Publié le: 7 avril 2017

Tribulations de la génération Y

générationnel – Suite à l’enquête Manpower sur la génération Y au travail présentée dans notre édition précédente: comment 
cette entreprise vit-elle elle-même le phénomène Y à l’interne? Quelle pistes ont-elles été étudiées? Quelles impulsions adoptées?

Comment Manpower vit sa génération Y à l’interne et que tire-t-elle de sa propre étude. C’est ce que nous avons demandé à Romain Hofer, porte-parole de cette entreprise.

Journal des arts et métiers: Sur la base de quels constats avez-vous décidé de lancer cette étude?

n Romain Hofer: Dans trois ans, soit d’ici 2020, les individus de la génération du millénaire – correspondant à la tranche d’âge de 20 à 34 ans – représenteront plus du tiers (35%) de la main-d’œuvre mondiale. Pour mieux saisir les points de vue des employeurs et des employés, nous avons effectué une étude quantitative dans 25 pays pour sonder 19 000 personnes de la génération Y actives, soit 650 personnes en Suisse, dont 8000 collaborateurs temporaires de ManpowerGroup et plus de 1500 (100 en Suisse) de nos responsables du recrutement quotidiennement en relation avec des Y. Nous avons voulu comprendre en quoi ils sont ou ne sont pas différents du reste de la main-d’œuvre et des générations qui les ont précédés.

Quelle est l’expérience de Manpower avec cette génération?

n Au niveau mondial, nos collaborateurs internes, dont le nombre atteint presque 30 000, conseillent chaque année 400 000 clients dans les domaines du recrutement et de la formation. En tant qu’experts du monde du travail, nous trouvons du travail pour 3,4 millions de personnes, dont la moitié environ est issue de la génération du millénaire. En Suisse, chaque année, 240 conseillers en personnel trouvent du travail pour quelque 22 000 personnes (20 000 pour des missions temporaires et 2000 en postes fixes) dont la moitié environ est issue de la génération du millénaire. Parmi nos 240 conseillers présents dans 50 localités en Suisse, plus de 65% sont issus de la génération Y (tous collaborateurs confondus, la moyenne d’âge est de 37 ans). Nos conseillers en personnel relèvent que les Y ont de la motivation et de l’ambition, ils sont tout autant impliqués dans le travail que les générations précédentes. Ils ne se projettent toutefois pas sur le long terme, car ils sont conscients que le marché du travail a changé par rapport à celui que leurs parents ont connu.

Quels points avez-vous intégrés dans votre propre plan d’action?

n Nous menons plusieurs initiatives dans le but d’attirer et de fidéliser cette génération. Par exemple, en organisant des formations internes et continues. Tous nos collaborateurs internes suivent un programme de formation au sein de notre «Manpower Academy». De plus, ils ont l’occasion de se perfectionner via un programme en ligne appelé «power­YOU». Développer leurs compétences en permanence et les faire grandir est au centre de ce programme qui profite autant à l’entreprise qu’à la personne dans le développement de son employabilité. Nous investissons dans l’avenir de nos collaborateurs, et même s’ils devaient un jour quitter l’entreprise, il fort est à parier qu’ils iront chez un client. La marque employeur se vit ainsi par tous les collaborateurs, également par ceux qui trouvent un autre emploi. Le deuxième axe est celui du partage et de la responsabilisation: chaque nouveau collaborateur interne est accompagné durant ses premiers mois par un parrain / une marraine (coaching / mentoring) favorisant l’échange et les points de situation réguliers. Nous évoluons dans une structure familiale, décentralisée et peu hiérarchisée. Nous développons la culture du partage et du feedback, responsabilisons nos équipes et favorisons l’organisation et le temps de travail autonome.

Quels conseils donnez-vous aux PME confrontées à la génération Y?

n Sécurisez leur carrière en leur prouvant qu’ils sont au bon endroit pour améliorer leur employabilité. Démontrez aussi que le fait de rester dans l’entreprise peut conduire à l’épanouissement professionnel. Donnez des exemples de collaborateurs ayant pu se perfectionner grâce à la formation et à l’apprentissage dans l’entreprise. Enfin, stimulez l’aspiration des représentants de la génération Y à devenir plus employables sur le long terme.

Comment y parvenir?

n Privilégiez la variété des expériences et la mobilité. Créez des opportunités permettant aux membres de la Génération Y de travailler sur différents projets et dans différentes équipes pour acquérir de l’expérience et construire des réseaux au sein de l’entreprise. Répondez à leur envie de nouvelles opportunités avant qu’ils n’essaient de s’adresser ailleurs. Soulignez aussi l’importance de la progression – et pas seulement de la promotion – pour construire 
un portefeuille de compétences et d’expériences.

Comment créer un espace de discussion avec la génération Y?

n Prévoyez des entretiens de parcours réguliers. Au lieu des entretiens annuels, donnez la priorité aux objectifs à court terme et mettez en place des plans d’actions permettant de les atteindre. Profitez de ces entretiens pour montrer en quoi l’emploi actuellement exercé peut permettre d’améliorer leurs perspectives de carrière et leur employabilité à long terme. Avec la génération Y, ces entretiens sont plus que jamais à double sens: si le collaborateur est évalué, l’entreprise l’est tout autant dans sa capacité à remplir son rôle! Soyez sensible aux aspirations des collaborateurs de la génération du millénaire. Maintenez une approche à fort contenu humain, proposez de fréquents entretiens directs et, bien sûr, encouragez l’estime de soi. Mettez en place de nouvelles voies qui encouragent la reconnaissance et les échanges avec les responsables et les pairs. C’est là un moyen efficace et peu coûteux de susciter l’engagement des collaborateurs dans leur travail – et d’être prêt à les écouter avant qu’il ne soit trop tard.

Comment gérer le temps libre et les pauses avec la génération Y?

n Accepter les nouvelles façons de travailler et gérer les parcours de 
manière plus souple. Anticipez les pauses pour raisons personnelles, au-delà des congés pris à l’occasion des naissances, lunes de miel ou même pour s’occuper de ses proches. Admettez que pour affronter de longues carrières, il faut aussi du temps pour «se ré-outiller» et se remettre à niveau. Pour répondre à la tendance d’une gestion de parcours par étapes, faites en sorte que les pauses fassent partie intégrante de votre culture d’entreprise. Soyez clairs sur la souplesse que vous êtes en mesure de proposer et aidez vos collaborateurs à se réinsérer à leur retour. Montrez-vous ouvert à des modes de travail alternatifs. Adoptez les aspects les plus attractifs de ces modèles – plus de souplesse quant au lieu, à l’heure et à la manière de travailler et un plus large éventail de projets – pour susciter plus d’engagement de la part des jeunes actifs de la génération Y et les fidéliser. Sans oublier que ce qui est valable pour la génération Y est valable pour tout le personnel.

Interview: François Othenin-Girard

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