Publié le: 10 novembre 2017

«Des stages et des rencontres»

Métiers techniques – Loraine Gfeller a trouvé sa voie. Après un apprentissage d’horlogère praticienne et un CFC d’horlogère 
rhabilleuse, elle explique ce qui la motive. Cette jeune femme n’exclut pas d’exercer un jour comme horlogère dans un autre pays.

Fille d’agriculteur, Loraine Gfeller a toujours eu l’envie de bricoler et de faire quelque chose de ses dix doigts. Lorsqu’elle est enfant, elle ne compte plus le nombre de fois où elle aide son père à réparer ou améliorer quelque chose à la ferme. Bonne élève, elle passe sa scolarité sans histoire. Elle est en section «maturité» en 11e année et la mécanique l’attire. Nous l’avons retrouvée quelques années plus tard et elle nous résume son parcours.

Dans sa classe de «matu», seuls deux ou trois élèves n’ont pas choisi les études et se sont dirigés vers l’apprentissage. Elle nous dit: «Je suis assez petite et n’ai pas beaucoup de force, mais je voulais absolument trouver un métier où je peux créer des choses, un métier technique. De plus, l’école n’avait pas un très grand attrait pour moi.» Tant ses parents que ses professeurs l’encouragent à trouver sa propre voie et pour elle, ceci passe par les stages.

Sans les gènes de la mécanique

Loraine fait des stages dans le domaine de l’horlogerie, ceci lui permet de combiner sa minutie et sa volonté de se diriger vers la mécanique. Elle précise: «Pour moi les stages ont été déterminants, ils m’ont permis de bien comprendre les différentes exigences du métier et de comprendre que le métier d’horlogère était fait pour moi». Une fois sa décision prise, la jeune femme cherche une place d’apprentissage pour son CFC de 3 ans d’horlogère praticienne. Si ce CFC peut être fait en entreprise ou à 100% en école (au CIFOM au Locle pour le canton de Neuchâtel ou elle réside), elle désire le faire en entreprise pour être directement intégrée au monde du travail.

Loraine signe son contrat d’apprentissage chez Vaucher Manufacture dans le Val de Travers où elle réside. Les cours théoriques prennent placent au CIFOM. La jeune femme est la première de sa famille à se diriger vers un métier technique, elle n’a donc pas les «gènes de la mécanique» (ou de l’horlogerie) depuis des générations dans sa famille… Et c’est tout à fait possible! Questionnée quant à la perception de son choix de métier par ses parents ou ses amis elle dit: «Les métiers de l’horlogerie ont une bonne image et je n’ai jamais eu de commentaire négatif pour avoir fait un tel choix.»

Le système de formation en Suisse permet d’évoluer par étape au fil des motivations et des possibilités. Le parcours de Loraine en est très représentatif. Une fois son apprentissage d’horlogère praticienne terminée, elle continue directement par un CFC d’horlogère rhabilleuse au sein de la même entreprise. Pour y parvenir, elle ajoute une année de formation à son cursus. Elle explique: «Je n’ai jamais eu de plan de carrière prédéterminé, mais des opportunités se sont présentées et je les ai saisies.» Elle signe ensuite chez Centagora comme horlogère sur complications.

Choisir son métier

Nous avons demandé à Loraine ce qui, selon elle, est le plus important dans le choix de son métier. Elle explique: «Il est indispensable de faire des stages et de rencontrer des gens du métier pour discuter avec eux. Ensuite, c’est bien de savoir dans quoi on s’engage, quelle est la durée de la formation et les possibilités d’évolution. Comme dans mon cas, je conseille vraiment de choisir un métier qui nous motive et ne pas choisir quelque chose par défaut.» Par rapport aux compétences nécessaires pour faire horlogère, elle cite principalement la minutie, la patience, la logique, l’organisation et 
la propreté. Après quelques mois comme employée et ne pensant pas forcément revenir aux études, Loraine discute avec ses collègues des différentes possibilités d’évolution de son métier. Elle décide de se lancer dans une formation de technicienne ES en microtechnique. Pour cette formation, la maturité professionnelle n’est pas demandée et la jeune femme se lance directement dans cette nouvelle formation de deux ans à plein temps au CIFOM.

La combinaison gagnante

Loraine a donc fait un apprentissage suivi d’un diplôme de technicienne. Elle précise à ce propos: «Aujourd’hui j’ai un poste au sein d’un département de recherche et développement et nous travaillons en étroite collaboration avec le laboratoire horloger. De par ma formation de base je comprends parfaitement les contraintes techniques et peux faire une passerelle avec un ingénieur qui n’aurait suivi qu’une formation académique.» M. Forster, directeur adjoint de l’école technique du CIFOM complète: «Le technicien est le super-horloger qui rend le développement de l’ingénieur industrialisable». Travaillant au sein d’une petite entreprise, la polyvalence de la jeune technicienne y est grandement appréciée, en cas de besoin elle peut aider les horlogers. Elle précise: «Ayant passée par toutes les étapes, je peux aller aider à la production ou au contrôle qualité. J’ai un métier passionnant, très varié et très intéressant.»

La technique pour les filles

Dans les métiers techniques, l’horlogerie a probablement encore une meilleure image que la mécanique, mais la gente féminine y est toujours largement sous représentée déjà lors des formations initiales et bien plus encore pour les formations supérieures. Lorsqu’elle a suivi sa formation de technicienne, Loraine y était en compagnie de deux autres femmes et de septante-sept hommes! Dans son poste actuel, il y a trois filles dans une équipe de quatre! Elle dit: «Il y a beaucoup de clichés, mais en réalité et dans les faits, il n’y a pas de différence due au sexe, certains sont plus ou moins soigneux ou organisés, mais c’est valable pour les filles et les garçons.»

Une motivation de battante

Passionnée de course à pied, de VTT, de ski de fond et de tir sportif, Loraine est une battante pour qui la compétition est une forte motivation. Elle veut toujours arriver à faire mieux et se surpasser. Elle admet d’ailleurs que si elle fait bien la différence entre ses loisirs et sa vie professionnelle, sa motivation de trouver toujours à faire mieux se retrouve dans son travail. «Ma carrière s’est développée un peu par hasard en fonction des opportunités que j’ai saisies. Aujourd’hui je m’éclate dans mon job, il y a toujours de nouveaux projets et je découvre de nouvelles choses en permanence.» Questionnée quant à sa vision de son métier de rêve dans cinq ans, elle conclut: «Je travaille sans cesse à m’améliorer et à aller de l’avant, mais pas sur un but précis de position ou de carrière. Avec ma formation technique de base et mon diplôme de technicienne, toutes les portes me sont ouvertes. Pour le moment je ne travaille que depuis une année et je dois faire mes expériences et augmenter ma pratique. Je me verrais bien faire un stage linguistique dans les années prochaines pourquoi pas en tant qu’horlogère dans un autre pays?»

Pierre-Yves Kohler

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