Publié le: 8 mars 2019

Climat: les grands mots ne font pas de grands remèdes

Soyons clairs: le réchauffement climatique est là. Ce n’est pas une vue de l’esprit ou l’invention de quelques scientifiques perturbés. Le réchauffement climatique est là et c’est un problème mondial. Un problème qui va tester la capacité des États à collaborer pour y faire face. Vont-ils y arriver? Possible, mais pas évident du tout. Il faudra, à un moment donné, renoncer à utiliser des énergies fossiles disponibles: charbon, pétrole, gaz. Rappelons-nous le changement de paradigme: le peak du pétrole devait régler le problème. Plus assez de matière, trop de demande, explosion des prix et … changement de système dans la douleur. Ce n’est plus un scénario crédible. De nouveaux gisements ont été trouvés, nombreux, abondants. Mentionnons seulement le pétrole de schiste américain qui fait passer ce grand pays en deux décennies d’importateur à exportateur d’or noir.

Nul n’avait vu venir ce bouleversement. Nous avons donc globalement trop de ressources énergétiques émettrices de CO2. Comme nous avons trop de têtes de bétail émettrices de méthane (le deuxième gaz à effet de serre le plus important). Les États se sont engagés à Paris à des réductions visant à limiter l’augmentation des températures à 2°C. Leur comportement parle pour le moment un autre langage: on doit s’attendre à 3°C ou plus d’augmentation. Et encore, les hausses ne seront pas uniformes. Des régions comme la Suisse seront plus touchées. Surtout les villes de plaine avec des étés caniculaires.

Alors que faire? Évidemment, commencer par respecter l’engagement pris à Paris. Soit une réduction de 50% de nos émissions de CO2 en 2030 par rapport à 1990. Cela veut dire émettre 27 millions de tonnes en moins. Dont 18,5 millions en Suisse. Le solde étant économisé à l’étranger. Une part de l’objectif est déjà réalisée. La Suisse réduit ses émissions depuis la signature des accords de Kyoto.

Les leviers sont connus: programme de rénovation des bâtiments financé par une taxe sur les combustibles, système d’échange de quotas d’émissions pour l’industrie suisse, prescriptions techniques et compensation du CO2 pour les véhicules. S’ajoutera vraisemblablement une taxe sur les billets d’avion, dont la probabilité et la pertinence vont croissants.

Tout le monde s’accorde sur le programme bâtiments. Financé à hauteur de 450 millions de francs, il permet d’isoler les anciens immeubles et de faire disparaître petit à petit les passoires énergétiques. Vu son financement étatique et la distribution de cet argent par les cantons, ce programme a de nombreux partisans à Berne, dans les administrations cantonales au sein des associations économiques (dont l’usam). Il est bienvenu, même s’il est rempli d’effets d’aubaine assez évidents (les travaux auraient été faits de toute manière et l’État paie ce que les privés auraient dû payer). Mais bon, la Suisse étant ce qu’elle est, je vais cesser ce petit grincement libéral.

Pour l’échange de quotas d’émissions, là aussi il y a un fort soutien. Ce programme, greffé à celui de l’Union ­européenne, permettra à nos entreprises de se battre à armes égales. Taxer le CO2 ne change rien à la compétitivité SI TOUT LE MONDE ADOPTE LE MÊME NIVEAU de taxe. Reste le transport. Et là, il faut constater que la Suisse n’est pas exemplaire.

Les améliorations techniques sont régulièrement mangées par les kilomètres parcourus en plus, l’augmentation du poids des véhicules ou l’amélioration de leur motorisation. On prévoit d’augmenter à 90% maximum la part de CO2 que les importateurs de carburant devront compenser. Dont 20% en Suisse, ce qui est substantiel. Pour financer ces mesures, le prix de l’essence va augmenter. La mouture du Conseil National visait 8 centimes par litre. Ce qui suffit à atteindre les objectifs si on stoppe la promotion des biocarburants (plutôt une bonne nouvelle, ces biocarburants étant très chers et assez douteux écolo­giquement).

Le prix de l’essence est le point G de toute la discussion. On a beaucoup entendu les uns ou les autres dire qu’il fallait passer la vitesse supérieure en matière climatique. C’est sur le prix de l’essence que l’affaire prendra sa véritable tournure politique. A quel niveau un référendum ­sera-t-il lancé? 8 centimes? Peu probable. 10 centimes? Vraisemblable. 12 centimes? Certain! Et que dira la population? Difficile à pronostiquer: la lutte contre le réchauffement climatique est un creuset dans lequel l’enthousiasme militant se mêle au trivial calcul budgétaire mensuel.

Un croche-pied pour conclure: pousser la voiture électrique est une aberration: si la Tesla fait deux tonnes, dont 700 kilos rien que pour la batterie, et que vous l’utilisez pour transporter une personne de 80 kilos, alors vous n’avez pas fait un centimètre en direction d’une terre moins chaude!

*Conseiller national (PLR/GE).

benoit.genecand@parl.ch

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