Publié le: 6 mars 2020

Douce France – à la ramasse!

RéFORMER – L‘Hexagone était autrefois une vraie puissance économique. Les chiffres parlent

d‘eux-mêmes: déclassement prévu en 2020. Le long voyage de la réforme du système des retraites

depuis 1991 témoigne de cette fabuleuse incapacité de la France à construire un consensus.

Le poète et chansonnier Renaud Séchan chantait: «Ils s’embrassent au mois de janvier, car une nouvelle année commence, mais depuis des éternités, l’a pas tellement changé la France…»

En revanche, sa situation économique et la santé de ses finances publiques, elles, se sont considérablement aggravées ces derniers temps. En 2010, la France était encore la cinquième économie mondiale et son PIB pesait 2651,7 milliards de dollars US. Un peu moins de dix ans plus tard, l’Hexagone se cramponne au sixième rang et son PIB augmente à une vitesse millimétrique (2780,7 mias). Entre-temps, le pays du Coq Sportif s’est fait dépasser par le Royaume Uni. Et en 2020, l’Inde lui brûlera aussi la politesse.

Dette publique: 100% du PIB

Les indicateurs convergent. En France, le taux de chômage atteint désormais 8,4% – 18,8% chez les jeunes. C’est supérieur à l’Union européenne (7,4%). La dette publique française représente près de 100% du PIB. C’est beaucoup plus que l’UE où elle atteint déjà la vertigineuse altitude de 87,9%.

Non seulement la population est moins bien lotie en termes d’emplois et d’endettement, mais elle perd également plus de pouvoir d’achat que dans les économies européennes. Le taux d’inflation de nos voisins (1,6%) est supérieur à la moyene des pays de l’UE (1,4%). (Suisse: de 0,69% en 2018 à 0,16% en 2019).

Grèce et France: même combat

De bien mauvais chiffres, mais c’est encore pire si on regarde le déve­loppement de la situation. Au cours des dix dernières années, toutes les économies européennes se sont améliorées – à l’exception de la Grèce et de la France. Ce que ces deux pays ont en commun, c’est non seulement leurs performances problématiques en matière de politique économique, mais aussi leur ratio élevé de dépenses publiques. En France, plus de 56% du PIB est imputable à l’activité des pouvoirs publics. La barre des 40% est déjà en soi considérée comme particulièrement problématique. Et c’est beaucoup plus que l’UE avec 47%.

Une importante partie du PIB français est attribuable aux dépenses de redistribution. Une grande tranche de 35%. Cette clé permet de comprendre la situation dans laquelle le pays s’est doucement enlisé. Le déclin, pardon, la glissade de la France s’accompagne d’une incapacité à dégager une bonne gouvernance économique permettant à l’Etat de se réformer. Le réveil est brutal, à l’image des grèves de fin 2019.

L’épineuse retraite à la question

Le président Emmanuel Macron a voulu remplacer les 42 systèmes de retraites des différentes professions par un système unique – plus transparent – et faire passer l’âge de la retraite de 62 à 64 ans. Une bonne idée à faire passer dans un contexte difficile (lire ci-dessous). Rappelons que certains groupes professionnels prennent actuellement leur retraite encore plus tôt. C’est le cas des cheminots: ceux qui ont commencé à travailler avant l’an 2000 peuvent partir à la retraite dès 52 ans. L’Etat français verse 3 milliards d’euros par an rien que pour les rentes de vieillesse des cheminots.

Par rapport au reste de l’UE, la France semble littéralement écrasée par son coûteux système de retraite: en 2017, les dépenses de l’Etat pour ce poste atteindront 13,4% du PIB. Par comparaison, seules la Grèce et la Finlande doivent affronter des ratios encore plus élevés, à 13,8% chacune. Car dans les pays de la zone euro, les retraites d’Etat coûtent en moyenne 10,7% du PIB. Suite aux grèves, le président Macron a dû adopter un profil bas. Conséquence: la situation reste inchangée.

En attendant un miracle

Or les retraites ne sont que l’un des nombreux chantiers que la France doit mettre en marche pour se reconstruire. Un droit du travail obsolète, un maquis de réglementations bureaucratiques, des interdictions d’activité et un relâchement des coûts de la réglementation semblent briser net dans l’œuf toute véléité de réformer l’économie française. Dans cette morne plaine, atteindre une croissance économique de 1% pour 2020 relèverait du miracle.

Henrique Schneider, usam Adaptation: JAM

Retraites et alternance: les bourbiers de la réforme de la prévoyance française

•1945, naissance du système de retraite par répartition instauré dans le cadre du régime général de Sécurité sociale et réformé à plusieurs reprises depuis sa création. Jusqu’en 1983, les réformes du système visaient à étendre l’assurance-vieillesse. A l’inverse, les réformes entreprises depuis un quart de siècle tentent de répondre au vieillisse­ment de la population et au déséquilibre financier des caisses de retraite.

•1991: à gauche! Le Livre blanc sur les retraites préconise d’allonger la durée de cotisation de 150 à 168 trimestres.

•1993: à droite! Deux ans plus tard, le Premier ministre de cohabitation Edouard Balladur, sous la présidence de François Mitterrand, décide de porter progressivement de 37,5 à 40 ans. Pour limiter la contestation, la fonction publique est dès le départ exclue du projet.

•1995: des grèves! En novembre, le Premier ministre Alain Juppé, sous la présidence de Jacques Chirac, présente un plan de redressement de la Sécurité sociale, comportant une réforme des retraites des agents de l’Etat et des services publics. Les fonctionnaires observent plusieurs jours de grèves. Trains et métros sont paralysés pendant plus de trois semaines. Finalement, toutes les mesures liées aux retraites seront abandonnées.

•1999: à gauche! Le gouvernement de Lionel Jospin crée le fonds de réserve pour les retraites dans le cadre de la loi de financement de la Sécurité sociale. Ce fonds a pour objectif de se préparer financièrement au «papy-boom». Il n’atteindra jamais les 152 milliards d’euros qui était l’objectif fixé pour en 2020 (2018: 32,6 milliards d’euros).

•2003: à droite! Jacques Chirac tente une réforme des retraites pour la fonction publique qui mise sur un allonge­ment de la durée de cotisation soit 40 ans en 2008, au lieu de 37,5 ans. Des millions de personnes défilent dans la rue contre le Plan Raffarin, la plus importante mobilisation depuis les grèves de 1995. Malgré tout, la réforme entre en application le 1er janvier 2004.

•2007: à droite! Nicolas Sarkozy s’attaque aux régimes spécifiques du service public (EDF, GDF, SNCF, RATP, Banque de France, etc.) et aux professions à statut particulier (clercs, élus et employés parlementaires). Pour ces derniers, la durée de cotisation passera progressivement de 37,5 ans à 40 ans en 2012. La réforme est menée avec diplomatie pour ne pas répéter l’échec de 1995. Les cheminots résistent puis obtiennent des mesures de compensation.

•2010: à droite! Eric Woerth, ministre du Travail RPR, met fin au principe de la retraite à 60 ans, héritage de François Mitterrand. Très impopulaire, la seconde réforme des retraites de la présidence Sarkozy provoque des manifestations massives et des blocages. L’âge de départ passe progressivement à 62 ans et respectivement 67 ans pour les taux plein (2022).

•2014: à gauche! Portée par la ministre des Affaires sociales Marisol Touraine, sous la présidence de François Hollande, cette réforme inscrit dans le temps le principe de l’allongement de la durée de cotisation pour l’obtention d’une retraite à taux plein. Cette durée est relevée d’un trimestre tous les trois ans de 2020 à 2035 pour atteindre 172 trimestres (43 ans) pour les générations 1973 et suivantes. Une des mesures emblématiques de cette réforme est aussi la création d’un compte personnel de pénibilité qui est instauré pour permettre à ceux qui exercent des métiers difficiles d’anticiper leur départ.

•2019: Macron tente sa chance. Le système universel par points suppose la disparition des régimes spéciaux et la fin du calcul des droits à partir du nombre de trimestres travaillés. L’âge de départ restera fixée à 62 ans, mais un âge pivot avec un système de décote/surcote doit inciter les Français à travailler plus longtemps. Forte opposition au projet (transports).(BFM/JAM)

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