Publié le: 9 mars 2018

Berne fourbit sa police des salaires

ÉGALITÉ SALARIALE – Le Conseil fédéral veut «détecter» les différences de salaire inexpliquées entre hommes et femmes par des analyses régulières de l’égalité salariale. L’usam entre en résistance et le Conseil des États renvoie le projet en commission.

En février 2014, la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga déclarait que le dialogue sur l’égalité salariale avait échoué en raison du manque de dialogue entre les partenaires sociaux – l’usam étant l’un de ces partenaires du côté des employeurs. Dans cette perspective, le Département fédéral de justice et police avait publié deux études sur l’égalité salariale en décembre 2013. La première montrait quelles mesures gouvernementales étaient appliquées dans d’autres pays. La deuxième identifiait des mesures possibles pour les contrôles et explorait les instruments d’exécution en Suisse.

«La discrimination est inefficace. Personne n’y gagne!»

Deux études qui ont ouvert une vraie brèche, dans laquelle nombreux se sont engoufrés. Car désormais, le Conseil fédéral exige des mesures coercitives. Du reste, en juillet 2017, le voici qui approuvait le message sur la révision de la loi sur l’égalité. Et il y a quelques jours, le 28 février dernier, le Conseil des États débattait pour la première fois de ce projet de loi. Il l’a aussitôt renvoyé en commission (lire plus bas). L’usam souhaitait pour sa part que la chambre haute n’entre pas en matière sur ce projet.

La dimension policière transpire

Mais revenons-en à cette idée nocive. Le Conseil fédéral veut «détecter» les différences de salaire inexpliquées entre hommes et femmes au moyen d’analyses régulières de l’égalité salariale. La modification de la loi sur l’égalité prévoit que les entreprises de 50 salariés ou plus procèdent à une analyse tous les quatre ans, qu’elles la fassent contrôler par un organisme indépendant et en communiquent les résultats. Les champs sémantiques utilisés («détecter») dénotent déjà de la part du Conseil fédéral l’intention d’user de mesures policières.

Notons que si des salaires différents sont versés pour un même travail, il convient de faire une distinction entre les différences salariales explicables et inexplicables. Dans les différences explicables, il y a le parcours de carrière, les qualifications, la formation continue, le nombre d’années d’expérience professionnelle ou les interruptions de carrière, ou encore des changements liés à la formation, à la fonction, etc. Selon les études, une différence salariale inexpliquée persiste, actuellement estimée à environ 7%. Les études montrent aussi une tendance à la baisse de l’écart salarial… Toutes choses que le Conseil fédéral admet dans son message au Parlement. Néanmoins, il 
insiste sur le contrôle obligatoire des salaires.

«Les études montrent aussi une tendance à la baisse de l’écart salarial.»

Le contrôle des salaires doit être effectué par une société d’audit, un expert reconnu en matière d’égalité salariale ou une représentation interne des salariés. Les résultats doivent être communiqués aux salariés et, dans le cas d’une société 
cotée, aux actionnaires.

La Constitution et basta!

L’égalité salariale est inscrite à l’article 8, alinéa 3, de la Constitution fédérale. L’usam respecte cette norme constitutionnelle, c’est pourquoi elle a participé au dialogue sur l’égalité salariale entre 2009 et 2013. Un tel engagement compte! Pour les employeurs, payer des salaires égaux relève d’une nécessité économique. Car la discrimination est inefficace le marché du travail la sanctionne. Personne n’y gagne! Il en résulte un fort taux de rotation du personnel et des coûts de recrutement élevés. De plus, les violations de l’égalité salariale peuvent également être poursuivies en justice.

Cela dit, au cours des quinze dernières années, le nombre de conventions collectives a fortement augmenté. Les salariés sont donc déjà soumis pour une grande partie aux réglementations salariales négociées par les partenaires, excluant la discrimination salariale basée sur le sexe.

Au cours des prochaines années, davantage de travailleurs quitteront le marché du travail, comparé au nombre qui y entreront. La pénurie de main-d’œuvre, en particulier qualifiée, augmentera. De plus, dès le 1er juillet 2018 l’obligation d’annonce des emplois s’appliquera. La position des employés et leur pouvoir sur le marché du travail va globalement s’améliorer. Un employeur ne peut plus se permettre de payer des salaires qui ne sont pas conformes au marché ou même discriminatoires. En outre, des obligations accrues en matière de déclaration sur l’égalité salariale s’appliquent déjà aux marchés publics.

RĂ©vision fort inutile

La révision de la loi sur l’égalité n’est pas nécessaire. Il est dans l’intérêt des entreprises elles-mêmes de payer le même salaire pour le même service. C’est la seule façon pour elles de conserver leur personnel qualifié face à une pénurie croissante de travailleurs qualifiés. La révision de la loi sur l’égalité des chances et l’introduction de contrôles salariaux obligatoires, en revanche, imposent une nouvelle charge bureaucratique et constituent une ingérence injustifiée dans la liberté contractuelle entre l’employeur et le salarié.

«Le Conseil des 
États a aussitôt 
renvoyé ce projet en commission.»

Débat au Conseil des États

Lors de la session de printemps, le Conseil des États a été le premier à se pencher sur ce projet de loi. À la veille de la conférence, l’usam a fait campagne pour que la Commission de la science, de l’éducation et de la culture du Conseil des États (CSEC-E) plaide en défaveur du projet. Malheureusement, à 7 voix contre 6, la commission préparatoire a proposé à son conseil d’adopter le projet de loi. Une minorité conseillait de ne pas entrer en matière, minorité que l’usam soutient en appelant à abandonner ce projet de loi. Le sujet 
revient donc en plein dans l’actu. Le 28 février dernier, les États ont décidé de ne pas décider et renvoyé le projet en commission(lire aussi 
l’interview page 2).

Dieter Kläy, 
vice-directeur, usam

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