Publié le: 15 décembre 2017

Gare à l’hyberbole réglementaire!

SOCIéTéS ANONYMES – Andrea Gmür (PDC/LU), Philippe Bauer (PLR/NE) et Pirmin Schwander (UDC/SZ) tirent la sonnette d’alarme avant la mise en œuvre de l’initiative Minder.

Journal des arts et métiers: A quoi sert une révision du droit des sociétés anonymes?

n Conseiller national Andrea Gmür: Nous avons besoin d’un droit des sociétés anonymes (S.A.) qui soit moderne, mis à jour et adapté à la réalité actuelle des marchés. En 2007 déjà et pour toutes ces raisons, le Parlement a reçu le mandat de lancer une révision de ce droit. A cela s’ajoute l’initiative populaire «contre les rémunérations abusives», également appelée «initiative Minder», du nom de son principal initiateur, le conseiller aux États Thomas Minder. Ce texte doit également être ancré dans la loi. Diverses tentatives de révision lancées au cours des dernières années ont échoué. Celle qui se trouve sur la table contient une solution modérée et mesurée.

n Conseiller national Pirmin Schwander: L’initiative populaire «contre les rémunérations abusives» a été acceptée par le peuple. Le Conseil fédéral l’a – comme le texte de l’initiative l’exigeait – traduite sous la forme d’une ordonnance en 2013 (NDT: «Ordonnance contre les rémunérations abusives dans les sociétés anonymes cotées en bourse, ORAb»). Le Parlement pourrait s’incliner et donc ne rien entreprendre. Toutefois, cette modification constitutionnelle doit être prise au sérieux et ancrée dans la loi. Nous ne pouvons laisser cela au Conseil fédéral, et ce point est valable pour les autres initiatives à venir.

n Conseiller national Philippe Bauer: Cette révision est urgente, non seulement pour moderniser et rendre plus libéral notre droit de la S.A., mais aussi pour enfin mettre en œuvre dans la loi, l’ordonnance Minder. A l’heure actuelle, ce texte

«les quotas liés au genre résument bien l’état d’esprit de cette révision.»

n’a été concrétisé que dans une ordonnance et cette partie de la révision est incontestable. Pour le surplus, la révision proposée n’est à mon sens pas suffisamment libérale.

Reste que la révision proposée souffre de surrégulation, notamment de nouveaux devoirs pour les conseils d’administration, ou par exemple de nouvelles prescriptions contre les entreprises du secteur des matières premières. Que pensez-vous de cela?

n Pirmin Schwander: Effectivement, le danger d’une hyperrégulation existe bien. En particulier le fait que la partie sur l’initiative Minder concerne également – et de manière exagérée – les PME. Et si l’on compare la proposition actuelle à celle de 2007, deux aspects ont été ajoutés: d’abord l’obligation pour les grandes sociétés cotées d’annoncer la représentation selon les genres au sein des organes dirigeants. Et en second, la mise en œuvre de la transparence dans le domaine des matières premières. Face à cela, le projet actuel offre un petit «sucre» aux sociétés par actions dotées d’une structure simple. Lors de la fondation, l’acte authentique serait aboli. Mais cette simplification à elle seule ne rend pas la proposition meilleure.

n Philippe Bauer: En plus de la prise en compte de l’ordonnance sur les rémunérations abusives, le conseil fédéral souhaite renforcer la loi au plan de la gouvernance au niveau «corporate». Ce faisant, le projet créera dans la pratique, une série de difficultés assez sérieuses. Pour les PME, cette réglementation, accompagnée d’innombrables prescriptions est inutile. Par exemple, si le projet était accepté tel quel, pratiquement toutes les sociétés anonymes devraient adapter leurs règlements d’organisation, sans que cela soit véritablement utile et moyennant d’importants surcoûts. De plus, les entreprises actives dans les matières premières devraient faire preuve d’une transparence accrue. Or, nous devons faire attention aux conséquences d’une surrèglementation sur une branche importante de notre économie. Une fois de plus, notre pays veut en faire plus que les autres. L’argument selon lequel nous pouvons corriger le monde entier est une fausse bonne idée. Nous risquons de mettre à mal nos conditions cadres en matière économique et notre économie libérale, avec des conséquences prévisibles sur notre bien-être. Un autre signe négatif que je ne veux pas envoyer concerne le quota de genre dans les conseils d’administrations. Cette exigence est l’exemple même d’une règlementation exagérée. Expliquer, convaincre et pas imposer.

«Notre pays veut en faire plus que tous les autres. Nous ne pouvons pas corriger le monde entier.»

n Andrea Gmür: Au début, j’étais aussi sceptique sur la question de savoir si une révision totale était nécessaire et si l’intégration de l’initiative Minder était réaliste. Entre-temps, je vois bien que nous avons une possibilité d’apporter certaines améliorations, par exemple des mesures qui favorisent une administration plus flexible, comme lors de la création d’une S.A. ou en cas d’augmentation du capital. Le droit des actionnaires en sortirait renforcé et c’est un autre point positif.

«Hors l’initiative ­Minder, rien de positif ne peut sortir pour les PME.»

Je suis pour ma part aussi sensible à la surréglementation. Je pourrais soutenir de nouvelles prescriptions pour le secteur des matières premières, dans le sens d’une contre-proposition indirecte à l’initiative «pour des multinationales responsables: protégeons les droits humains et l’environnement». Une initiative que je rejetterais au cas où un contre-projet raisonnable voyait le jour.

Comment les intérêts des PME peuvent-ils être défendus au mieux? Car au final, 99% des sociétés anonymes sont des petites et moyennes entreprises?

n Philippe Bauer: Très sincèrement, je dois vous dire que malheureusement, seule une partie infime du projet vise à libéraliser ou à déréguler. Il y a certes l’exemple mentionné plus haut de l’abolition de la forme authentique lors de la création d’une S.A. « simple ». Mais cette idée n’est pas très intéressante pour les PME qui devront de toute manière rechercher ailleurs les renseignements que le notaire devait leur fournir. De plus, cette simplification du droit ne pèse que peu face aux nouvelles règlementation. Il faut avant tout tendre à libéraliser notre système juridique et faciliter la vie des PME qui sont toutes créatrices d’emplois et de richesses dans notre pays.

n Andrea Gmur: Les intérêts des PME, tout comme ceux des entreprises cotées, seraient assurés au mieux si nous parvenions réellement et de manière générale à diminuer la quantité de réglementations, obtenir plus de flexibilité.

n Pirmin Schwander: Pour le bien des PME, qui ont souffert de l’augmentation de la bureaucratie en conséquence de cet état de fait, nous nous devons de limiter le plus possible cette révision liée à l’adaptation dans la loi de l’initiative contre les rémunérations abusives. Hors l’initiative Minder, rien de positif ne peut sortir pour les PME.Interview: En/JAM

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