Publié le: 5 juin 2020

Crise du Covid, chance ou risque pour l’économie?

Lorsqu’une maison a brûlé, je ne connais aucun propriétaire qui la reconstruit à l’identique. Même la magnifique cathédrale Notre Dame de Paris sera, vraisemblable­ment, différente d’avant son incendie. Alors comment redémarrer après une telle crise? Les habitudes, en à peine quelques semaines, ont radicalement changé. Ces habitudes vont-elles perdurer complètement ou en partie? Personne ne peut le dire aujourd’hui. Mais ce qui est sûr, c’est que le monde d’après cette crise mondiale sera différent. C’est l’occasion d’innover et le tissu économique suisse sait très bien le faire. Nos entreprises ont compris que l’innovation est un levier stratégique pour leur avenir.

Prenons un secteur sensible comme l’aviation. J’annonce d’emblée que je ne suis pas opposée à ce secteur. Nous en avons besoin pour nos exportations et nos importations mais aussi pour nos loisirs. Mais compte tenu des crises sanitaire et climatique, n’est-ce pas le moment de se poser quelques questions. Le train peut très bien relier les villes européennes, y compris les trains de nuit très agréables et efficaces. Les compagnies d’aviation devraient se concentrer sur les vols longs courrier. Elles devraient aussi saisir l’opportunité de transformer leur flotte pour qu’elle émette moins de CO2. Les carburants renouvelables sont aussi un changement nécessaire. Nos hautes écoles sont d’ailleurs à la pointe dans ce secteur.

Au lieu de reconstruire des modèles d’affaire du passé avec l’aide de l’Etat, tournons-nous résolument vers l’avenir et utilisons ce moment inédit pour repenser une partie de notre économie. Avec cette situation, nous avons dû tous faire une formation accélérée dans le digital afin de pouvoir continuer à échanger et à travailler. On le voit bien, la formation continue doit faire partie intégrante de notre carrière professionnelle. Les employés et les employeurs ont une responsabilité partagée.

Pourquoi ne pas lancer des bons pour la formation continue? Cela permettrait de combler la pénurie de travailleurs qualifiés mais également de stimuler l’envie d’apprendre tout au long de sa vie. L’Etat ne doit pas augmenter les impôts des personnes physiques et morales. Cela serait un autogoal magistral. Mais il doit faire évoluer le modèle d’impôt des personnes physiques vers un modèle d’imposition individuelle afin que la perception soit plus juste. L’impôt ne doit pas dicter mon choix de vie sociétal. Je dois être libre de décider de me marier ou pas sans que cela affecte le payement de mes impôts.

La mobilité va être fortement impactée par cette crise. Il est difficile de savoir aujourd’hui, quelle proportion de citoyens retourneront dans les transports publics. Il est également difficile d’évaluer la proportion de travailleurs qui se mettront durablement au télétravail. Ces incertitudes ne doivent pas nous empêcher de continuer à investir dans les infrastructures de mobilité nécessaire aux besoins de notre économie. Cette crise a démontré à quel point l’accueil de la petite enfance était indispensable. Les crèches doivent être considérées comme des infrastructures stratégiques. L’Etat et les entreprises privées doivent pouvoir offrir des places aux parents qui désirent continuer leur activité professionnelle. C’est aussi un moyen de lutter contre la pénurie de main d’œuvre qualifiée.

Près de la moitié de toute l’énergie en Suisse est consommée par le chauffage des bâtiments et de l’eau chaude sanitaire. Nous devons lancer une grande offensive pour l’assainissement des bâtiments mais aussi pour profiter de transformer ces bâtiments en mini-centrale électrique décentralisée. Cette offensive profitera à l’économie et au climat. Cette crise a également démontré nos besoins d’avoir une bonne relation avec nos voisins européens. La libre circulation des personnes est essentielle au bon fonctionnement de nombreux secteurs économiques. On pense immédiatement à la santé mais on peut aussi mentionner l’agriculture, la construction, le transport, la restauration et l’hôtellerie. Une telle crise ne se résout pas seul mais en collaboration avec d’autres pays et en particuliers avec ceux qui nous sont le plus proches. La Suisse sera forte avec l’Europe et avec un accord-cadre.

Cependant, cette crise comporte aussi des risques. Tout d’abord, le risque d’étatisation rampant. Ne cédons pas aux sirènes de l’Etat. D’autre part, il existe un risque important de perte de nos libertés fondamentales et d’augmentation de la surveillance généralisée au nom du bien commun. Nous devons savoir raison garder et se rappeler que les dictatures, même socialistes, n’ont jamais fait la richesse du peuple mais uniquement celle de ses dirigeants.

* Conseillère nationale vert’libérale (VD)

isabelle.chevalley@parl.ch

Les plus consultés