Publié le: 3 février 2023

Le spa pop-up et son petit frère

CHEXBRES – «La Vigne» propose une expérience de bien-être dans la culture de la vigne et du vin. Les trois coentrepreneurs ont reçu un prix prestigieux d’œnotourisme en Argentine et lancent une nouvelle installation à Sion, au milieu des vignobles.

Si le succès se confirme, c’est aussi grâce au talent des influenceuses.

Le spa pop-up et sa bulle installés à Chexbres dans le Lavaux ont déjà fait un petit. Ce miracle de paix s’appelle La Vigne et nous vous en parlions dans nos colonnes il y a un peu plus d’une année (JAM 11 2021), ainsi que du buzz que ce projet avait suscité. Une expérience de wellness déplaçable de vigne en vigne, pour deux personnes, dans un paysage à couper le souffle et protégé par l’Unesco.

Moyennant réservation sur le site, on y reçoit des soins corporels et force massages avec produits cosmétiques tirés de la substantifique vigne. Il fallait être un peu Christian Jacot-Descombes et sa compagne Murielle Nussbaum pour en rêver au retour d’un tour du monde abrégé à Hawaï par la pandémie, pour le construire et le mettre au point. Unir l’univers de la vigne et celui du wellness. Pour y parvenir, Céline Broggi, troisième partenaire à rejoindre l’aventure, joue un rôle essentiel pour la partie back-office et la gestion des masseuses engagées à la demande.

Potentiel de l’œnotourisme

Il fallait y penser. Il suffisait même d’y penser. C’est ce que les membres du jury du concours de Vaud œnotourisme ont dû se dire. Et bam! C’est ce projet qui remporte le prix de 20 000 francs. C’était en 2020 et depuis, la reconnaissance de la branche viticole a encore poussé. Dans le bon sens, celui de la croissance d’une branche œnotouristique qui devrait connaître le succès et ajouter de la valeur à l’ensemble de cette industrie.

L’an dernier, ils ont gagné un autre prix. «Celui-ci, nous l’avons reçu en Argentine, en remportant la mise dans le monde très fermé des onze plus grandes régions viticoles du monde, les Great Wine Capitals, parmi lesquelles figurent bien sûr Adélaïde, Bordeaux, la Napa Valley, le Piémont, l’Argentine et... la Suisse, représentée par les vignobles vaudois», raconte un Christian Jacot-Descombes pas peu fier.

«Dans le domaine de l’œnotourisme, La Vigne ouvre une voie originale: celle d’une expérience dans la culture du vin et de la vigne qui n’est pas basée sur la consommation d’alcool, répondant ainsi aux tendances hygiénistes des générations Y et Z, analyse-t-il. Le développement de l’œnotourisme possède un très grand potentiel de succès dans le tourisme suisse qui a négligé cette branche en comparaison avec d’autres pays.»

Faire danser les réseaux sociaux

La recette du buzz est connue mais on vous la redonne avec plaisir. Surtout à l’heure où se confirme le bilan jugé «très réjouissant» de la deuxième saison. Au générique, on retrouve, dans le rôle déterminant de danseuse des réseaux sociaux, ces fameuses influenceuses qui font souffler les vents de la renommée et gonfler de joie le livret des réservations.

«On a eu recours aux influenceurs et aux réseaux directement pour toute notre publicité.» Mais au fond, Christian, quelle est la différence entre une bonne et une mauvaise influenceuse? «Une bonne influenceuse suscite de l’engagement car elle s’appuie sur une véritable communauté. Elle fournit certes de la visibilité, mais suscite aussi des échanges et des commentaires intelligents. Une bonne influenceuse dispose de vrais followers – et non d’adresses fictives achetées sur les réseaux –, des gens bien réels susceptibles, eux aussi, de rédiger des commentaires éclairés et de s’intéresser à ce que prescrit l’influenceuse. Ce qui est le but.» (lire l’encadré)

Autre succès, un peu inattendu celui-ci, mais à mettre en lien avec ce qui précède (les influenceuses): l’intérêt pour le spa dans les vignes d’une clientèle d’expats basée dans l’Arc lémanique – cela peut aller jusqu’à quatre couples par jour au plus fort d’une saison qui s’étend d’avril à octobre.

D’un vignoble à l’autre

Et, cerise sur le gâteau, le développement ce printemps en terres valaisannes. «Nous venons de signer avec un nouveau partenaire en Valais pour installer un deuxième spa dans la région de Sion, là aussi au milieu des vignobles», résume l’ancien journaliste. À quelques différences près, une guérite au lieu d’une bulle, le projet est identique. «Pas la vue en revanche, ajoute-t-il. Ici, c’est la beauté des coteaux qui s’étendent en vagues doucement déferlantes sur les pentes de la vallée du Rhône.»

Scientifique (neurosciences), journaliste renommé (RTS, «L’Hebdo»), puis porte-parole de la BCV, Christian Jacot-Descombes est passionné d’innovation et de voyages. Il a emmené des années durant des jeunes découvrir la Silicon Valley et son esprit d’entreprise.

L’homme aux mille et une vies est donc devenu coentrepreneur. Et comme «une bonne nouvelle ne vient jamais seule», lui et sa compagne viennent d’accueillir sur Terre un autre petit, mais celui-là s’appelle Louis. Et s’il est encore trop jeune pour profiter des joies du spa, peut-être deviendra-t-il un jour inventeur?

François Othenin-Girard

point de vue de l’entrepreneur: Christian jacot-Descombes raconte comment les influenceurs peuvent changer la donne

Un monde d’influence

C’est en voyage à Séoul, en 2019, que l’on a vraiment compris l’importance probablement irréversible des influenceurs. Nul besoin d’y passer plus de quelques jours pour comprendre que la capitale de la Corée du Sud est l’un des endroits du monde où se dessinent aujourd’hui les tendances de demain et que le monde occidental adoptera quelques années plus tard.

La scène se passe au centre de la ville où se tient un grand festival de K-pop. C’est Paléo mais en version urbaine. Les talons aiguilles et la haute couture remplaçant les Crocs et les cirés du fleuron agricole de la culture vaudoise. Sur la scène, des groupes glamour réunissent beauté unisexe et esthétique parfaite dans une pop colorée qui fait défaillir les adolescentes séoulites.

Dans la coulisse, c’est au sein de l’accueil de la presse et des médias que s’affiche la nouvelle normalité. Un grand stand accueille ceux que l’on courtise pour qu’ils propagent la bonne nouvelle au sujet du festival. Certes, une partie reste consacrée à la presse mais ce n’est plus que la moitié de l’espace. L’autre moitié est consacrée à l’accueil des influenceurs.

Bien que répondant aux mêmes incentives (invitations, billets, nourriture, boissons offertes, voire plus si entente), les journalistes culturels ne sont jamais fiables à 100 % si l’on attend d’eux des critiques positives. Alors que les influenceurs, c’est tout à fait différent. Ils font du placement de produit, ne s’en cachent pas et il suffit en somme de négocier le message publicitaire qu’ils feront passer dans leurs posts Insta enamourés et son prix. Ainsi, personne ne trompe personne (à l’exception peut-être de quelques followers qui n’auraient pas compris que l’icône qu’ils suivent amoureusement compte plus influencer leur choix de consommation que servir de modèle de beauté ou de lifestyle). Pas très étonnant donc que les journalistes et les influenceurs soient ainsi mis sur un pied d’égalité. C’était en 2019, on peut parier que les proportions ont basculé en défaveur de la presse dans les éditions suivantes et que ce basculement va continuer.

Conscients de cela, il nous a paru naturel et rationnel de collaborer avec cette émanation de la culture des réseaux que sont les influenceurs. C’est d’autant plus facile si votre produit a la chance de leur permettre une mise en scène glamour et excitante: en un mot comme en cent – instagrammable. Dans ce cas, nul besoin d’aller les chercher: ils ou plutôt elles (dans le cas du lifestyle) viennent toutes seules. La difficulté étant de séparer les vraies, soit celles qui ont créé une véritable communauté, de celles qui ne font que le prétendre mais peinent à le démontrer. On peut s’en faire une idée en observant sur leur média – Insta et TikTok pour la plupart – la qualité des interactions entretenues avec la communauté. S’il y a beaucoup d’engagement, (commentaires articulés, conversations, interventions non anonymes, etc.): vous pouvez envisager une collaboration. S’il n’y a que des likes signés par des pseudos qui ressemblent à des noms de médicaments, passez votre chemin.

Notre business étant physiquement localisé dans un lieu tellement glamour que même l’Unesco s’est agenouillée devant son panorama, nous avons travaillé principalement avec des influenceuses locales. Associées à des campagnes digitales sur les réseaux, elles rendent l’effet prescriptif tout à fait perceptible en termes de ventes et de notoriété. Certaines influenceuses ont parfois encore un pied dans l’ancien monde, celui de la presse. Il en résulte des publications croisées qui augmentent la visibilité du produit.

Le recours aux influenceurs est désormais une pratique totalement institutionnalisée et dont l’efficacité et l’étendue ne sont plus à démontrer. Suisse Tourisme, un organisme étatique certes, mais dont il faut reconnaître le très bon travail, nous a adressé une influenceuse portugaise qu’il avait invitée pour une tournée en Suisse.

Ancienne vedette de la TV dans son pays, marathonienne et dotée d’une impressionnante communauté de followers, Isabel Silva est donc venue découvrir les délices de notre spa avec une amie, sans oublier son smartphone qui lui a permis de relater son expérience sous toutes les coutures. Le but de Suisse Tourisme était de promouvoir les lieux touristiques helvétiques auprès des touristes portugais.

Pour nous, le résultat a été double: on est invités à présenter le concept de La Vigne à Porto dans une conférence professionnelle sur l’œnotourisme. Et last but not least, nous avons récupéré des clientes de la communauté portugaise de… Suisse, qui suit régulièrement les médias d’Isabel Silva.

Christian Jacot-Descombes

Lien de l’influenceuse Isabel Silva

www.instagram.com/p/CjvjouygZsI/?hl=en

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