Publié le: 20 janvier 2017

Densification urbaine: mythe ou réalité

planification territoriale – Accorder un droit de regard aux associations de protection de la nature dans les projets de création de zone à construire. La décision des juges du TF n’emprunte pas vraiment le sentier permettant de simplifier la situation!

Face à l’évolution démographique et sociétale, tout le monde s’accorde à dire qu’il faut penser l’urbanisme en trois dimensions. Le mot magique: densification. Facile à dire. Mais entre les voisins qui militent pour leur propre confort et les associations de préservation du patrimoine, c’est un réel casse-tête chinois. Un compromis est donc nécessaire: il n’est pas réaliste de protéger le sol de manière quasi absolue alors que les conditions requises à la densification ne sont pas à disposition. La décision des juges fédéraux d’accorder un droit de regard aux associations de protection de la nature dans les projets de création de zone à construire ne va pas dans le sens d’une simplification de la situation…

Depuis l’entrée en vigueur de la dernière révision de la législation fédérale sur l’aménagement du territoire, le 1er mai 2014, l’extension des zones à bâtir a fait l’objet d’une nouvelle réglementation détaillée. Celle-ci a ainsi attribué la création de nouvelles zones à bâtir à la Confédération. Sur cette base, la Fondation suisse pour la protection de la nature et du paysage s’était opposée au projet de classement de zones à bâtir dans la commune lucernoise d’Adligenswil. Le Tribunal fédéral lui a donné raison (lire l’encadré).

Selon les juges fédéraux, les organisations de protection de la nature et du paysage actives au niveau national doivent donc se voir reconnaître la qualité pour agir. Le cas de Adligenswil a des répercussions sur toute la Suisse: les associations pour la nature pourront recourir contre des zones à bâtir. Avant d’autoriser la création de nouvelles zones à bâtir, les autorités doivent à présent tenir compte de l’avis des associations de protection de la nature.

Non, la Suisse n’est pas devenue 
une vaste terre bétonnée.

Il faut relativiser le postulat selon lequel la Suisse serait une vaste terre bétonnée. Les chiffres parlent d’eux-mêmes: 91,5% de la surface de la Suisse n’est pas construite. Le mitage du territoire et la bétonisation doivent donc être remis en perspective. L’importance du sol sur le plan de la production que de la compétitivité pour l’agriculture mais également pour les entreprises est indéniable, or, avec cette décision du TF, on va vers une tendance à la protection absolue des sols. Pour réduire les effets pervers de l’étalement urbain, la solution parait simple, séduisante et consensuelle: densifier! Certes la densification des constructions désamorce d’un coup beaucoup de problèmes: protection des terres agricoles, arrêt du mitage, réduction de la pendularité, économie de coûts d’équipement, diminution des prix des terrains et des locations, etc.

Or bien qu’elle ne soit plus contestée par personne en théorie, la solution prend un autre visage dès lors que l’on parle de sa mise en œuvre. Les projets de densification se heurtent à toutes sortes de problèmes, tels que les occupants actuels, les voisins, les municipalités et l’Inventaire fédéral des sites à protéger (ISOS).

Certes, tout le monde est emballé par la principe de la densification. Toutefois, celle-ci implique un changement ou même une détérioration du bien immobilier que l’on possède. La première réaction des voisins est bien souvent la méfiance, voire le rejet.

L’illusion de la densification

Ces oppositions reviennent parfois à mettre des quartiers entiers sous cloche! Il est donc légitime de tirer un bilan mitigé de la mise en vigueur de ce principe.

La densification du territoire bâti est nécessaire: face à la croissance démographique et à l’extension continue des surfaces urbanisées, les collectivités publiques sont amenées à chercher une utilisation plus rationnelle du sol, en adéquation avec un développement durable du territoire. Concrètement, cette densification légitime du milieu bâti permet de rationaliser les équipements publics, d’optimiser l’utilisation des transports en commun, d’aménager des espaces publics, de rendre les commerces viables ainsi que de répondre à des évolutions sociétales.

Or, si la densification se voit mettre des bâtons dans les roues et que la création de nouvelles zones à bâtir est elle aussi mise à mal, on se retrouve dans une impasse. La décision du TF revient à effectuer un pas dans la mauvaise direction. En impliquant un acteur de plus, elle rend complique un processus de création de nouvelles zones à bâtir. Un dédale déjà extrêmement compliqué!

Hélène Noirjean,
responsable aménagement du 
territoire, agriculture et commerce

tribunal fédéral

Recours admis dans le canton de Lucerne

L’affaire remonte à 2014. L’assemblée communale d’Adligenswil dans le canton de Lucerne avait adopté une révision générale de sa planification locale. Elle avait notamment accepté des classements en zone à bâtir à des fins résidentielles. La Fondation suisse pour la protection de la nature et du paysage avait dénoncé le projet au Conseil d’Etat lucernois, qui avait approuvé le plan de la commune et avait rejeté le recours. La fondation n’avait alors pas baissé les bras et avait saisi le Tribunal cantonal, qui avait donné son verdict: l’organisation n’a pas la qualité pour recourir contre ce genre de reclassement territorial en zone résidentielle. En août dernier, le Tribunal fédéral a pourtant donné raison à la fondation et a annulé l’arrêt cantonal: depuis l’entrée en vigueur de la dernière révision de la LAT, la création de nouvelles zones à bâtir relève de la Confédération. Les organisations de protection de la nature doivent donc pouvoir agir. Ceci élargit massivement l’influence de ces associations.No

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