Publié le: 20 janvier 2023

La réserve hivernale, une nouvelle manne

ÉNERGIE – Les entreprises électriques reçoivent de l’argent pour l’entretien et la construction de centrales. Et ceci en dépit du fait que les risques qu’elles prennent restent des plus limités.

Il est difficile de trouver en Suisse un secteur plus subventionné que celui de l’électricité. Les agriculteurs et le tourisme reçoivent très peu, comparé à la branche des entreprises électriques.

«Les barons de l’électricité voient tous leurs vœux exaucés. Leur avidité semble sans limites.»

Dans le club des barons de l’électricité ne figurent presque que des entreprises d’État – dotées de monopoles, gavées de garanties et d’autres privilèges. Elles n’assument aucun risque d’entreprise. L’État les traite avec des gants de velours. Tous leurs désirs sont satisfaits, à commencer par leur avidité.

Traitement princier

Sur ce marché, les barons de l’électricité sont des êtres peu innovants. Ils défendent avant tout leurs intérêts et sont friands de nouvelles subventions. Comme quand Axpo s’est fait coincer en 2022, l’argent du contribuable a dû être mobilisé pour sauver l’entreprise, payer les bonus des joueurs tombés et permettre à tous de continuer à jouer. Mais les barons viennent pleurnicher à cause de la pénurie. Ils veulent plus de fonds pour passer l’hiver. À première vue, cela semble se justifier: il y va du maintien de la sécurité d’approvisionnement.

Oui mais voilà: le Conseil fédéral cède à tous leurs caprices. Il a proposé de son propre chef la création d’une réserve hivernale. Comme le projet doit avant tout plaire aux barons et n’a qu’un rapport très vague avec la sécurité d’approvisionnement, il a été taillé sur mesure pour satisfaire les sociétés électriques. L’«indemnisation» prévue laisse songeur. Les barons de l’électricité sont devenus des princes de la finance!

Par pur opportunisme

Concernant le premier problème, tous les acteurs ne sont pas obligés de participer à la réserve. Seuls ceux qui le souhaitent y participeront. Autant dire seuls ceux qui en tirent un profit suffisant.

Un tel système ne garantit pas l’approvisionnement ni la sécurité. Le maintien de réserves ne peut pas se faire selon le principe de l’opportunité économique. Dans le projet du Conseil fédéral, seules sont concernées sont obligées de constituer des réserves. Cela signifie les entreprises dont le but principal est de produire ou de distribuer du courant – non pas les acteurs qui sont organisés pour produire un peu de courant sur place. C’est déjà le cas depuis longtemps pour d’autres types de fournisseurs, comme dans les produits pétroliers.

Le projet du Conseil fédéral règle bien entendu aussi les rémunérations des détenteurs de réserves. Ce qui veut dire qu’au final, la proposition du Conseil fédéral constitue une véritable manne pour les barons. En effet, la rémunération totale se compose des différents éléments suivants: coûts de l’énergie, coûts de l’exploitation, coûts liés au réseau, coûts de l’intervention et ainsi de suite. Les acteurs qui en profitent peuvent combiner ces différents éléments et maximiser leurs revenus. Un vrai self-service!

En Suisse, la loi applique le principe du prix de revient. Les coûts de production de l’électricité doivent être indemnisés. Mais rien de plus. Or dans cette situation de crise, il n’est pas acceptable que les barons de l’électricité s’engraissent de plus en plus aux frais de la Confédération.

ils s’engraissent de plus en plus aux frais de la confédération.

Et ensuite? Le projet a été élaboré du temps d’une conseillère fédérale qui vient de démissionner. Il revient désormais à son successeur de tirer le frein de secours. Le projet n’augmente pas la sécurité d’approvisionnement. Il ne fait que permettre aux barons de l’électricité d’accumuler des revenus. Une fois de plus!

Henrique Schneider, usam

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