Publié le: 6 octobre 2017

Des instruments de gestion d’un autre âge

FINANCES DE LA CONFÉDÉRATION – La Confédération et les cantons ne disposent pas des informations nécessaires pour gérer 
le secteur public de façon économe, lance l’entrepreneur zurichois Philipp Weckherlin. Voici donc son analyse.

Notre Constitution fédérale stipule que les services de l’Etat doivent être gérés de manière «rationnelle» (art. 43a CF). Toujours dans la Constitution, l’article 127 dit que «la Confédération équilibre à terme ses dépenses et ses recettes». On pourrait donc supposer que les politiques et l’administration s’efforcent de travailler de manière économe lorsqu’ils équilibrent recettes et dépenses. Mais ceux qui basent une stratégie sur cette logique se basent sur des «calculs d’épicier». Les outils de guidage principaux pour conduire de manière durable et économe une organisation aussi grande que le secteur public sont inexistants, en particulier pour une période délimitée concernant le compte de résultat et le bilan.

Parent pauvre de la politique 
et de l’administration

C’est dire si le bilan de l’Etat, soit les dettes, les capitaux propres et l’ensemble des actifs – par conséquent l’ensemble du capital engagé –, représente le parent pauvre de la politique et de l’administration. Nulle part ne figure de manière véridique et appropriée («true and fair»), il n’y a donc aucune gestion basée sur un tel bilan. Cela signifie que nous, citoyens, ne connaissons ni la valeur de notre part dans la «coopérative Confédération», ni l’ensemble du cadre financier… Et nos mandataires de la politique et l’administration n’en savent pas davantage, puisqu’ils n’ont aucune base comptable pour prendre des décisions rationnelles et durables.

On ne peut pas gérer de manière efficiente en se référant à des comptes d’épicier sans connaître les véritables coûts. Déjà parce qu’on ne sait pas par où commencer. Les investissements sont alors reportés et des réductions de coûts sont réalisées de manière linéaire sur la gamme de produits ou prestations. Mais les produits et prestations ne sont pas systématiquement remis en question puisque les chiffres à disposition empêchent cette analyse.

Trop de capital immobilisé

Une organisation qui ignore son bilan a tendance à être trop capitalistique. Elle travaille avec une valeur ajoutée propre bien trop élevée et ne délègue pas assez à des tiers plus concurrentiels – souvent parce que mal calculé! Inconsciemment, elle ignore les conséquences des coûts engendrés quand il y a trop de capital dans l’entreprise. De nombreuses PME se souviennent encore de leur méthode de gestion des années septante, favorisant une grande valeur ajoutée avec, contrairement à aujourd’hui, des parcs de machines et véhicules gérés en interne et engendrant des coûts élevés. Le fait est qu’aujourd’hui, la politique et l’administration gèrent le secteur public de la même manière que les entreprises privées durant cette période. Et tout entrepreneur sait pertinemment qu’en 2017, aucune PME ou grande entreprise ne peut être gérée ainsi de manière économe sur le long terme.

Enormes réserves latentes

La Confédération et les cantons ont mené, au cours des dernières décennies, une gestion très capitalistique avec une forte valeur ajoutée interne. Sans compter qu’un substrat fiscal important a été épargné tout au long de cette période, cherchant surtout à réduire les coûts de la production des prestations, sans jamais vraiment répondre à l’exigence de «rationalité» exigée par la Constitution. Aussi longtemps que les autorités publiques ne remettront pas en question leur valeur ajoutée propre ou la formation de leur capital – et cela est possible uniquement en utilisant les instruments de gestion nécessaires – 
il existera encore d’énormes réserves latentes et un potentiel d’épargne tout aussi important.

Philipp Weckherlin, 
entrepreneur

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