Publié le: 13 mai 2016

Plus sûre que la plupart des pays

conseiller fédéral guy parmelin – «Nous avons une armée pour pouvoir y avoir recours en dernière nécessité», déclare le chef du DDPS. Flexibles, les PME contribuent aussi à la sécurité.

Journal des arts et métiers: Monsieur le conseiller fédéral, quelle est votre appréciation de la sécurité en Suisse en ce début d’année 2016?

n Conseiller fédéral Guy Parmelin: La menace terroriste reste élevée, en Suisse également. La Suisse et les intérêts suisses à l’étranger ne sont certes pas des cibles prioritaires d’attaques commanditées ou organisées par le groupe «Etat islamique». Cependant, notre pays fait partie des Etats occidentaux que les djihadistes considèrent comme ennemis de l’Islam et il reste donc une cible potentielle du terrorisme. Les cyberattaques sont aussi un risque permanent et nous savons par expérience qu’une catastrophe naturelle ne peut jamais être exclue. Voilà brièvement résumés quelques points essentiels dont nous devons tenir compte pour assurer la sécurité de la Suisse. Vu l’ampleur de la tâche, mon énumération n’est donc pas exhaustive.

 

Dans quelle mesure les attentats de Paris et de Bruxelles ont-ils modifié la situation de la Suisse?

n Ces attentats n’étaient malheureuse­ment pas une surprise; c’était une éventualité avec laquelle il fallait compter. D’ailleurs, nous attirons l’attention depuis novembre 2015 déjà sur le fait que la menace terroriste s’accroît en Suisse également. A l’heure actuelle, il n’y a toutefois pas d’indice concret qui permettrait d’établir un lien entre les responsables des attentats de Bruxelles et la Suisse.

 

Que signifient-ils pour la Suisse en tant que place Ă©conomique?

n La Suisse est toujours un pays sûr, et elle l’est davantage que bien d’autres. C’est un atout que nous voulons absolument conserver.

«l’armée peut renforcer les contrôles aux frontières et 
canaliser les migrants.»

 

Votre parti, l’UDC, exige que l’on ferme les frontières aux migrants. Est-ce réaliste?

n Eriger un barrage physique tout le long de la frontière n’est pas une option réaliste, ni du point de vue des capacités disponibles, ni du point de vue légal. Si l’on voulait contrôler toutes les personnes et tous les véhicules qui franchissent chaque jour nos frontières, cela paralyserait notre économie. D’ailleurs, nous ne l’avons jamais fait, même avant Schengen. A l’époque, environ 5% des personnes étaient contrôlées.

Cependant, l’armée, avec les moyens dont elle dispose, peut contribuer à améliorer la surveillance, renforcer les contrôles à la frontière et, en suivant les instructions du Corps des gardes-frontière, aider à canaliser les migrants.

 

Si le nombre de réfugiés devait augmenter cet été, vous prévoyez de mobiliser jusqu’à 2000 soldats pour appuyer les autorités civiles. Où allez-vous les trouver?

n Ce sont des professionnels de la police militaire, des militaires en service long et des militaires qui effectuent un cours de répétition (CR) et qui seront de toute façon en service. De plus, l’armée a augmenté sa disponibilité en adaptant les dates des cours de répétition de quatre bataillons.

«les pme contribuent à la sécurité avec des collaborateurs qui effectuent chaque année du service.»

C’est un des gros avantages de notre armée de milice: s’il faut davantage de militaires à un moment précis, nous pouvons les convoquer selon nos besoins.

 

Les engagements à court terme, même s’ils se justifient, peuvent poser problème aux PME. Comment peuvent-elles s’y préparer?

n Il en va de la sécurité de la Suisse, il faut bien l’admettre. Il est vrai que les entreprises y contribuent en employant des collaborateurs qui effectuent chaque année trois, voire quatre semaines de service. Il est vrai aussi que le changement des dates des cours de répétition demande à tous une plus grande flexibilité. Mais je le répète: si nous avons réellement un problème plus important lié à la migration et que, loin à la ronde, des voix s’élèvent pour que l’armée soit engagée, alors j’en déduis que l’on est aussi prêt à laisser les militaires accomplir leur service. Cela fait partie du fonctionnement de cette armée de milice dont nous sommes, à juste titre, si fiers.

 

Lorsque la planification des cours de répétition est revue de fond en comble, cela touche aussi les militaires et leurs familles et la planification des vacances. Qu’avez-vous à leur dire?

n Pour le moment, environ 4000 militaires sont concernés par les adaptations des dates de CR. Ces prestations ne peuvent pas être fournies sans occasionner des désagréments, mais c’est le cas chaque année pour quelque 130 000 militaires actifs. Chaque personne concernée peut aussi faire une demande de déplacement de service. L’armée examinera ces demandes, comme d’habitude, avec le plus grand soin. Toutefois, si nous avons une armée, c’est pour pouvoir y avoir recours en dernière nécessité. Cela demande certains sacrifices, mais cela fait intégralement partie du principe de milice.

 

Parlant de vacances, que pensez-vous des informations selon lesquelles les plages de la Méditerranée seraient de moins en moins sûres pour les touristes?

n A chacun de s’informer sur le lieu de ses prochaines vacances, par exemple en consultant les pages du site Internet du DFAE.

 

Revenons en Suisse. Quel est le degré de sécurité des points névralgiques pour le tourisme local comme le train de la Jungfrau, la Bahnhofstrasse à Zurich ou le pont de la Chapelle de Lucerne?

n La protection de ces sites relève de la responsabilité des polices cantonales. Naturellement, le Service de renseignement de la Confédération est également concerné, notamment dans le cadre de son appréciation de la situation. La nouvelle loi sur le renseignement (LRens) permettra de mieux évaluer les risques qui pèsent sur de tels points névralgiques.

 

Que conseillez-vous aux citoyens qui craignent pour leur sécurité?

n Il n’est malheureusement pas possible d’exclure complètement l’éventualité d’un attentat en Suisse. Cependant, la nouvelle loi sur le renseignement nous donnera la possibilité d’identifier les menaces plus rapidement et d’améliorer la prévention, surtout pour la lutte contre le terrorisme et l’espionnage. Mais elle n’offre pas non plus la garantie que la Suisse et ses intérêts resteront épargnés à jamais.

«la nouvelle loi sur le renseignement permettra de mieux évaluer les risques...»

Les intentions hostiles d’individus ou de petits groupes d’individus qui se radicalisent et passent à l’action sans entretenir de lien officiel avec des organisations djihadistes constituent à elles seules un défi de taille pour la prévention. La nouvelle loi augmente toutefois la probabilité que nous détections ces menaces contre notre pays suffisamment tôt pour prendre des contremesures. Cette loi permettra justement d’empêcher que notre pays devienne une «cible facile» dans le contexte international actuel qui s’est durci. Elle trouvera le juste équilibre entre les valeurs fondamentales que sont la sécurité et la liberté.

 

Quels seront les principaux projets d’armement ces prochaines années et quels effets sur l’économie?

n Nous avons présenté le message sur l’armée 2016 en avril à Frauenfeld. Celui-ci concerne aussi bien l’acquisition de biens d’armement que la construction et l’assainissement de biens immobiliers de l’armée. En ce qui concerne la planification de l’armement, il est prévu, cette année, d’investir dans la mobilité, avec l’achat de camions et de remorques, et dans l’efficacité de l’engagement, par exemple avec une arme polyvalente à épauler pour l’infanterie ou avec un nouveau mortier mobile pour l’artillerie.

«... et d’empêcher que notre pays devienne une ‹cible facile› dans le contexte international actuel.»

De nouveaux canots-patrouilleurs sont aussi prévus pour renforcer la surveillance et la recherche de renseignements sur nos fleuves et nos lacs. Ces prochaines années, l’armée doit notamment être équipée avec d’autres véhicules, et les aéronefs et hélicoptères déjà engagés doivent bénéficier d’un programme de maintien de la valeur. Enfin, des appareils de transmission permettront d’assurer les liaisons même en situation extraordinaire. Des entreprises suisses participent à un grand nombre de ces projets, que ce soit en tant qu’entrepreneurs généraux ou sous-traitants. En 2016 par exemple, le bénéfice pour notre économie s’élèvera au total à quelque 1362 millions de francs.

 

Interview: Gerhard Enggist

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