Publié le: 14 décembre 2018

Genève: belle situation, mais perspectives incertaines

Le canton de Genève demeure très dynamique d’un point de vue économique avec un taux de croissance exceptionnel de 3,1% cette année et la création de quelques 4000 postes de travail (chiffres 2016, publiés en août 2018). Si l’on excepte le commerce de détail qui souffre de la concurrence frontalière, ainsi que des achats en ligne, l’ensemble des secteurs se déclare plutôt satisfait de la marche des affaires. La croissance devrait probablement ralentir l’an prochain, mais elle demeurera solide à 2%.

À la condition toutefois que la situation économique du canton ne se dégrade pas en raison de décisions politiques susceptibles de la remettre fondamentalement en question dans les domaines de la fiscalité, des charges salariales et des conditions d’exploitation des entreprises.

La nouvelle réforme fiscale des entreprises (RFFA), fédérale et cantonale, sera probablement soumise au vote en mai 2019. Si certaines PME avaient manifesté de la réticence à l’égard de PF 17, il semble que la nouvelle mouture recueille un plus large consensus avec son mix fiscalité-AVS. Certes, la question essentielle du taux relève du droit cantonal, et les travaux parlementaires ne sont pas terminés au moment de la rédaction de ces lignes. Le projet présenté par le gouvernement comprend un taux de 13,79% qui abaisse substantiellement la fiscalité des PME aujourd’hui imposées sur le bénéfice à 24,2%. Il a pour conséquence une augmentation raisonnable de la fiscalité des entreprises bénéficiant d’un statut fiscal, de telle sorte à éviter leur exode. C’est ce que l’on appelle un couple gagnant-gagnant.

L’enjeu est de taille pour Genève et pour la Confédération qui reçoit une part substantielle de la manne fiscale. Les entreprises internationales au bénéfice d’un statut, implantées à Genève, génèrent plus d’un milliard de francs de rentrées fiscales cantonales et communales, versent plus de 600 millions à la Confédération au titre de l’impôt fédéral direct (hors part cantonale) et procurent directement et indirectement plus de 60 000 places de travail. On aurait pu imaginer un large consensus politique pour préserver cette substance économique. Malheureusement, la gauche erre depuis longtemps sur ce projet auquel elle s’oppose et n’a aucune proposition sérieuse à faire pour l’emploi. Si le taux n’est pas adéquat, les places de travail disparaîtront de Genève au profit d’autres régions, comme le canton de Vaud qui fera entrer en vigueur sa réforme au 1er janvier 2019. De nombreuses PME avouent en catimini étudier les possibilités d’un éventuel transfert hors du canton pour demeurer compétitives, ne se comportant donc pas différemment des entreprises internationales qu’elles critiquent parfois…

La réforme cantonale prévoit une mesure compensatoire pour la petite enfance, avec un très léger prélèvement salarial (0,07% plafonné). C’est ce qui reste des propositions élaborées par les milieux économiques, projet qui n’a plus sa raison d’être avec les prélèvements salariaux prévus pour consolider l’AVS. À cela s’ajoute une initiative populaire qui veut introduire une limitation des charges de l’assurance-maladie à 10% du revenu du ménage. Le Conseil d’État s’est engagé dans le cadre de la RFFA cantonale à faire une contre-proposition parce que le coût de l’initiative – 450 millions – est totalement déraisonnable.

Une autre initiative populaire vise à introduire une assurance pour soins dentaires financée par un prélèvement paritaire sur les salaires. Si elle est acceptée, elle portera un double coup négatif aux PME. D’abord, en transformant les cabinets de dentistes, qui sont autant de petites entreprises, en de mini-établissements publics réglementés par l’État. Ensuite, en alourdissant les coûts du travail qui sont déjà parmi les plus élevés du pays par une contribution paritaire de 0,5%. Le peuple vaudois a bien compris ce danger et a refusé cette même proposition à l’hiver dernier.

On complétera le tableau avec l’opposition syndicale d’une autre époque concernant l’ouverture des commerces trois dimanches par an. Certes, ce type de refus n’est pas propre à Genève. Mais il prend d’autant plus d’acuité dans une région entourée par la France où des restrictions de cette nature n’existent pas et où les salaires sont loin des 23 francs minimums de l’heure que les syndicats proposent par ailleurs de généraliser par voie d’initiative.

En cette période de fêtes, la hotte de Chalande est bien remplie pour l’économie, mais elle contient plusieurs cadeaux empoisonnés. Espérons que Noël 2019 ne sera pas celui de la disette.

*Directeur général, Fédération des entreprises romandes ­(FER), Genève.

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