Publié le: 8 septembre 2017

Décision autonome et performance

horaires de travail – Les modèles flexibles montent en force, même contestés. L’économiste Michael Beckmann ne pense pas que les contrôles d’absence influencent les employés paresseux.

Comment les stratégies RH agissent-elles sur les performances des collaborateurs? Le professeur Michael Beckmann, économiste à l’Université de Bâle, se pose la question depuis de nombreuses années. Il étudie les mesures qui donnent au collaborateur plus d’autonomie dans la gestion du temps de travail. Parmi les modèles, celui qui est basé sur la confiance et le télétravail (ou travail à domicile) permettent au collaborateur de décider quand et où accomplir leurs tâches. En arrière-plan, on trouve la notion de travaux à réaliser tandis que la notion d’occupation du temps tend à disparaître totalement ou partiellement.

Autonomie versus bonus

En soi, le télétravail est un instrument contesté. Nombre d’employeurs craignent en effet que cette marge de manœuvre soit utilisée à mauvais escient. «L’économie classique conçoit l’incitation par la motivation sous la forme de bonus, de primes ou de surveillance, explique cet économiste. Il y a au fond cette idée que l’être humain est un agent rationnel qui souhaite maximiser son profit. Pour Beckman, c’est un peu réducteur. «Il y a tellement de gens qui s’identifient à leur travail, qui exercent avec plaisir leur activité, ou le font par devoir.» Pour renforcer la motivation de ces acteurs, les entreprises doivent développer d’autres moyens. Selon lui, l’autonomie des collaborateurs contient de grands ­potentiels.

Ils travaillent 80 minutes de plus

Cette année, Michael Beckmann et un collectif d’auteurs ont fait paraître une étude sur la confiance dans le temps de travail. L’enquête montre que lors des contrôles sur les temps de travail, les collaborateurs ne travaillent pas moins, mais plus que nécessaire. En moyenne ­quatre-vingt minutes par semaine. «L’étude contredit de manière nette la crainte que l’absence de contrôles sur les temps de travail induisent de la paresse parmi les employés», souligne le chercheur. C’est le contraire qui prévaut: le fait de décider soi-même apparaît comme un facteur important de motivation pour les gens.

Crucial: la confiance mutuelle

La situation semble plus difficile pour les entreprises qui tentent de compenser une perte de maîtrise en instaurant un système basé sur des ­instruments de contrôle. Il est au contraire crucial, selon Michael Beckmann, de commencer par construire un rapport de confiance. C’est seulement par la suite qu’il devient possible de passer à des mesures d’autonomie. Il faut en effet que la confiance soit réciproque pour que les horaires souples et le télétravail fonctionnent. En revanche, le fait de se sentir surveillé peut détruire auprès des collaborateurs la capacité à se forger une automotivation.

Flexibilité et rentabilité

En dépit des critiques, le fait de travailler chez soi est une tendance qui monte. En Suisse aussi, le nombre de personnes qui renoncent au moins partiellement au bureau augmente, notamment chez ceux qui cherchent à concilier famille et vie professionnelle.

«L’importance que ces modèles souples ont pris est à mettre en lien également avec les changements dans la nature des activités», poursuit l’économiste bâlois. La concurence qui se renforce, les changements technologiques poussent les entreprises et les collaborateurs à plus de flexibilité. Ces derniers sont confrontés à des exigences de travail croissantes et à des réglementations plus flexibles.

L’autonomie non seulement a un effet positif sur les performances, mais les modèles de temps de travail flexibles sont également des instruments RH beaucoup plus rentables que les incitations financières. Les employés eux-mêmes économisent du temps et de l’argent, car souvent de longs tours de travail sont perdus. Et Michael Beckmann de conclure: «Si l’activité le permet, le télétravail et ces solutions flexibles génèrent une situation gagnant-gagnant.»

Olivia Poisson

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