Publié le: 10 mars 2017

Robot désherbeur en douceur

innovateurs — Avec ses quatre roues et son panneau solaire, Ecorobotix arpente les champs du matin au soir. Steve Tanner et Aurélien Demaurex suscitent l‘enthousiasme du monde agricole.

Cela fait belle lurette que le Y-Parc d’Yverdon-les-Bains abrite la naissance de «boîtes prometteuses». 
C’est le cas avec Ecorobotix. Cette PME bien en vue démarre la construction de robots agricoles et écologiques. Une dizaine d’exemplaires sont prévus pour cette année. Et 
par la suite, la production en plus grande série prendra le relais. Pour financer cette croissance, une première récolte de fonds – des particuliers ont investi – a ramené 3 millions de francs. Le prix d’une machine oscille autour de 25  000 francs.

Deux entrepreneurs, des valeurs

Ecorobotix. Le nom est bien déniché. Il est vrai que les deux jeunes entrepreneurs, Steve Tanner (1972) et 
Aurélien Demaurex (1978), étaient inspirés par le sujet. Le premier a grandi dans la ferme familiale d’Essert-Pittet, il est aussi docteur en micro-électronique formé à l’EPFL. Très vite, il s’est senti «matheux, puis plutôt ingénieur», donnant un coup de main dans l’exploitation de son père, certes, mais surtout féru de bouquins scientifiques, de schémas électriques et de radiofréquences. Des robots pour l’agriculture, l’idée a soudain jailli il y a une quinzaine d’année. «Depuis sa conception, son apparence a peu changé, songe Steve Tanner, la table avec les panneaux solaires, les quatre roues, le bras suspendu…»

Quid de son compère? «Aurélien 
Demaurex est né dans une famille d’entrepreneurs assez connus en Suisse romande, raconte Steve Tanner. Son père Pascal et son oncle Marc-Olivier Demaurex ont créé la Demaurex Robotique et Microtechnique, dans les années 1980. Ces précurseurs ont mis au point la mécanique de la souris de Logitech et commercialisé en 1987 le fameux robot Delta de l’EPFL.» L’entreprise est vendue par la suite (2003) à Bosch et devient la Bosch Packaging Technologies. Un bel ADN pour le jeune Aurélien dont le rêve d’enfance était de lancer sa propre embarcation. Après HEC, sa trajectoire l’emmène dans le monde bancaire et l’administration d’une ONG consacrée à l’aide d’urgence à Madagascar.

Entre les deux, le courant passe tout de suite: «Grâce à un ami commun, nous avons fait connaissance fin 2010 lors d’une causerie sur l’environnement. Je voulais embarquer Aurélien dans un projet associatif, mais au final, nous avons parlé de mon projet de robot, explique Steve. Nous sommes tous deux préoccupés par l’environnement et partageons des valeurs éthiques et morales. Notre force est la complémentarité entre 
la dimension technique et la partie business. Nous sommes capables 
de nous soutenir mutuellement et de faire avancer le projet, y compris en cas de difficultés, ce qui ne manque pas de se produire.»

La production démarre

Steve et Aurélien ont mis sur pied une équipe d’une petite dizaine 
de personnes (8,5 ETP). Les attentes sont élevées et le monde agricole 
romand suspend son souffle. Ecorobotix est déjà encensée par ce doux-mélange de médias et d’institutions qui chaque année se met en peine de jeter en pleine lumière les talents qui poussent dans notre paysage.

Pour l’heure, au stade de start-up, elle est sur le point de se lancer dans la production de robots agricole (photo) permettant en toute tranquillité de désherber un champ de betterave printanière en déposant une petite goutte de désherbant ici et là pour éviter la douche chimique intem-
pestive. Le tout, alimenté par des panneaux solaires. Un rêve pour 
des agriculteurs modernes qui veulent tirer un trait sur l’excès 
de chimie. Jusqu’ici, cinq exemplaires ont déjà roulé dans les champs environnants. Les tests se poursuivent, les voyants sont pour l’heure au vert.

Des agriculteurs emballés

«Nous sommes sept ingénieurs, 
cinq informaticiens et deux électroniciens, raconte Steve Tanner. Tandis qu’Aurélien gère l’administration et les finances, je supervise le déve-
loppement et la production. Nous réalisons toute la programmation 
en interne et sous-traitons la fabri-cation de la plupart des pièces. 
L’assemblage se fait dans notre atelier et nous les testons dehors. Une partie du travail se fait pour le moment à la ferme familiale d’Essert-Pittet, l’autre à Y-Parc.»

Avant de se lancer, il fallait sonder la clientèle potentielle. Les fermiers de la région qu’ils sont allé trouver se sont montrés intéressés, voire enthousiasmés par cette nouvelle idée. En tout cas suffisamment pour 
que les deux roboticiens se lancent. Les agriculteurs-cobayes bien dis-
posés ont joué le jeu dans la ré-
gion. Une série de machines se-
ront maintenant installées chez 
des testeurs en France, en Allemagne et en Italie pour valider le concept.

Les brevets sont là!

Côté finance, la jeune entreprise sort gagnante d’un premier tout de table qui leur permet de salarier les équipes et … eux-mêmes. Bien sûr, un brevet valable dans le monde entier est un premier pas vers la sécurité, mais les risques demeurent importants. Dans quel état d’esprit sont-ils? «Quand on se lance fleur au fusil, on ne regarde pas tous les risques. Si on le faisait, on ne partirait pas. Il faut 
valider la faisabilité et la viabilité 
économique. Donc déterminer si la base est solide. Au final, est-ce que quelqu’un est prêt à acheter notre robot? Ensuite, toutes les difficultés font juste partie du voyage…»

La musique d’avenir aussi

Qu’est-ce qui les aura bluffés durant toute cette expérience? «La bonne exposition médiatique nous a bien surpris. Toutefois, en y réfléchissant, 
il existe un intérêt réel du grand public pour tout ce qui nous permet de mieux manger tout en protégeant l’environne­ment. Nous répondons donc à une demande politique et citoyenne pour laquelle il n’y a encore que peu de solutions.» En regardant à l’horizon, Steve et Aurélien voient également une adaptation de leurs robots aux marchés des produits maraîchers. Et, plus loin encore, une agriculture sans produits chimiques. «C’est de la musique d’avenir, car pour l’instant, nous devons nous concentrer sur notre première machine qui utilise encore la chimie, mais qui la réduit considérablement.»

François Othenin-Girard

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