Publié le: 5 février 2016

Conte de fée sur l’accès aux marchés

place financière – La loi fédérale sur les services financiers (LSFin) et la loi sur les établissements financiers (LEFin) promettent 
ce qu’elles ne pourront pas tenir. En réalité, les petits clients seraient discriminés et devraient payer l’intégralité des risques.

Cela sonne tellement juste en apparence: la Suisse a ficelé un paquet de lois qui devraient protéger les clients contre les prestataires de services financiers. Le tout devrait même permettre, pense-t-on à Berne, de garantir des équivalences au bénéfice des acteurs suisses dans les services financiers. Ces derniers auraient ainsi accès au grand marché européen.

Trop beau pour y croire? Hélas! Car en vérité, la loi fédérale sur les services financiers et la loi sur les établissements financiers ne protègent aucun client. De plus, un accès au marché européen n’est en tout cas pas garanti. Du coup, la LSFin et la LEFin relèvent d’une espèce hybride, relevant à la fois du vœu pieu (wishful thinking) et du conte de fée.

Accès au marché UE? C’est faux!

Allons à l’essentiel! Ces deux lois prétendent rendre possible l’accès aux marchés de l’UE. Or en fin de compte, les deux lois implémentent les directives européenne MIFID II. Le plus stupide, c’est que ces directives elles-mêmes ne contiennent aucune réglementation «cross-border».

«Une équivalence ne garantit pas un libre accès aux marchés.»

De quoi s’agit-il? Sous MIFID II, chaque Etat membre est responsable pour lui-même d’autoriser ou non des prestataires de services étrangers opérant sur son territoire. Il leur est même possible d’imposer une législation particulière à des prestataires de services financiers de pays membres de l’UE/EEE, voire même d’Etats non membre. Il s’agit de règles qui ne s’appliquent pas sur leur propre marché intérieur.

Passeport européen? Pas valable!

Ce qui peut se passer dans un pays membre de l’UE ne veut pas encore dire un accès à la totalité du marché européen. Comme le montre l’exemple suivant: un Etat membre de l’UE promeut une législation dans laquelle un prestataire de services financiers doit ouvrir un bureau sur son territoire pour avoir accès au marché. Une telle représentation, mentionnée dans MIFID II, ne garantit en aucune manière un accès à tous les marchés de l’UE (l’équivalent d’un «passeport européen»).

Pour obtenir un «passeport européen», un prestataire de services financiers devrait donc trouver un accord avec chaque pays de l’UE. Cela semble compliqué. A y regarder de plus près, c’est tout simple. La Suisse ne peut pas, en adoptant son paquet de loi, obliger tous les Etats européens à reconnaître le caractère contraignant de la nouvelle législation qu’elle se propose d’adopter.

Avec ces lois, la Suisse prendrait la mauvaise direction

Deuxième point. Les lois suisses s’appuient sur les directives MIFID II, mais ces dernières n’ont rien à voir avec la LSFin et la LEFin. Les Suisses se sont donc trompés de direction. L’idée d’une équivalence avec l’UE et le fait que cette équivalence garantirait un libre accès aux grands marchés européens, rien de tout cela ne pourra être validé. Les paysages réglementaires de la Suisse et de l’UE présentent dans tous les cas bien trop de différences. Tandis que la Suisse cultive une approche basée sur des principes plutôt «bottom-up», l’UE privilégie une approche réglementaire «top-down». Cela rend la comparaison et la garantie des équivalences plutôt hasardeuse.

«L’équivalence est déjà en soi une ­décision politique.»

Soyons précis! Toute équivalence est déjà en soi le fruit d’une décision politique. Le simple fait que la Suisse se dote de règles ne signifie donc absolument pas que l’UE et chacun de ses Etats membres offre automatiquement à la Suisse un tel passeport. Dans tous les cas, une telle équivalence ne pourrait jamais être la conséquence mécanique de la LSFin et de la LEFin, mais bien le résultat d’une négociation au plan politique.

A cela s’ajoute le fait que l’équivalence n’est pas en soi un état durable. Tout comme les réglementations européennes évoluent, la Suisse devrait régulièrement s’y adapter. Les conséquences de cette situation seraient tout sauf positives pour notre pays qui subirait de plus en plus de pression de la part de l’UE.

Au surplus, une telle équivalence avec l’UE ne signifie en aucun cas un libre accès aux marchés internationaux. C’est même le contraire qui prévaut: cette équivalence concerne avant tout des produits de masse dans les services financiers de l’UE qui auront des effets contraires à ce que la place financière suisse pourrait attendre en matière de diversification.

L’accès au marché n’est donc ni un souhait ni un conte de fée. C’est un rêve qui pourrait bien se terminer en cauchemar. Et pour toutes ces raisons, l’Union suisse des arts et métiers usam s’opposera de toutes ces forces à ce nouvel appareil ­législatif. Inutile et dangereux!

Henrique Schneider, usam

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