Publié le: 3 juillet 2020

Ce que signifie le mot «oser» pour une PME

patrick chalençon – Serial entrepreneur et «business booster» connu en Suisse romande, il analyse le monde post-crise sanitaire pour les PME: autonomiser les équipes, valoriser l’intelligence collective.

JAM: Oser pour une PME. Qu’est-ce que cela veut dire aujourd’hui en Suisse romande?

Patrick Chalençon: J’aurais envie de dire – osez libérer votre entreprise! Ces temps, nous parlons beaucoup d’agilité intrinsèque, de casser les codes de management, voire de supprimer – pourquoi pas – les locaux administratifs. L’augmentation des besoins d’évolution produit/marché et mais aussi des conditions de travail agissent comme des accélérateurs.

Les grands groupes maîtrisent depuis longtemps le télétravail par exemple et se lançant de plus en plus dans des transformations agiles. Mais pour les PME, de telles réflexions sont plutôt nouvelles. Elles n’ont plus le choix dans la situation actuelle, que de s’engager dans une adaptation de leur mode de manage­ment en travaillant de manière plus neuronale, afin d’améliorer leur efficience et leur agilité.

Neuronale, cela implique quoi?

Autonomiser les équipes au travers de rituels. Ces rituels peuvent prendre la forme de cercles dont la raison d’être, le rythme et les rôles sont clairement établis. Les actions ou sujets sont injectés dans ces cercles. La manière collaborative et structurée de traiter les actions valorise l’intelligence collective et permet à l’équipe de s’engager. Ça, c’est la théorie! Après plus de dix ans de pratique, j’apprends toujours et parfois encore à mes dépends! C’est un chemin.

Comment pratiquez-vous cette démarche dans votre entreprise?

D’abord donner du sens à la démarche. Communiquer très régulièrement et embarquer progressivement les équipes en mode pilotes. Pas d’intégrisme! Il faut les accompagner avec persévérance et bienveillance.

Chez Remarq qui emploie une trentaine de collaborateurs dans le domaine de l’impression grands format, l’habillage de bâtiments et véhicules, la signalétique et la décoration intérieure, j’ai commencé par déchirer l’organigramme en le substituant par des rôles clairement définis mais évolutifs. Il n’y a plus de hiérarchie. Puis j’ai mis en place les rituels, sortes de moteurs. L’évolution est constante, c’est une histoire sans fin…

Vous avez mentionné l’existence d’une start-up liée à la pêche. De quoi s’agit-il?

Là, nous voulons révolutionner la pêche mondiale en évitant aux pêcheurs de perdre leurs filets et leurs nasses par perte des signaux de surface. Une bouée intelligente (Scatri smart buoy) est immergée avec le filet et remonte à la surface à réception d’un signal acoustique codé. Comme elle est sous l’eau, elle ne subit pas les tempêtes et les collisions avec le trafic qui arrachent les signaux de surface. La présérie fonctionne dans différents pays, nous levons des fonds pour la production.

«Chez Remarq, j’ai commencé par déchirer l’organigramme!»

Qu’avez-vous appris à titre personnel et professionnel durant cette crise sanitaire?

De nouvelles facettes du comportement humain tant au niveau gouvernance, que sociétal, qu’au niveau des collaborateurs. Comment notre société réagit face à une nouvelle problématique globale, comment ses attentes sont transcrites par les instances dirigeantes, comment les personnes réagissent face à un changement d’habitudes de plus de 21 jours.

Plus spécifiquement: comment maintenir l’intelligence collective dans un contexte d’éloignement physique, comment adresser l’anxiété des collaborateurs en RHT isolés de l’entreprise, comment essayer de garder une proportionnalité entre taux de charge et RHT – c’est impossible! – et comment fonctionner dans une PME entre télétravailleurs et personne présentes.

Vous avez été l’un des premiers à nous annoncer l’éclatement de la bulle Internet en 2001. Vers quoi se dirige-t-on actuellement?

Cette crise, du moins ce que la société et ses gouvernements en ont fait et vont en faire, agit comme un booster de tendances. Le work/life balance, les produits de proximité, l’écologie, la revalorisation, l’éloignent du capitalisme classique et des dépendances, l’utilisation d’Internet. Et il y a accélération de la convergence de ces aspects! C’est précisément dans ces nœuds de convergences, sortes de nœuds d’énergie potentielle, que nos PME doivent se faufiler avec agilité. Soit en les valorisant, soit en les créant.

Interview:

François Othenin-Girard

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