Publié le: 5 mai 2017

Qui sont les 200 meilleurs jeunes pros?

L’invitée du mois

Dans le cadre de cette étude, financée par l’institut de recherche Swiss Education, environ 200 femmes et hommes, qui étaient arrivés à l’une des trois premières places lors des championnats des métiers, ont été interrogés. Cette étude consacrée aux 200 meilleurs jeunes professionnels est le premier projet de recherche en Suisse à analyser les raisons pour lesquelles ces professionnels sont arrivés en tête. Les participants (âgés de 19 à 26 ans) ont répondu à un questionnaire en ligne qui révèle les raisons de leurs excellentes prestations, le rôle joué par leur entourage et les conséquences de ce succès sur leur carrière professionnelle. L’enquête met fin à au moins deux préjugés: premièrement, les médaillés n’étaient pas tous d’excellents élèves quand ils allaient à l’école et ne sont pas tous titulaires d’un diplôme de haute qualification. Deuxièmement, ce ne sont pas non plus toujours ceux qui ont «de l’or au bout des doigts» qui sont arrivés aux premières places des championnats: 64% des 200 meilleurs sont issus de familles de statut social inférieur, 22% de la classe sociale moyenne, mais 15% aussi de familles dont les parents ont fréquenté l’université. 40% des personnes interrogées ont un diplôme moyen, 20% un diplôme plutôt modeste. De plus, dans le secondaire, ils n’étaient vraiment pas tous les meilleurs de la classe. Un tiers des sondés juge que ses résultats scolaires étaient médiocres ou même mauvais.

Ceci prouve bien que de jeunes gens n’ayant pas toujours réussi à l’école peuvent réussir à faire partie des 200 meilleurs de la formation professionnelle suisse. Pour beaucoup d’entre eux, la formation professionnelle a même représenté leur seconde chance qui a entraîné une explosion de leurs performances. Ces résultats remettent en question les plaintes de nombreuses entreprises qui prétendent ne pas trouver de «bons apprentis». Ceux qui estiment que les 200 meilleurs sont tout simplement des veinards qui ont réussi sans faire d’effort se trompent bien.

L’équipe de recherche montre que le chemin vers le sommet a été particulièrement long et jonché de privations. Pendant la préparation, les candidats ont dû négliger bien des choses. Plus de 85% des personnes interrogées se sont préparées pendant le week-end. Renoncer à leur temps libre a été pour 76% le plus éprouvant. Ceci concerne certainement particulièrement les 31% qui ont pu se préparer aux championnats professionnels à côté de leur travail. Environ 43% ont profité des vacances ou de congés non rémunérés pour la préparation qui a duré entre un et six mois. Il n’est donc pas surprenant qu’un quart (24%) attire l’attention sur la perte de revenus dont il a souffert pendant la préparation. Les contacts sociaux ont également pâti de la préparation: 50% ont dû négliger leurs amis, 25% leur famille et 21% leur partenaire. Les participants doivent présenter des traits de personnalité bien précis pour arriver en tête. Ceux-ci sont par exemple: être ambitieux et indépendant, savoir travailler de façon précise, faire preuve d’endurance et de discipline, mais disposer également de compétences personnelles nombreuses. Ce dernier point a représenté la difficulté majeure pour la majorité des participants à l’étude (52%): gérer le temps pendant la préparation, gérer la pression et le stress ou garder confiance en soi et persister.

Nombreux sont ceux qui décrivent en détail ces difficultés: un défi particulier a été de devoir travailler sous la pression de la réussite et sous surveillance constante (également de l’entreprise, des collègues et des médias). Pour la première fois de leur vie ils ont dû supporter l’incertitude et aussi surmonter leur propre courage («Puis-je vraiment affronter les autres?»), se battre contre leurs doutes («Suis-je vraiment à la hauteur des exigences?») et se motiver constamment («Mais oui, tout ça en vaut la peine!»). Il serait incorrect de mettre les 200 meilleurs dans le même sac et de les décrire comme un groupe homogène. Bien au contraire, ils se différencient de par la raison pour laquelle ils ont participé, mais aussi de par la façon dont ils expliquent leur succès. En se basant sur une analyse de partitionnement de données, les chercheurs ont pu répartir les médaillés en trois types différents: les férus d’apprentissage résistant au stress (31%), les compétitifs avides de réussite (41%) et les consciencieux parfaitement préparés et convaincus de leurs prestations (28%). Tandis que les membres du premier groupe ont décidé de participer parce qu’ils voulaient faire de nouvelles expériences et considèrent que leur résistance au stress les a conduits à la réussite, ceux du second groupe voient les choses différemment: ils ont parti­cipé pour avoir du succès et se mesurer à leurs concurrents. Selon eux, les gros efforts qu’ils ont fournis les ont conduits à la réussite. Le troisième groupe est totalement différent des deux autres. Ils ont participé parce qu’ils s’estiment particulièrement doués professionnellement. C’est leur préparation parfaite et intensive de plus de 650 heures qui les a conduits à la réussite. Les résultats permettent aux chercheurs de tirer des conclusions importantes: Certes, les traits de personnalité des 200 meilleurs et leur motivation intrinsèque sont les facteurs les plus importants. Cependant, le facteur de motivation central vient de l’entourage, c’est-à-dire des entreprises, du corps enseignant de l’école professionnelle, des experts et des familles. Ce sont les entreprises ainsi que les cours interentreprises, les centres de formation et les écoles professionnelles qui jouent un rôle central dans la préparation au concours.

Mais l’étude révèle un autre résultat plus surprenant. Ce sont les ­parents, et surtout la mère, qui représentent le plus grand soutien, que ce soit pour motiver le candidat à participer ou pendant la préparation au concours. Bien que des études précédentes dirigées par l’équipe de chercheurs aient déjà révélé ce résultat, la ­signification du soutien des parents est vraiment impressionnante lors des championnats professionnels pour les jeunes, et ce même après l’adolescence. Selon les 200 meilleurs, la participation aux championnats professionnels représente un véritable succès qui a eu énormément de conséquences positives sur leur carrière professionnelle. 66% d’entre eux pensent que leur profit est supérieur à ce qu’ils estimaient, pour plus de 30% d’entre eux, leur profit est comme ils l’estimaient. Ils décrivent leurs avantages de la manière suivante: avoir reçu un feed-back professionnel concernant le propre travail, savoir où ils en sont aujourd’hui, avoir développé de nouvelles compétences et avoir constitué un ­réseau de contacts.

Le succès a apporté d’autres distinctions à 32% des personnes interrogées et une promotion professionnelle notable à 57%. Un peu plus d’un tiers (35%) occupe déjà un poste de direction. En outre, plus de 80% ont commencé de nouvelles formations, certains étudient dans une haute école ou à l’université. Enfin, leur succès leur a donné une fonction de modèle pour les jeunes ap­prenants. Et c’est un rôle qu’ils aimeraient garder. Ce bilan particulièrement positif est renforcé par le fait que 96% des personnes 
interrogées déclarent qu’elles seraient prêtes 
à participer de nouveau aux championnats 
professionnels.

Les opinions exprimées dans cette rubrique ­n’engagent que l’auteur.

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