Publié le: 7 octobre 2022

Coupes mortelles dans les fertilisants

environnement – De nombreux pays dont la Suisse diminuent les engrais de manière massive, comme le montrent les exemples de Michel Santi. Pour Mikael Huber, la Suisse risque aussi de se retrouver dans une situation d’urgence alimentaire

Le Canada est un grenier: c’est le 4e plus important exportateur mondial de grains et de légumes. Ce pays dispose en outre d’une des techniques de récolte les plus performantes qui soient. Cependant, ses étals de nourriture ne seront plus aussi bien garnis. Et ce dans un avenir proche, car le gouvernement fédéral vient de décréter la réduction de 30% d’ici 2030 de ses émissions dues à l’usage des fertilisants. Dès lors, les lubies de Trudeau & Co. coûteront (selon la Western Canadian Wheat Growers) entre 2 et 4,5 milliards de dollars aux diverses provinces canadiennes.

La coupe drastique d’un tiers de tous les fertilisants d’origine chimique transformera donc ce grand pays exportateur en net importateur de sa consommation alimentaire dans quelques années.

Les Pays-Bas, quant à eux, qui étaient déjà sous le coup d’une obligation consistant à utiliser 70 % en moins d’engrais azoté, viennent de se voir notifier une contrainte supplémentaire de réduire encore de moitié l’usage résiduel de ce fertilisant à l’horizon 2030.

Plus de 11 000 fermes seront ainsi condamnées à faire faillite sur les 35 000 actuellement opérationnelles, et c’est les statistiques gouvernementales hollandaises qui l’indiquent. Près de 18 000 d’entre elles n’auront d’autre choix que de se séparer d’une partie importante de leur bétail, entre un tiers et la moitié de leurs bêtes, selon cette même étude officielle.

En fait, les autorités exigent même de certains éleveurs qu’ils cessent purement et simplement leur activité, pour saboter – consciemment ou pas – leur nation qui est la plus importante exportatrice de viande d’Europe et la seconde au monde en volume de produits agricoles en général, ce qui constitue une performance remarquable car les Pays-Bas sont classés juste après un immense pays comme les Etats-Unis.

Le Sri Lanka, pour sa part, se retrouve dans une situation désespérée qui voit quotidiennement des pans entiers de sa population devoir se battre pour sa simple survie alimentaire. Ayant subi l’effondrement de la Roupie de plus de la moitié de sa valeur en quelques mois, les Sri-Lankais payent aujourd’hui le prix d’un colonialisme 3.0 qui les contraint à une bataille de tous les instants pour se procurer de quoi manger un seul repas par jour. Cette famine générale du pays provient elle aussi d’une éradication des fertilisants ayant abouti à une liquéfaction de ses récoltes, dans le cadre du fameux programme «ESG» – dictant une gouvernance environnementale fortement suggérée par le World Economic Forum et largement promue par l’ONU et ses diverses excroissances. Elève exemplaire pour avoir réduit presque la totalité (90 %!) de ses fertilisants en une année, il a ainsi pu bénéficier d’une note de 98 devant un pays comme la Suède qui est à 96.

Le résultat en un seul chiffre est à la fois éloquent et cruel: le Sri Lanka a vu ses récoltes fondre de 85 %, alors même que 16 millions de Sri Lankais sur les 22 millions que compte ce pays sont directement dépendants de l’agriculture. Les statistiques officielles publiées cette semaine font état pour le mois d’août d’une inflation annualisée de 93,7% sur les produits alimentaires après 90,9 % en juillet.

Je me souviens des menaces prophétiques proférées en 2019 à Davos devant un parterre de chefs d’Etats et de leaders économiques par une Greta Thunberg triomphante: «I want you to panic» (je veux que vous paniquiez). Son pays – la Suède – consomme aujourd’hui bien plus de pétrole après avoir fermé l’une après l’autre ses centrales nucléaires. Le reste du monde, lui, après le Sri Lanka et bien d’autres pauvres nations ayant largement dépassé ce stade, va bientôt devoir arbitrer et choisir entre s’alimenter ou se chauffer et s’éclairer. Merci, Greta, car nous avons désormais toutes les raisons de paniquer.

Michel Santi, Gestion suisse

denrées alimentairesProduire: aussi une priorité

La Suisse se retrouve aussi sous pression

Ce n’est pas seulement au Canada et au Pays-Bas que le combat pour notre écosystème diminue la rentabilité des exploitations agricoles. La Suisse risque bien d’être également concerné par une drastique réduction des fertilisants.

Il y a un peu plus d’un an les votations concernaient les pesticides «Pour une Suisse sans pesticides» et «Pour une eau potable propre». Ces initiatives ont heureusement été refusées à plus de 60 %. Toutefois, la pression se perpétue sur la question de réduction des fertilisants. Alors que cela devait être fixé à une réduction de 10 %, les autorité administratives insistent pour réduire de 20 % l’usage des fertilisants. Il est évident qu’une telle réduction conduira à des récoltes en diminution. La production suisse va en pâtir clairement. Mais ce n’est pas tout.

En effet, il existe une nouvelle mesure obligeant de consacrer au moins 3,5 % de surfaces de promotion de la biodiversité sur les terres assolées. Cela signifie concrètement 10 400 ha impactés par cette nouvelle mesure. L’Union suisse des paysans a calculé que cela représente la consommation d’un année de pain pour au moins 1 million de personnes.

La protection de l’environnement et les règlementations de protection du paysage ont déjà drastiquement réduit les incitations à investir dans les capacités de productions d’électricité même des énergies renouvelables, au point de conduire la Suisse dans une crise de l’électricité. Il faudra sûrement des années pour en venir définitivement à bout. Ce n’est pas du jour au lendemain que l’on accroît ses capacités de production d’électricité. De la même manière, il ne faudrait pas que les volontés de transformer l’agriculture en un pseudo-paradis propre et autarcique nous conduise dans une crise alimentaire. Il sera certes possible de puiser dans un premier temps dans les stocks, puis d’augmenter les cultures et enfin d’en arriver à des rationnements.

Produire: aussi une priorité

Si la Suisse en arrivait à cette extrémité, il faudrait réduire la production animale pour se concentrer sur la production de denrées alimentaires. Le problème réside dans le fait que si tous les pays occidentaux se mettent en même temps à réduire les productions pour des motifs écologiques, il risque ici aussi d’y rencontrer des difficultés d’approvisionnement.

Il y aura toujours des possibilités de se refournir auprès de l’Amérique latine qui est aussi un grand grenier du monde. Cependant, la guerre en Ukraine nous rappelle combien des tensions géopolitiques peuvent très vite mettre sous tension des secteurs entiers de l’économie comme la production de denrées alimentaires. L’approvisionnement en denrées alimentaires de la Suisse est une priorité absolue, la production en est aussi une importante.

Mikael Huber, usam

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