Publié le: 3 juillet 2020

Bras de fer contre une poignée de géants

DISTORSION DE CONCURRENCE – Retour sur un épisode inquiétant vécu durant cette crise: la manière dont les autorités ont traité le commerce de détail – et la préférence flagrante qui a été accordée à la grande distribution. Pour l’usam, ce fut petit.

En plein lockdown, on réalise tout à coup que les grands distributeurs et les petites PME sont soumis à un traitement différent. Que les Coop, Migros,Landi et consorts n’appliquent pas les prescriptions officielles et continuent de vendre ce que les petits n’ont pas le droit de faire. Des plantes, des meubles de jardin et des vélos. Voilà que la grande distribution profite à fond du printemps – tandis que les PME sont bloquées et obéissent scrupuleusement aux indications du Conseil fédéral.

Wagons de courrier à l’usam

Des employés de la grande distribution nous appellent pour nous confier ce qu’ils voient. Que l’on continue de vendre toutes sortes de choses qui n’ont rien à voir avec l’alimentation. Que les dispositifs sont adaptés lors du passage des inspecteurs, puis que l’on rouvre derrière.

Des vagues de courrier arrivent à l’usam. Les propriétaires désespérés de petits magasins appellent à l’aide: si les grossistes peuvent vendre une gamme plus large de produits, alors le commerce de détail doit pouvoir en faire de même.

L’inégalité de traitement est flagrante: le directeur de la l’usam, Hans-Ulrich Bigler, tout à coup très sollicité par les médias, soutient les revendications des PME bientôt rejoint par de nombreuses associations professionnelles cantonales

Le conflit avec les grands distributeurs va s’éterniser: Il faudra des semaines pour rétablir l’égalité de traitement. Des semaines durant lesquelles les PME du commerce de détail vont manquer la quasi-totalité des affaires du printemps et donc des centaines de millions.

Compétence et incompétence

Dans ce contexte, Marie-Gabrielle Ineichen-Fleisch, secrétaire d’Etat à l’économie, semble avoir d’autres préoccupations. La Commission de politique économique, qu’elle dirige, préfère s’occuper de marginalités économiques extérieures, comme la démission du secrétaire général de l’Organisation mondiale du commerce. Tellement prioritaire!

«Contrairement à la direction du travail du SECO, où un excellent travail a été et est encore réalisé sous la direction de Boris Zürcher, il ne semble pas y avoir de savoir-faire correspondant ni de compréhension des problèmes des PME dans l’environnement de Mme Ineichen-Fleisch», sourit Hans-Ulrich Bigler, en commentant le ratage du Conseil fédéral concernant les problèmes du commerce de détail.

Une décision erronnée

L’usam présente le 1er avril son concept de «Smart Restart». Le jeudi 9 avril au soir, l’organisation faîtière des PME suisses a offert au SECO la possibilité de fournir un coup de main pendant la période de Pâques. Une proposition qui est restée lettre morte. Le résultat fut la réouverture progressive du commerce de détail, annoncée dans le chaos dès le 27 avril. La décision du Conseil fédéral, que le conseiller fédéral Berset a qualifiée rétrospectivement de «confuse» – car qui était autorisé à faire quoi exactement et qui ne l’était pas, cela restait mystérieux – est décrite par Hans-Ulrich Bigler comme «une erreur évidente».

En fin de compte, il n’a pas été nécessaire de porter la question devant les tribunaux, comme l’usam l’annonçait le 24 avril aux grands distributeurs. A Genève, une action en justice des syndicats a entre-temps permis d’exercer la pression nécessaire et la grande distribution a cédé. Au final, ce fut petit.

Ce qui reste est le souvenir d’un chapitre plutôt désagréable de l’histoire économique suisse. Un chapitre qui n’aurait pas dû être écrit dans un pays où les PME fournissent environ 70% de tous les emplois et sont responsables de 60% de la création de valeur.

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