Publié le: 4 novembre 2016

Stable, robuste et diversifié

HANSPETER HESS – «Le marché intérieur du crédit est le lubrifiant de l’économie», estime le ­directeur de l’Union des Banques Cantonales Suisses. Toutefois, la réglementation renchérit l’offre.

Journal des arts et métiers: Comment se porte le microcosme bancaire suisse par les temps qui courent?

n Hanspeter Hess : La place bancaire suisse se porte dans son ensemble – et par comparaison internationale – plutôt bien. Au cours des dernières années, nous avons vécu quelques changements, en premier lieu toute les affaires en lien avec l’activité des banques à l’international. En revanche, le marché intérieur qui concerne avant tout les relations avec les PME a démontré une fois de plus son rôle de pilier stable de la place financière.

Quelle rĂ´le les banques cantonales jouent-elles sur cette question ?

n Les banques cantonales constituent le plus important groupe bancaire actif sur le marché intérieur. Leur cœur d’affaires est constitué par le marché de la marge d’intérêt, c’est-à-dire celui de l’intermédiaire entre l’épargne et le financement, en visant le marché régional. Pour mener à bien cette tâche, la contribution des banques cantonales permet de faire fonctionner de manière efficiente l’économie suisse et offrent à cette dernière une très haute valeur ajoutée indirecte. Le marché intérieur du crédit est le lubrifiant de l’économie. Il favorise et rend possible les investissements, les innovations et le bon fonctionnement du marché du travail en Suisse. De la même manière, le franc généré par les affaires de crédit est plus utile pour l’économie que le franc qui provient des placements de prévoyance étrangers.

Quels sont les plus grands atouts et défis pour la place financière ?

n S’agissant des atouts pour cette place, je dirais qu’ils sont nombreux. Environ 270 banques de diverses tailles et dotés de cœurs d’affaires variés et de structure capitalistiques différentes, constituent le paysage bancaire local. Cette diversité produit une compétition qui fonctionne, un service efficient et une proximité avec la clientèle. A cela s’ajoute une très forte stabilité, ce qui confère au système financier un caractère extraordinairement robuste face aux crises.

«Le grand atout de la place financière est sa diversité.»

Parmi les défis actuels, il faut mentionner l’insécurité conjoncturelle. D’une part, l’avènement de taux d’intérêts négatifs conduit à une érosion des marges dans le domaine clé de la banque de détail (retail). De l’autre, le succès des banques cantonales est étroitement lié à la marche des affaires des entreprise locales. Que les PME investissent par exemple en se basant sur la force du franc, ou qu’elles fassent preuve d’attentisme en raison d’interrogations qui subsistent sur les incertitudes de la zone euro, dans les deux cas cela se répercute sur les affaires de la banque. Autre défi, celui qui se pose en raison de la forte densité réglementaire des banques et qui nous donne des maux de tête. Sans réglementation, cela ne va pas. Mais ces dernières années, le tempo et la cadence se sont accélérés et le nombre de nouveaux règlements est monté en force. Et le pipeline en contient encore un certain nombre. Tout cela nous conduit à une sur-­régulation qui, sans ressources supplémentaires, représente un coût supplémentaire pour chaque domaine d’activité.

Dans le microcosme des PME, on entend souvent qu’il est devenu plus difficile pour les PME d’obtenir du crédit et que le prix des services bancaires est de plus en plus élevé. Qu’en pensez-vous?

n Le total des prêts qui ne sont pas couvert par de l’immobilier, selon les statistiques de l’OFS, a légèrement reculé au cours des deux dernières années. Mais, comparé au marché intérieur total, le recul a été moins marqué dans les banques cantonales. De notre point de vue, cet affaiblisse­ment doit être mis en relation avec l’affaiblissement général de la demande de financement. Sur le marché intérieur et en raison des incertitudes économiques actuelles, les entreprises investissent de manière plus retenue voire renoncent totalement à une acquisition financée par des fonds étrangers. Un resserrement du crédit induit par l’offre n’existe pas et cela ne s’est pas produit durant la crise financière – en particulier pour les établissements orientés sur le marché intérieur.

Dans ce contexte, les instituts financiers sont sans cesse confrontés depuis la crise à de nouvelle réglementations. Les charges liées à cette activité de mise à jour législative doit être répercutée sur la clientèle, ce qui contribue à rendre l’offre plus onéreuse.

Quels sont les réglementations qui ont la plus grande influence sur l’augmentation de la structure des coûts et le resserrement des crédits?

n Commençons du côté des coûts: les réglementations qui coûtent le plus cher sont liées aux ressources humaines. Par exemple, la quantité de documents et d’annonces obligatoires à la Finma implique de plus en plus de moyens en personnel. A côté de cela, les départements «Legal» et «Compliance» ont eux aussi été revus à la hausse. Dans les petits établissements, il est fréquent que la partie «droit du travail» représente 10% des coûts de personnel. Rien qu’en 2015, comme l’a montré une étude menée par le groupe Boston Consulting Group, les coûts de compliance ont encore augmenté de 10%.

«L’hyper-réglementation consomme des ressources et pousse les coûts vers le haut.»

Votre question portait sur le resserre­ment de l’offre de crédit: or de notre point de vue cela n’est pas le cas. Les exigences en capital propre sont élevées et peuvent avoir une influence fondamentalement sur la capacité à contracter un emprunt. Pour les banques cantonales, toutefois, cette considération ne prend pas de l’ampleur, car elles sont bien capitalisées et les minimums de capitalisation sont plus que remplis.

Avez-vous mis à l’épreuve ces réglementations adoptées depuis 2008? Les banques aujourd’hui sont-elles devenues plus sûres ?

n En particulier les établissements tournés vers l’international sont devenus plus sûrs qu’il y a quelques années. Là, en effet, la sécurité a été améliorée. De notre point de vue, il reste problématique que dans de nombreux cas de réglementations des marchés financiers, l’analyse coût-utilité est à peine réalisée. Il manque également à ce stade une différenciation qui fasse sens entre type de banque et profil de risque. Nous ne trouvons pas qu’il soit justifié d’adopter la même exigence régulatoire pour une petite banque de retail régional et une multinationale complexe.

En quoi l’alignement de la Suisse à l’international est-il essentiel pour les banques (cantonales) suisses ?

n Les banques cantonales sont à 90% actives sur le marché intérieur. Elles sont ancrées localement et visent le marché régional. Les affaires à l’international ne jouent pour elles qu’un rôle marginal. Pour l’ensemble de la place financière, les affaires transfrontalières représentent, maintenant comme avant, un domaine très important. La résolution de problème sur l’entrée du marché – par exemple ceux de l’UE – devrait toute­fois toujours s’accompagner de considérations sur le coût et l’utilité pour l’ensemble des acteurs concernés. Des concessions trop onéreuses pour s’assurer de l’entrée des marchés, et qui surchargent les banques actives sur le marché intérieur, ne sont pas acceptables.

«La même réglementation pour les banques régionales et pour une multinationale? CELA n’est pas correct.»

Est-ce qu’un accord sur les marchés financiers avec l’UE est une bonne idée ?

n Nous sommes sceptiques. Nous sommes aussi d’avis que dans l’environnement politique actuel, un tel accord ne devrait plus, pour les prochaines années, être un thème à aborder.

Le besoin potentiel d’un tel accord ne serait que très limité et n’engagerait qu’une seule partie. De cette manière, seules les banques actives à l’international en profiteraient pour les fonds de pension et la gestion de fortune. En dehors de ces aspects, cet accord ne provoquerait que des effets néfastes pour l’ensemble de la place financière suisse. Les mesures réglementaires du droit de l’UE auraient un effet destructeur sur les droits nationaux des finances, tout en contribuant à renforcer massivement la bureaucratie et créant des coûts supplémentaires pour tous les acteurs en Suisse.

Que souhaitent les banques cantonales au plan politique ?

n Le facteur de succès principal à nos yeux pour toute la place bancaire suisse, nous l’avons mentionné, c’est la grande diversité des établissements financiers. Pour lui conserver cet atout, la régulation financière doit tenir compte de ces différences. Pour que notre place économique demeure forte, nous avons besoin de conditions-cadres attractives. Ce qui signifie avant tout: éviter l’hyper-régulation, les réglements inefficients et la bureaucratie inutile.

Interview: Gerhard Enggist

bio express

Hanspeter Hess

Hanspeter Hess est directeur de L’Union des Banques Cantonales Suisses (UBCS), dont le siège est à Bâle. A ce poste, cet économiste de 53 ans défend les intérêts communs des vingt-quatre banques 
cantonales face à la politique et aux associations de branche. L’UBCS encourage la collaboration des vingt-quatre établissements. De plus, s’agissant de questions politico-économiques qui touchent les activités bancaires, cette association coordonne les prises de position.

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