Publié le: 7 avril 2017

Un long Chili en mode chaud–froid

SUISSE-CHILI – Jadis bon élève de l’Amérique latine, le pays sortira-t-il de la récession qu’il a connue l’année dernière? 
Au plan politique, de grandes réformes doivent être menées et une élection présidentielle est prévue pour l’automne.

De noirs persistants menacent le Chili. Ce pays longiligne qui s’étire le 
long de la côte entre les Andes et l’océan Pacifique a connu l’année dernière une grave dépression, malgré une augmentation du tourisme (européen).

Les mauvaises nouvelles se sont enchaînées cette année: en février, les grévistes ont martelé un mois durant – un record – leurs revendications sur le site d’Escondida, première mine de cuivre au monde. C’est du reste en 2015 que le pays a commencé à reculer, après des années de stabilité. Puis, la chute des prix du cuivre a entraîné une récession marquée en 2016.

Le geste de Pacha Mama

Comme si cela ne suffisait pas, les catastrophes naturelles se sont déchaînées. La toute-puissante Pacha Mama, déesse Terre-Mère, s’est mise en mouvement. Le 18 février, un séisme de magnitude 6,7 ébranle le nord du pays, heureusement sans victimes. Sept jours plus tard, trombes d’eau et inondations privent d’eau potable 1,4 millions de foyers. Sans oublier le feu, qui ravage depuis plusieurs mois le sud et le centre du pays: pas moins de 36 incendies simultanés sont recensés en mars. Le pays n’en avait plus connu d’aussi intenses depuis des dizaines d’années et plus de 90 000 hectares ont déjà été calcinés.

Un camouflet pour 
la présidente

Au plan politique, l’année sera marquée par deux réformes, l’une sur les retraites, l’autre sur l’immigration. A une année des présidentielles (le 19 novembre 2017), en octobre dernier, la présidente Michelle Bachelet et sa coalition de centre gauche ont subi un vrai camouflet. L’opposition de droite a remporté par une légère majorité les élections municipales, caractérisées par une abstention record: 38,45% pour la coalition de droite (Chile Vamos) contre 37,05% pour la coalition de centre-gauche (Nouvelle Majorité) qui réunit des radicaux, des communistes, des démocrates-chrétiens, des sociaux-démocrates et des socialistes.

Pour couronner le tout, la présidente actuelle Michelle Bachelet, issue de cette coalition de centre gauche ne devrait pas pouvoir se représenter aux élections présidentielles, en raison de la loi électorale. Mais déjà, les rumeurs vont bon train sur un changement de la loi électorale. Sebastian Piñera se battra aux côtés des libéraux et des conservateurs. L’ambiance est tendue. Pas une semaine ne se passe sans son lot de manifestations diverses.

Un système hérité de la junte 
et du général Pinochet

Par contraste avec la Suisse, la réforme des retraites au Chili n’est 
pas le théâtre d’une discussion légèrement animée. Les échanges y ont très vite pris la forme d’explosions violentes. Comme le précise le DFAE dans ses notes: «Tenez-vous à l’écart de toutes manifestations, celles-ci pouvant dégénérer et donner lieu à des violences.» La colère populaire gronde contre une refonte des fonds de pensions hérités de la dictature de Pinochet. Géré par six entreprises privées appelées «Administrations de fonds de pension» (AFP), le système offre des retraites misérables, notent les observateurs économiques. Moins de 300 francs en moyenne par mois. «Neuf retraités sur dix reçoivent moins de 230 francs, loin derrière les 375 francs suisses que représente le salaire minimum, déjà peu élevé au regard du coût de la vie.» Actuellement, plus de dix millions de travailleurs sont affiliés aux six AFP existant dans un marché qui gère au total 167,8 milliards de dollars (selon Investigaction.net). Le gouvernement tente en vain de réagir pour éviter une rébellion majeure. Cela risque d’être difficile: si le système datant de Pinochet a longtemps été montré comme exemple d’une privatisation réussie, les manifestants veulent son naufrage. Ils exigent même un retour à un système de rentes financées par des impôts. Selon la présidente Bachelet, l’ultra-vieillissement de la population chilienne rend cette idée impossible à réaliser.

Terre de rĂŞve pour les HaĂŻtiens

Sur le plan de l’immigration, la marge de manœuvre reste étroite. «La migration illégale des Haïtiens au Chili a pris la dimension d’une véritable ruée», commente la publication «HaitiLibre». Contrairement au Brésil, il n’est pas nécessaire d’avoir un visa pour se rendre au Chili. Une lettre d’invitation, une pièce d’identité valide, un billet d’avion et 1500 dollars US en liquide suffisent (un visa est en revanche exigé pour les étudiants).

Durant la campagne, la tentation sera forte, pour les candidats, d’exploiter cette peur de l’immigration. Le mandat présidentiel se termine fin 2017. Le candidat conservateur a déjà indiqué qu’il empêcherait d’immigrants criminels.

Bien que l’immigration ne représente que 2% environ de la population résidente (contre 13% aux Etats-Unis), le visage de cette population étrangère a changé. Longtemps, ce furent des Péruviens, des Argentins, des Boliviens, métisses ou indigènes, qui arrivaient au Chili. Aujourd’hui, en plus des Haïtiens, il y a aussi les ressortissants de République Dominicaine et les Afro-Caribéens.

Le Chili dans la course mondiale

Les défis ne manquent pas. «Les trois principaux posés à l’économie chilienne sont la sortie de la dépendance traditionnelle de l’économie à l’égard du prix du cuivre (la production de cuivre représente 50% des exportations du pays), selon le site du Moniteur du commerce inter-
national (Lemoci.com), qui mentionne également le développement d’une production alimentaire auto-suffisante (la production agricole 
actuelle couvre moins de la moitié des besoins du pays) et l’augmentation de la productivité, en particulier dans le secteur minier.

Commerce extérieur: 
où en est-on en 2017?

Les trois principaux clients du Chili sont la Chine, les Etats-Unis et le Japon. Le pays exporte principalement du cuivre (50% des exportations), des fruits et des produits de la pêche. Les principaux fournisseurs du Chili sont les Etats-Unis, la Chine, l’Argentine et le Brésil. Les importations recouvrent principalement des carburants, des minéraux et du pétrole, des machines, des véhicules, des équipements électriques et électroniques. Les services représentent 13% des exportations et 17% des importations.

«La balance commerciale du Chili est structurellement excédentaire, mais cet excédent a fondu depuis 2011 avec le repli des prix du cuivre et le ralentissement économique chinois, poursuit le Moniteur. Cependant, à la suite de la chute des cours pétroliers, de la dévaluation du peso et de la baisse de la demande intérieure, la balance commerciale du Chili devrait rester positive en 2017.»

Henrique Schneider, usam

avec le JAM

commentaire, par Henrique schneider

Aux antipodes du macroscome latino

Le Chili est un pays intéressant. Non seulement parce qu’il est onze fois plus long que large. Mais c’est surtout la position qu’il occupe dans la galaxie 
latino-américaine qui le rend intrigant.

Voici cinq points qui permettent de 
saisir le contexte:

1) Le Chili est le pays le plus riche 
de toute l’Amérique Latine. Avec un produit intérieur brut de 15 000 dollars par personne, il se situe devant la Hongrie ou même la Pologne.

2) Santiago joue un jeu politique qui se trouve toujours aux antipodes du reste du continent. Jamais populiste, l’atmosphère y est plutôt centriste et plus stable, du moins sur le long terme.

3) Le Chili a mis en place les 
instruments les plus libéraux du 
continent s’agissant du droit 
du travail ou de la prévoyance de 
vieillesse.

4) Cela étant, le pays souffre néanmoins de différents types de risques. Je mentionnerai la monodépendance sur le marché du cuivre et le vieillissement de la population.

5) L’histoire du pays est en soi 
problématique. Après avoir connu l’une des dictatures les plus violentes du continent, l’avènement de la 
démocratisation a certes permis une 
réforme des structures. Toutefois, 
le fait que l’héritage de la dictature 
n’a jamais été questionné pose 
problème. Il existe encore une forme 
d’animosité entre les différents 
groupes de la population.

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