Publié le: 3 février 2023

Le luthier conquérant du 21e siècle

MÉTIERS D'ART – John-Eric Traelnes, cet artisan innovant basé à Lausanne a inventé et développé une pièce pour les instruments à corde, taillée dans un nouveau matériau synthétique, le corène. Au vu de la demande croissante qui émane du monde entier, il s’est doté d’une machine mise au point par l’un de ses collaborateurs.

Dans les instruments à cordes comme le violoncelle et le violon, la touche est le terme désignant cette pièce noire sur laquelle l’instrumentiste pose ses doigts. Le luthier passe d’habitude beaucoup de temps à polir et ajuster ce morceau de bois qui continue de travailler et qu’il faut rectifier. À Lausanne, le maître John-Eric Traelnes dispose depuis 2016 d’une matière plus dure et présentant de nombreuses qualités que l’ébène n’offre pas.

Nous avons raconté dans ces colonnes la trajectoire innovante de ce luthier et sa découverte des possibilités d’utilisation de ce matériau – le corène – dans la lutherie. Sept ans plus tard, il y a du nouveau. John-Eric Traelnes a franchi un pas important, rendu nécessaire par le succès remporté par cette pièce. Avec l’un de ses collaborateurs spécialisé, il a développé une machine de 3,5 tonnes pour usiner ce matériau. «Lorsque nous avons commencé à développer notre activité, nous produisions ces pièces dans une immense machine pesant des dizaines de tonnes, raconte John-Eric Traelnes. Mais le temps d’utilisation d’une installation aussi perfectionnée demeurait limité, car l’entreprise qui la possédait était aussi active dans de nombreux domaines, comme le spatial et l’aéronautique.»

Les musiciens Ă  cordes en ont eu vent

Il fallait gagner en indépendance et en réactivité. «Nous devions nous y prendre des mois à l’avance pour réserver, au final, de petites plages de travail. Le fait de disposer désormais de notre propre machine nous offre beaucoup de libertés. C’est bien pratique, car nous recevons beaucoup de demandes spéciales.»

Les demandes affluent du monde entier à la Rue-Neuve à Lausanne. la clientèle est constituée principalement d’autres luthiers. «Au départ, ce sont eux qui ont conseillé leurs clients pour le choix d’une telle solution, explique le luthier. Mais avec les années, les instrumentistes eux-mêmes ont commencé d’en parler entre eux et la demande a profité du bouche-à-oreille. Pour l’instant, nous arrivons tout juste à produire ce qui est commandé.»

Machine discrète active dans la campagne vaudoise

La fameuse machine est installée quelque part dans la campagne vaudoise. Dans une ferme. «Ce n’est pas très spectaculaire, nous sommes en train de tourner les premières pièces, la production peut commencer», sourit le luthier qui tient à rester discret sur la fiche technique de la fameuse machine.

«J’ai beaucoup de chances de pouvoir compter sur Pascal Henzi, un collaborateur familier avec le monde des machines et de l’usinage. C’est lui qui a dessiné les plans et fait réaliser cette machine, dont une partie a été produite en Suisse. Il a fallu mettre au point toute la partie informatique, cela n’était de loin pas évident, mais il y est parvenu.»

François Othenin-Girard

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