Publié le: 7 juin 2024

Truculente et bouillonnante

créatrice de lien(s) – Emmanuelle Ossola ose et fonce. On la voit régulièrement poster des scènes souriantes mettant en scène des gens heureux d’être ensemble. Car c’est exactement là-dessus qu’elle travaille, en proposant des formations variées sur le thème de la vente, de la performance et de la confiance.

Emmanuelle Ossola nous avait donné rendez-vous dans la région de Nyon au Golf & Country Club du Château de Bonmont. De la trajectoire naît une histoire, une méthode, une entreprise.

JAM: Qui sont vos clients?

Emmanuelle Ossola: Les trois premières années, j’ai formé essentiellement des indépendantes, celles qui souvent ont de l’or dans les mains, mais sans savoir comment le faire prospérer. Je suis aussi passée par là.

Sur quoi portait le premier cours que vous avez créé?

Mon premier cours s’appelle «La vente est un jeu». Comment passer en gros de l’attitude «Beurk – je n’aime pas vendre» au constat «Je suis une star de la vente!». Mon but avec cette formation est de remettre l’humain au centre du processus de vente. Je la donne depuis trois ans et c’est ma formation phare. C’est en me voyant pitcher qu’une collègue m’a ouvert les portes des formations en B2B. J’ai compris que j’avais le potentiel de faire autre chose que de l’individuel ou des indépendants. J’ai commencé à proposer «La vente est un jeu» en entreprise et dans la foulée créé «La performance, une affaire d’états» pour le B2B et «La confiance, une affaire d’état(s)» pour les privés.

En quoi ces deux nouvelles formations sont-elles différentes?

Elles sont très connexes, finalement, que l’on parle de confiance pour l’individu ou de performance pour le groupe. Nous partons des bases qu’offre la théorie polyvagale et on élargit à des mises en situation. L’idée est de sentir à quel point des choses se passent physiquement et physiologiquement. Ce qui fait que, souvent, on n’est pas «maître de son véhicule». Le Dr Porges essayait d’expliquer en 1994 déjà les différences de comportement entre personnes qui suivent les mêmes thérapies. Il rappelle que 80 % des choses sont détectées par le système nerveux.

Comme quand je pose ma main sur une plaque chaude, j’ai un réflexe de survie en enlevant immédiatement ma main sans prendre trois minutes de réflexion. Et il n’y a que 20 % des choses qui redescendent du cerveau pour lancer une action. Ce qui varie, c’est la façon dont on a été éduqué et ce qu’on a vécu. De temps en temps, mon système nerveux introduit une info erronée.

«On en apprend beaucoup sur nos montagnes russes émotionnelles.»

D’où la question: comment ne pas subir ces états-là, mais les choisir? Intellectuellement, je sais que l’araignée ne va pas me sauter au cou, physiologiquement parlant, j’ai une réaction disproportionnée en sautant sur une chaise et en criant. Cela peut nous expliquer beaucoup de choses à tous sur nos montagnes russes émotionnelles.

Et comment gère-t-on cela ?

Afin de me protéger, mon système nerveux peut vouloir que je me cache, que j’agresse ou que je fuie. Par moment, je suis dans cet état de confiance où je suis bien. Et c’est là que je peux créer du lien avec les autres, générer de bonnes idées, être bienveillante et sympathique. Et le tout, c’est d’apprendre à être bien avec tous mes états. Les excités se trouvent toujours des moments où ils sont cools et calmes, les procrastinateurs vont aussi passer à l’action. Je me réconcilie avec tous ces états en fonction de ce que je dois faire et je prends conscience de ce dont j’ai besoin. Je choisis. Et c’est en partant de cet état de confiance que je peux aller chercher le bon état selon la situation.

Au fond, pourquoi ce cadre du Golf de Bonmont?

C’est à sept minutes et demie de chez moi, c’est un lieu que je trouve beau. C’est aussi un peu mon stamm depuis que j’ai débuté mon activité dans le monde de la formation. L’idée est de sortir un peu les gens de leur vie traditionnelle de bureau, de les amener dans un milieu comme celui du golf sur lequel on a plein de préjugés. Et que mes participants puissent se dire qu’ils ont aussi le droit d’être ici.

Qu’est-ce que le golf vous apporte?

C’est la meilleure école de lâcher-prise. Cela implique de se concentrer très fort et puis de lâcher prise. Et c’est un sport dans lequel jamais rien n’est acquis. On passe dix ans à essayer de tirer tout droit. Et quand on commence à maîtriser le truc, on passe aux coups à droite et à gauche avec des effets. C’est sans fin. J’en fais depuis quatorze ans. Et puis, j’ai rencontré mon mari au golf.

D’où venez-vous?

Je suis née à Neuchâtel, ma mère enseignait l’allemand et mon père, l’italien, en plus d’être chanteur d’opéra. J’ai l’impression de m’être trompée de berceau à la naissance. Je n’aimais pas lire, je n’aimais pas l’école, j’étais nulle au violon, j’étais le mouton noir de la famille, un vrai garçon manqué en plus. J’ai quitté le gymnase et trouvé un job à la librairie Reymond. C’était sympa, le contact avec les gens, la logistique, les commandes. Et surtout, je me suis mise à lire.

«Le golf est la meilleure école de lâcher-prise. Rien n’est jamais acquis.»

Un livre en particulier?

Je me revois avec «Un sac de billes» de Joseph Joffo, une édition dotée d’une couverture en tissu vert pomme, j’étais assise sur un banc en bas de l’Avenue des Alpes. Et je suis peu à peu entrée dans ce monde-là. J’ai fini mon CFC de libraire avec brio et appris à négocier mon salaire.

Cette capacité de négociation, d’où vient-elle?

De mon grand-père maternel qui était parti en Nouvelle-Calédonie pour éponger les dettes de son père. De ce côté, on se débrouille pour faire du business et que ça marche. Il a dû me laisser un gène. J’ai fini mon apprentissage et les cours à l’École professionnelle et commerciale de Lausanne avec un prix, moi qui n’aimais pas l’école.

J’ai ensuite travaillé quelques mois à la Chaux-de-Fonds. Puis j’ai été engagé à la Nacelle dans une librairie pour enfants à Carouge (GE) durant cinq ans. Mais les choses se sont envenimées entre mes patrons. J’ai rebondi chez Payot à Chantepoulet ou j’ai développé le rayon scolaire. On m’a proposé de rejoindre la direction et j’en ai profité pour suivre un cours de management.

Un vrai cours de management?

Oui, donné par Dynargie, cela s’appelait le «Management des hommes». J’avais 25 ans. Un jour, j’ai commandé pour un client un livre de Napoleon Hill, «Réfléchissez et devenez riche!». Ce client est revenu pour me confirmer que cette méthode fonctionnait et m’inviter à une séance chez Herbalife. J’ai découvert un univers de vente par marketing de réseau, la meilleure école de vente. Grâce aux produits, j’avais une patate incroyable. J’ai commencé à avoir des clients. Cela a duré un certain nombre de mois et je commençais à avoir de bons résultats.

Une belle aventure?

Oui, qui s’est «effondrée» lorsque je me suis rendue aux 25 ans d’Herbalife à Atlanta en 2005. J’ai découvert une vision de ce business qui était à l’opposé de tout ce que je voulais faire. Un stade plein de distributeurs venus du monde entier, motivés uniquement par l’idée de faire de l’argent et des bonus. Je suis rentrée écœurée, mon édifice dégringolait.

Vous avez invoqué l’âme du grand-père maternel?

Il fallait que je paie mes factures. Je suis donc repartie sur des choses conventionnelles. On a tous nos contradictions. J’ai quitté le monde du livre parce qu’il n’y avait pas assez d’argent. J’ai quitté Herbalife parce qu’il y en avait trop. Et je me suis retrouvée à vendre… des bijoux et des montres de luxe dans une boutique située dans un grand hôtel à Genève. J’ai détesté cette expérience. C’est un monde où personne ne crée de liens. J’ai passé beaucoup de temps à ne rien faire.

Le bore-out, ce n’est pas votre truc?

J’ai enchaîné avec une boutique d’art contemporain. Mais une fois que tout était en place, j’ai commencé à m’ennuyer. Une amie m’a proposé de l’aider à développer un département formation dans un call-center qui donnait aussi des formations sur l’accueil des clients, la télévente. Dans la foulée, j’ai fait un peu de management, de marketing, de logistique. Le boss était le président du Groupement des jeunes dirigeants (GJD) et il m’a demandé de tenir son secrétariat. Cela m’a permis de faire grandir mon réseau de manière exponentielle.

«J’ai mené l’enquête sur moi-même auprès des gens qui me connaissent.»

Un milieu dans lequel vous commencez Ă  respirer?

Oui, du moins dans un premier temps. Bref, c’est là que j’ai compris que j’avais de la facilité à créer des liens avec les gens. Nous sommes deux ans avant la crise financière. Je voyais ce que je facturais pour une formation en B2B. Je me disais que si j’en faisais deux par mois à mon compte, ce serait royal. J’ai commencé à poser des questions autour de moi à ceux qui étaient indépendants.

Mais la crise de 2009 m’a coupé les ailes dans ce projet d’indépendance. J’ai vendu des vélos électriques en CDD, puis je me suis retrouvée dans une aventure de vente de fournitures de bureau. Un poste était ouvert en Valais. Il fallait développer les ventes en Suisse romande. J’ai donc quitté Genève. On m’a donné une voiture, un fichier clients, quelques procédures et beaucoup de liberté. Durant six ans, j’ai fait du porte-à-porte auprès des PME.

Et comment êtes-vous finalement devenue indépendante?

En retournant voir mon mentor, j’ai compris qu’il fallait que j’arrête de donner aux autres mon réseau contre de l’argent et que je revienne à l’idée d’apprendre aux autres à créer le leur.

Le succès est-il venu tout de suite?

Ce fut un tapis roulant. Le papier à musique nickel. Avec quelques écueils quand même. J’ai fait des tas de formations personnelles et j’ai mené l’enquête sur moi-même auprès des gens qui me connaissent. Ce qui est ressorti, c’est ma capacité à mettre les gens en lien, à les mettre en réseau de façon créative. J’ai aussi commencé une formation sur la notion de confiance. Jusque-là, je n’avais pas d’explication à l’existence de mes montagnes russes émotionnelles. Petit à petit, les morceaux se sont mis en place, j’ai obtenu un brevet fédéral de formation d’adulte. J’ai enfin pu commencer à apprendre aux autres à faire ce que je fais le mieux.

Interview: François Othenin-Girard

www.emmanuelleossola.com

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