Publié le: 1 juillet 2022

Besoin d’une stratégie d’importation

MOBILITÉ – Pour atteindre l’objectif net zéro au cours de ce siècle, l’humanité est confrontée à une grande tâche à accomplir. Dans la recherche d’une mobilité neutre pour le climat, plusieurs voies se dessinent pour la résoudre.

Si la consommation annuelle mondiale de pétrole était mise dans un seul train avec des wagons-citernes modernes, celui-ci aurait une longueur de 850 000 kilomètres et ferait plus de 20 fois le tour de la Terre. Avec le gaz naturel et le charbon, le pétrole couvre 80 % des besoins énergétiques de l’humanité. Pour atteindre l’objectif net zéro au cours de ce siècle, la Suisse se trouve face à une tâche qui fera date. Dans le domaine de la mobilité, plusieurs pistes se dessinent pour la résoudre.

La transformation directe de l’électricité en énergie cinétique au moyen d’un moteur électrique est actuellement l’utilisation la plus efficace de l’énergie pour se déplacer. La mobilité alimentée par des batteries va s’établir dans de nombreux domaines. Mais la physique lui impose aussi des limites. Par exemple, la faible densité énergétique des batteries entraîne des temps d’utilisation relativement courts et des temps de charge relativement longs. Mais surtout, les véhicules électriques à batterie (BEV) ne permettront pas à eux seuls de réaliser une mobilité climatiquement neutre d’ici 2050. L’électricité se stocke mal. En conséquence, les stations de recharge sous nos latitudes ne seront plus en mesure de fournir à tout moment de l’électricité exempte de CO2 dans la quantité nécessaire, au plus tard après l’abandon de l’énergie nucléaire. Comme chacun le sait, nous nous dirigeons vers une situation critique en matière d’approvisionnement en électricité dans toute l’Europe. La Suisse a réagi à cette situation et prévoit la construction de centrales électriques pouvant fonctionner au gaz naturel ou au pétrole. En période de tension sur l’approvisionnement, c’est alors cette électricité chargée en CO2 qui doit être utilisée pour recharger les BEV.

VĂ©hicules Ă©lectriques avec piles Ă  combustible sans Ă©missions

En revanche, les véhicules qui couvrent les besoins en électricité à bord au moyen d’une pile à combustible (Fuel Cell, FC) peuvent garantir une électromobilité sans émissions. L’hydrogène est actuellement le «carburant» de la FC. Si celui-ci est produit à partir d’électricité exempte de CO2 par électrolyse de l’eau, il s’agit d’un système de propulsion très respectueux du climat. L’hydrogène est plus facile à stocker que l’électricité et donc disponible à tout moment.

Les véhicules électriques FC se ravitaillent comme des véhicules à combustion normaux. Ces avantages doivent être payés par des pertes de conversion. Cela n’a toutefois que peu d’importance si l’on utilise pour l’électrolyse de l’électricité pour laquelle il n’existe pas d’autre besoin direct au moment de la production.

Tant pour la mobilité BEV que pour la mobilité FC, des milliards doivent encore être investis, d’une part dans un nouveau parc de véhicules, d’autre part dans la production d’énergie et dans les infrastructures de stockage et de distribution. La situation est différente pour les moteurs à combustion. Dans ce domaine, les systèmes de moteurs et d’énergie sont déjà établis et les seuls investissements nécessaires concernent la production des vecteurs énergétiques sans CO2.

Leur qualité sera largement équivalente à celle de l’essence et du diesel conventionnels. Ils sont idéalement miscibles entre eux et avec les composants fossiles, ce qui explique la désignation «Drop-In Fuels» et favorise leur mise en œuvre.

Les Drop-In Fuels: la panacée?

Dans le parc automobile actuel, 98,5 % des voitures sont équipées d’un moteur à combustion. Selon les estimations, cette proportion sera encore supérieure à 50 % au milieu du siècle. Et en dehors de la route, par exemple dans l’agriculture, la construction et l’aviation, les moteurs à combustion seront très probablement sans alternative à cet horizon. Les solutions respectueuses du climat pour de telles applications ont été développées et sont actuellement mises en pratique. D’une part, il s’agit de carburants gazeux ou liquides d’origine biogène. Ils couvrent chez nous environ 4 à 5 % des carburants utilisés dans le trafic routier et gagnent également du terrain dans le domaine des carburants pour l’aviation. Bien que leur potentiel soit loin d’être épuisé, il semble peu probable qu’il y ait suffisamment de biomasse disponible à l’échelle mondiale pour assurer un approvisionnement complet en sources d’énergie renouvelables.

Par conséquent, les solutions basées sur l’électricité devront également apporter leur contribution aux moteurs à combustion. Actuellement, les approches visant à produire du diesel et de l’essence synthétiques à partir d’hydrogène exempt de CO2 et de CO2 filtré dans l’air sont au centre des préoccupations. Le cycle du CO2 est ainsi bouclé sans ressources fossiles supplémentaires.

A l’avenir: continuer à importer

Il apparaît que la synthèse de sources d’énergie liquides et gazeuses neutres pour le climat se fera dans de grandes installations industrielles disposant d’électricité renouvelable d’origine éolienne et/ou solaire. De telles installations seront situées sur les côtes maritimes et à proximité de l’équateur. Le groupe énergétique saoudien Aramco a présenté de tels projets à la conférence Powerfuel à Lucerne. Des installations pilotes sont en cours de développement en Espagne et en Arabie saoudite. Cette décennie, il est prévu de passer à des niveaux de production industrielle. Des installations photovoltaïques d’une surface de plusieurs kilomètres carrés devraient fournir l’électricité nécessaire à la synthèse de vecteurs énergétiques liquides sans impact sur le climat.

Deux conclusions peuvent être tirées. Premièrement, les carburants synthétiques doivent pouvoir être importés et stockés à l’avenir, tout comme les carburants fossiles aujourd’hui. Deuxièmement, l’infrastructure actuelle d’importation, de stockage et de distribution des produits pétroliers doit être maintenue et entretenue. Elle ne doit pas être sacrifiée à la croyance erronée qu’il n’y aura bientôt plus que des véhicules à batterie.

Roland Bilang,

Avenergy Suisse

Les 30 membres d’Avenergy Suisse assurent l’approvisionnement de la Suisse en combustibles et carburants

Pour les moteurs à combustion aussi, des carburants à faible émission de CO2 sont développés

Les moteurs à combustion jouent toujours un rôle important pour répondre à nos besoins de mobilité. Des carburants pauvres en CO2 sont développés. Les 30 membres d’Avenergy Suisse assurent l’approvisionnement de la Suisse en combustibles et carburants. Outre les activités conventionnelles essence et diesel, les importateurs s’engagent pour des sources d’énergie alternatives et respectueuses du climat, soit pour les moteurs électriques ou les moteurs à combustion. Des stations sont disponibles dans plus de 100 stations-service pour la recharge des BEV (graphique pt.1). Onze stations de marque sont équipées de pompes à hydrogène pour le ravitaillement des véhicules FC (2). Depuis plus de dix ans, le secteur propose des biocarburants (3). Plus récemment, de nombreux membres d’Avenergy Suisse ont participé à la production d’hydrogène par électrolyse (4). L’association soutient également des projets pilotes pour transformer l’hydrogène en carburants synthétiques (5).

Le magazine «Avenue» d’Avenergy Suisse, édition automne 2021:

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