Publié le: 6 avril 2018

«Adapté aux employeurs»

BILAN DE COMPéTENCES – Géraldine Marchand-Balet (PDC / VS) a déposé un postulat 
demandant une procédure de prévention et de détection précoce des besoins du travailleur.

JAM: Combien de chĂ´meurs de plus de 50 ans connaissez-vous?

n  Géraldine Marchand-Balet: J’en connais beaucoup, malheureusement. Les différents partenaires et les données de l’Office fédéral de la statistique (OFS) présentent une augmentation claire du nombre de chômeurs de plus de 50 ans depuis 2015, l’augmentation varie de 10 à 20% selon les régions, les professions et les secteurs économiques. D’autre part, les chiffres de l’aide sociale indiquent la même augmentation pour les personnes de plus de 50 ans. Il est important de prendre conscience de cette tendance lourde, de l’identifier, d’analyser les mesures possibles et d’anticiper la probable accentuation du phénomène. Pour ma part, comme présidente de commune, je le constate quotidiennement.

«une augmentation claire des chômeurs de plus de 50 ans 
depuis 2015.»

Vous avez soumis un postulat sur le sujet. Que demandez-vous?

n  Le Conseil fédéral est chargé, avec les partenaires compétents, d’établir un rapport sur les accès facilités et gratuits au bilan de compétences pour les travailleurs âgés. Une procédure de prévention et de détection précoce, avec une analyse des compétences et des besoins du travailleur âgé en adéquation avec le marché et la mise en place d’un projet de formation continue, devrait permettre à la fois de prévenir les risques de chômage (souvent de longue durée), mais aussi de dynamiser la productivité de ces travailleurs qualifiés et expérimentés.

Le Conseil fédéral se propose de rejeter votre postulat, car, selon lui, il n’est pas nécessaire de prendre des mesures supplémentaires en plus des efforts actuels. N’est-ce pas le cas?

n  Le Conseil fédéral partage mon point de vue, mais ne souhaite pas établir un rapport aujourd’hui. La nouvelle loi sur la formation continue va déployer ces effets prochaine­ment, il est justifié de souligner cette thématique récente (voir SEFRI 2016) et de mettre un accent spécifique sur cette tranche d’âge. Il s’agit de faire face à un problème récent et d’anticiper des développements plus lourds sur les plans financiers et humains. D’autre part, il est nécessaire d’anticiper les effets du vieillissement démographique sur le marché du travail comme l’indique les conclusions de l’étude publiée par Crédit suisse (JAM 11, 2017). Différentes stratégies y sont mentionnées, toujours centrées sur la main d’œuvre qualifiée qui est bien souvent à requalifier.

«nouvelle approche partenariale.»

N’est-il pas plus sensé de laisser la formation continue aux employés et aux employeurs plutôt que de demander plus d’État?

n  La nouvelle loi sur la formation continue a ouvert une approche différente de celle que vous évoquez: elle intègre l’ensemble des partenaires dans une concertation plus large. Elle ménage également un rôle accru aux communes qui voient des augmentations de charges énormes liées aux coûts de l’aide sociale.

Les employeurs craignent d’importantes dépenses supplémentaires en cas de participation de l’État à la formation continue. Comprenez-vous leurs craintes?

n  La répartition des dépenses induites est à traiter dans cette nouvelle approche partenariale qui devrait la maintenir dans des limites raisonnables pour les employeurs. Il reste toutefois clair que toutes les branches n’ont pas les mêmes disponibilités pour investir dans le capital humain. Nous devons rester attentifs aux coûts pour les employeurs – c’est évident.

Comment voyez-vous la mise en œuvre de votre postulat: par voie législative ou par le biais de conventions collectives de travail?

n  Le législateur doit donner le cadre. Dans un premier temps, la Confédération, ensuite les cantons, doivent veiller à la mise en application pour le travailleur. Il n’est plus concevable d’imaginer une activité professionnelle sans formations continues ou sans établir un bilan de compétences.

Vous mentionnez une évaluation «gratuite» du bilan de compétence. Rien n’est vraiment gratuit. Qui devrait payer, à votre avis?

n  L’accès aux prestations de prévention de l’employabilité et les coûts induits sont à traiter en commun dans le but de parvenir progressivement à gérer l’employabilité des personnes et à renforcer la productivité des entreprises. Les approches et pratiques sont actuellement très hétérogènes. Ainsi, certains cantons ont décidé de rendre gratuitement accessibles ces prestations, d’autres non, ou moins. C’est le même tableau pour les entreprises qui gèrent ces coûts de manière très variées. L’employé doit bien sûr également participer sous des formes et des inten­sités à discuter. C’est bien vers une nouvelle manière de gérer ces prestations d’employabilité que nous allons – nous ne pourrons y échapper.

«Il faut prévenir les risques de chômage de longue durée.»

En poursuivant une formation continue, les collaborateurs ont soit envie d’assumer de nouvelles tâches au sein de leur entreprise, soit envisagent de trouver un autre emploi dans une structure différente. Pourquoi l’employeur devrait-il payer dans le deuxième cas?

n  Ils peuvent également avoir l’envie d’être à niveau au sein de leur entreprise et d’améliorer leurs prestations, afin d’éviter un risque de licenciement. Néanmoins, la question est pertinente: les entreprises qui investissent le plus reprochent à celles qui ne le font pas d’en profiter. Ce qui est juste et compréhensible. Une piste connue est l’utilisation de fonds pour la formation continue et de financements différenciés – une autre piste est le label «d’entreprise formatrice» ou de «Prix d’entreprise formatrice». Une autre piste passe par les normes de qualité en entreprise. Ne perdons pas de vue que l’entreprise formatrice est également un attrait pour les employés, un plus pour les critères de marchés publics, une carte de visite qualité pour les clients ainsi qu’une augmentation de rendement de l’employé.

La gauche exige que les plus de 
50 ans puissent bénéficier d’une protection renforcée contre le licenciement. Que pensez-vous 
de cette idée?

n  Globalement, les travailleurs sont bien protégés en Suisse. Je ne partage donc pas ce point de vue.

Interview: François Othenin-Girard

bio expresse

Beaucoup d’empathie

Présidente de la Commune de Grimisuat (VS) depuis 2008, la démocrate-chrétienne Géraldine Marchand-Balet entre au Grand Conseil valaisan en 2013 et au Conseil national en 2015, où elle est membre de la Commission de la science, de l’éducation et de la culture (CSEC) jusqu’en mars 2018. À ce jour, elle rejoint la Commission de l’environne­ment, l’aménagement du territoire et l’énergie (CEAT). 
«Infirmière en soins généraux à l’Hôpital de Sion, une profession choisie par empathie pour l’être 
humain, je me suis spécialisée dans la communication et les relations professionnelles», explique la Valaisanne sur son site. Suivent un certificat en enseignement et un diplôme universitaire en gestion d’entreprise. À la HES-SO Valais-Wallis à Sion en 2000 jusqu’à fin 2015 (élection au CN), elle s’activait comme cheffe de projets en management de projets dans les domaines de la santé, du social, de l’éducation et de l’économie. Après avoir présidé un EMS et un CMS, elle est à la tête depuis 2012 de la société Grimsolar SA, qui permet aux habitants de participer, en tant qu’actionnaires, au développement des énergies renouvelables, en particulier dans le domaine du solaire.

Position de l’usam

La vague d’engagements se fait sentir

Après la perte d’un emploi, les personnes de plus de 50 ans ont des 
difficultés supérieures à la moyenne pour retrouver un emploi. Il n’y a rien à tortiller. C’est statistique, cela prend plus longtemps que pour jeunes. Quelle est la bonne approche pour cette classe d’âge? Actuellement, une autre vague d’engage­ments est perceptible. Que craignons-nous? Que les employeurs soient placés dans l’obligation d’analyser l’égalité salariale, de fixer des quotas, de prévenir et d’identifier rapidement des besoins… La formation continue concerne d’abord l’employeur et l’employé. Les employeurs responsables ne veulent pas perdre des employés qualifiés dont la pénurie s’avère croissante. Ils préfèrent investir dans la formation continue un peu plus tôt et en accord avec leur collaborateur. Mais cela ne requiert aucune obligation étatique. Les employés sont également invités à présenter leurs idées. Cela peut se faire par exemple lors des classiques entretiens annuels.

Dieter Kläy, usam

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