Du théâtre dans les magasins de fleur, c’est une démarche originale qui fleurit depuis mi-novembre en Valais et dans le Chablais.

«Il s’agit d’un spectacle créé en partenariat avec le théâtre de La Bavette, explique Mali Van Valenberg, comédienne et fondatrice de la compagnie Jusqu’à m’y fondre. Catherine Breu, directrice du théâtre, m’a demandé de réfléchir à une petite forme hors les murs et tout public. Le choix des fleuristes m’a inspiré l’écriture de ‹Bloom›. Les fleuristes comme lieu de vente, mais aussi comme lieu de rencontre entre les gens et les fleurs.»

Nouvelle conception du théâtre

Mali a donc écrit une pièce qui raconte comment deux fleurs se sont retrouvées ici, à la vente. «Rose et Tournesol vivaient chacune de part et d’autre d’un mur, Tournesol côté terrain vague et Rose côté jardin privé, raconte-t-elle. Deux fleurs de milieux sociaux que tout opposaient de prime abord, qui ne faisaient que s’entendre et n’étaient pas destinées à se rencontrer. Puis, une catastrophe, la vente des deux terrains pour y faire pousser deux immeubles, les a soudain rassemblées.»

«J’aime explorer avec le public des paysages intérieurs chamboulés.» Mali Van Valenberg,comédienne

Qu’apporte au spectateur le fait de voir un spectacle dans un magasin? «Je trouve passionnant de pouvoir jouer des créations chez des commerçants. Ce sont des lieux de vie que l’on traverse chaque jour. Si, après le spectacle, de jeunes spectateurs franchissent le seuil d’une boutique de fleurs et mettent un peu d’imaginaire poétique dans la composition de leur bouquet, cela donne un sens concret à ma démarche. L’art est au coin de la rue, c’est un état d’esprit qu’il faut éveiller chez les enfants. J’aime l’idée qu’après avoir vu un spectacle chez un fleuriste, ils aient le désir de pousser la porte d’un théâtre. Un lieu qui peut être intimidant au premier abord.»

«Bloom» est la cinquième création de la compagnie. Elle s’est entourée pour ce spectacle de trois interprètes: Mali Van Valenberg, Christian Cordonier et Mael Godinat (à la musique).

Un morceau de mur et c’est tout

La compagnie est implantée à Sierre. «Les projets artistiques sur lesquels je travaille nomment un lieu sensible: celui dans lequel chaque spectateur peut reconnaître ses propres décalages.» Elle aime explorer avec le public des paysages intérieurs chamboulés. «Les textes à partir desquels je rêve les spectacles de la compagnie suscitent la plupart du temps des écritures de scène différentes: un type de jeu, de rythmes, d’images, de couleurs, de sons, de lumières et de rapports à l’espace, qui n’appartiennent qu’à eux.»

Jouer dans un magasin de fleurs est une démarche singulière. Il faut savoir s’adapter au contexte particulier de chaque fleuriste. «L’espace de ‹Bloom› s’articule essentiellement autour de l’espace réel de chaque boutique», ajoute Mali. L’univers de chaque lieu participe donc beaucoup à la scénographie du spectacle. La plupart du temps, ce sont de très petits lieux, dans lesquels nous devons limiter la jauge. Nous avons donc été amenés à jouer plusieurs fois par jour. Un morceau de mur – celui qui sépare les deux fleurs – est le seul élément scénique que nous apportons.» Le spectacle s’adresse à tous les sens, à commencer par l’ouïe. «‹Bloom›, c’est une musicalité de la parole, des chansons… Le spectacle se joue en présence d’un musicien qui accompagne en direct le cheminement de l’histoire. »

Voir son magasin métamorphosé

Qu’en disent les fleuristes? «Que le spectacle était vraiment chouette! Et que nous avons eu trois représentations en un jour et notre magasin est resté ouvert au public, raconte Geneviève Bovard à la tête de l’Atelier Floral Les Capucines à Monthey. Et finalement, que c’est à refaire: quand on voit ses clients assis au théâtre dans son propre magasin, c’est une expérience prenante!»

«Nous avons montré qu’un magasin de fleur peut devenir un lieu différent.» Geneviève Bovard, fleuriste

La fleuriste raconte que les contacts avaient été pris une année auparavant et qu’à Monthey, cette pièce fut jouée dans le cadre d’un festival qui se tenait dans toute la ville, car de nombreux commerçants avaient joué le jeu et ouvert leurs portes.

«Le jour-même, on se laisse porter par l’événement, on se met en quelque sorte entre parenthèse, raconte Geneviève. J’étais un peu tendue à l’idée d’avoir tout ce monde dans le magasin, mon magasin, c’est un peu mon bébé. Il a fallu tout déménager pour faire de la place, ce qui est normal. Au final, tout s’est bien passé, et nous avons pu montrer aux spectateurs qu’un magasin de fleur peut devenir un lieu tout à fait différent.» Cette manifestation lui a-t-elle permis d’attirer de nouveaux clients? «Peut-être quelques-uns. Je dirais que les gens qui étaient là pour la plupart, sont déjà mes clients.»

François Othenin-Girard

Le spectacle se joue encore ce 15 décembre chez Design Floral à Vernayaz. Réservation : www.labavette.ch

Pour les dates suivantes:

www.jusquamyfondre.ch