution, la SSR doit se mettre en mouvement et ses prestations, tout comme son budget, remis en ques-tion. C’est pour cette raison que j’ai soutenu la proposition de la majorité de la commission.

 

L’Union suisse des arts et métiers usam plaide pour que les personnes morales ne soient pas soumises à l’impôt sur les médias. Soutenez-vous cette exigence?

n  En tant qu’entrepreneur, je partage entièrement la position de l’usam. Déjà, lors du traitement de la loi sur la radio télévision (LRTV), j’ai recommandé de biffer cette double imposition et me suis retrouvé en désaccord avec la recommandation de vote du président. Puis, le peuple a entretemps confirmé l’impôt sur les médias aux entreprises. La question qui se pose maintenant est de savoir quand le timing sera bon pour exiger son abolition.

«l’article constitutionnel doit adopter une formulation neutre.»

Et quelle est votre position sur l’exigence de diminuer l’impôt sur les médias à moins de 400 francs pour les individus?

n  A mon avis, les 400 francs suffisent pour le service de base. Je ne pencherais pas pour une diminution massive, car la qualité de la SSR doit rester élevée et toutes les régions et zones linguistiques doivent pouvoir en profiter. Ce qui me dérange toute­fois, c’est que l’Etat dépense aussi beaucoup d’argent pour l’aide indirecte à la presse, à savoir dans le print. A l’heure de la numérisation, c’est totalement incompréhensible.

 

Jusqu’où à votre avis l’impôt sur les médias peut-il s’élever?

n  Grosso modo jusqu’à 300 ou 400 francs par ménage pour un bon 
média de service public. Si la SSR ne parvenait plus à réaliser en Suisse un bon programme de qualité et équi­libré, nous aurions de la TV à la Berlus­coni avec les dégâts que l’on a vus en Italie. Et cela, je ne le souhaite vraiment pas pour la Suisse.

Les Etats rejettent l’initiative «No Billag» sans une opposition. Que pensez-vous d’un contre-projet raisonnable?

n  L’article 93 de la Constitution fédérale date d’avant la numérisation et ne s’adresse qu’à la radio et à la TV. Cet article changerait du tout au tout au cas où l’initiative «No-Billag» était acceptée, toutefois sans être adapté aux conditions actuelles. C’est aussi pour cette raison que cette initiative inapte doit être rejetée. Par la même occasion, on pourrait reformuler un article constitutionnel afin de l’adapter à notre époque.

 

Et comment verriez-vous un tel contre-projet?

n  Le service universel en matière de médias ne doit pas comprendre seule­ment la radio et la TV, mais aussi le monde numérique. A cet égard, soulignons que la SSR n’atteint presque plus le jeune public.

La consommation de médias en différés augmente de manière très importante pour toutes les classes d’âge. Vidéos, fichiers de son ou de textes sont échangés. Pour cette raison, l’article constitutionnel doit adopter une formulation neutre. C’est sur cette base que l’on peut se 
décider en faveur d’une loi nouvelle, ­moderne, sur les médias.

Sur le rapport du Conseil fédéral et de l’Office fédéral de la communication (OFCOM) sur le thème du service publics, vous vous êtes montré déçu. Qu’est-ce qui selon vous fait défaut?

n  Le rapport du Conseil fédéral n’a apporté que peu d’éléments nouveaux. «Continuez comme avant», dit-il en substance! C’est une erreur, car le monde des médias, à l’ère du numérique, change de manière frappante et continue de se développer. Celui qui fait du surplace se fait vite dépasser. Le Conseil fédéral après tout demande constamment à la SSR qu’elle propose une offre de qualité qui se distingue. Le fait d’exiger que la SSR se distingue protégera à l’avenir les acteurs privés en empêchant une activité commerciale en dehors de son propre cœur d’affaires. C’est là l’un des seuls points positifs dans le rapport du Conseil fédéral.

 

Vous exigez que la Confédération conduise une politique des médias progressive. Quelles en seraient les points principaux?

n  Je veux une politique des médias modernisée, qui tienne compte des habitudes numériques des consommateurs et rende possible une compétitivité des idées. Ce que les privés peuvent apporter ne doit pas en plus être offert par la SSR. Cela reviendrait à une distorsion de concurrence. Dans tous les cas, les médias et la diversité des opinions doivent rester au centre.

«Je veux une politique moderne qui tienne compte des habitudes numériques.»

Les Verts’libéraux exigent une séparation entre les contenus de service public qui sont financés par l’argent public et le reste de l’offre. Où tracez-vous la ligne de démarcation entre les deux?

n  La SSR devrait se concentrer plus fortement sur ses thématiques favorites, l’information, la culture, la formation. Et laisser aux offreurs privés le domaine du divertissement. Les contributions réalisées par la SSR avec l’argent des redevances devraient pouvoir être utilisées et diffusé largement par les offreurs privés, pour autant que ces derniers respectent le droit d’auteur. Ce qui est financé par l’argent public devrait être accessible facilement et par un large public.

 

Que pensez-vous de l’idée défendue par le critique des médias, Karl Lüönd, d’une «SSR light» – avec des émetteurs publics sans publicité et des émetteurs privés sans produit de la redevance?

n  Sur le papier, ça a l’air chouette! Mais je reste sceptique. Dans la partie alémanique, l’offre continuerait d’être excellente. Mais en Suisse romande, au Tessin, dans les Grisons, elle serait trop mince. Pour les annonceurs privés, par la suite, le marché de ces régions serait trop étroit. Cela porterait atteinte à la diversité souhaitée.

Interview: Gerhard Enggist

 

Trajectoire

Le conseiller national bernois Jürg Grossen (47 ans) siège depuis 2011 au Parlement sous les couleurs vert’libérales. Depuis 2012, il est membre de la commission du National pour les transports et les télé-communications. Depuis 2015, il est vice-président du groupe vert’libéral Entrepreneur, père de trois enfants, il est coactionnaire et dirige deux entreprises à Frutigen 
(BE), actives dans les domaines de la 
planification électrique et les techniques d’automation du bâtiment.

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