Publié le: 15 mai 2020

Grand calme avant la tempête

RESTAURATION – Tandis que les branches de l’accueil et les métiers de bouche jouent les cobayes pour cette deuxième phase de réouverture, on perçoit vite les enjeux et les facteurs réels (coûts, conditions-cadres) qui rendront la reprise réelle.

A la Gare de Fribourg, on se fait servir un café tranquillement, de manière presque recueillie et après avoir humblement fait la queue. Sur la consommation à l’emporter, on est déjà dans le domaine des petites habitudes qui reprennent.

Lundi: jour de fermeture

Quant à la restauration, on savait qu’elle allait jouer le rôle du gentil cobaye lors cette deuxième étape de la réouverture de l’économie. Et alors, ce qui s’est passé, tout le monde a pu le constater par le petit bout de la lorgnette.

A Genève, rapporte le quotidien «20 Minutes», le service de midi au Café de la Presse a été «pour le moins assez calme dans des salles aux tables espacées ou séparées par des panneaux en plexiglas». Circulez, car s’il n’y a pas grand’chose à voir, il y a encore moins à manger!

Au total, le phénomène tant attendu de l’ouverture partielle des restaurants aurait pu passer inaperçu sans le très grand battage médiatique qui l’a précédé, accompagné et suivi. Dans les associations professionnelles, les responsables un peu débordés par tant de visibilité rappelaient à bon escient que le lundi, – s’il est le premier jour de la semaine – est souvent aussi un jour de fermeture.

Mardi: il faisait moche…

Quid du jour suivant? Les températures ont alors chuté et plus personne n’avait envie d’aller prendre une mousse en terrasse.

Le mal est-il plus grave? Sans doute, s’enhardit «Le Temps», qui parle de «déconfinement des restaurants» – une terminologie qui étonne toujours l’observateur en poste à Berne. Le quotidien genevois basé à Lausanne rappelle que les établissements sont «à la peine» et l’illustre par le témoignage de «détresse» de Maria Alvarado, gérante et propriétaire d’un établissement au cœur de la Vieille-Ville: «Si l’activité ne reprend pas d’ici une à deux semaines, je vais me retrouver dos au mur, obligée d’emprunter encore ou de déposer le bilan», déplore-t-elle, soulignant qu’elle n’a pu trouver aucun arrangement avec son bailleur au sujet du loyer.

Si de nombreux établissements n’ont pas rouvert, c’est que les tenanciers hésitent encore. Parmi les établissements qui restent clos, certains ne peuvent tout simplement pas appliquer le concept de protection. GastroSuisse a pourtant établi des règles précises, répétées ad nauseam. Seule la clientèle assise est autorisée, avec quatre personnes au maximum par table – sauf pour les parents accompagnés de leurs enfants – et deux mètres entre chaque table. La traçabilité des convives est de mise: ils doivent (sur une base volontaire!) fournir leurs coordonnées, tandis que les gérants noteront la date et l’heure de leur venue. Ceci afin de reconstituer la chaîne en cas d’infection. Du savon ou du désinfectant devra être disponible à l’entrée des établissements. Ces derniers devront aussi protéger leur personnel et faire respecter la distance sociale (chariot de service, protections au comptoir, port éventuel d’un masque).

D’autres n’ont pas voulu rouvrir, par peur pour eux-mêmes ou pour leurs collaborateurs. Et non par paresse, soulignent-ils. Dans certains cas du côté romand, c’est la clientèle qui se montre pour le moins réfractaire à une ouverture prématurée, tout en rassurant les tenanciers sur le fait qu’ils reviendront bientôt.

Autorisations & Cie

Quelques terrasses étaient ouvertes. Certaines municipalités (Lausanne, Neuchâtel et d’autres villes où des projets sont encore à l’étude) ayant délivré des autorisations spéciales pour élargir ou agrandir ces surfaces.

Outre-Sarine, la réouverture des restaurants est perçue comme une aubaine pour tous les travailleurs qui, comme les jardiniers, s’activent à l’extérieur et sont très heureux de pouvoir enfin prendre un repas chaud à midi. En particulier vu la chute des températures.

Pour l’instant, ces mesures ne vont bien sûr pas améliorer la rentabilité souvent défaillante des établissements publics. Les marges sont minçolettes, ce n’est pas nouveau. En ouvrant avec la moitié des tables, si les restaurateurs ne rentrent pas dans leurs frais et ne font pas de bénéfices, ils pourront au moins conserver une partie de leur clientèle.

Compétitivité: chaud bouillant!

Le nerf de la guerre pour la restauration, comme pour l’hôtellerie et le tourisme, ce sera surtout de tenir le coup en tablant sur des conditions-cadres qui ne devraient absolument pas se péjorer. C’est pour cette raison que l’usam demande que l’on fasse très attention aux décisions prises en matière de politique du marché du travail: la demande d’assouplissement du temps de travail est un aspect important.

En plus des loyers, les salaires et cotisations salariales sont les facteurs déterminants dans la restauration. Et pour toute les PME, estime l’usam dans son programme d’action, tout doit être mis en œuvre pour éviter que ces coûts n’aug­mentent. D’une part, ils atteignent déjà des valeurs maximales en comparaison internationale; d’autre part, chaque augmentation réduit la compétitivité des entreprises. Une compétitivité dont elles vont avoir cruellement besoin.

Attention aux coûts sociaux!

Dans le domaine des assurances sociales en particulier, autre épine, il faut éviter toute nouvelle extension des prestations. Cela signifie, par exemple, qu’il faut renoncer à introduire des mesures de compensation onéreuses dans le cadre de la révision de l’AVS. La révision de la LPP ne doit, elle non plus, pas entraîner d’augmentations des cotisations salariales, ni introduire des suppléments de rente étrangers au système; ces augmentations et versements supplémentaires doivent être supprimés du projet.

Dernier point névralgique pour les métiers de l’accueil: l’assouplissement des heures d’ouverture des établissements et des ouvertures dominicales constitue également un principe important pour renforcer les conditions-cadres de l’économie dans toute la branche de l’accueil.

François Othenin-Girard

www.sgv-usam.ch/A4A_fr

royal fishIl s’amuse à voir ses clients

Renouer un contact personnel avec sa clientèle

Royal Fish continue de livrer en Suisse romande ses produits marins frais pêchés la veille. «Nous n’avons pas arrêté notre activité, explique Lorenzo Wiskerke, patron et fondateur. Cette crise m’a permis de renouer le lien personnel avec toute ma clientèle privée.»

Pour se retourner, après avoir mis au chômage partiel leurs collaborateurs, lui et son épouse ont acquis une machine à mettre sous vide qui permet de préparer des portions. Une solution très appréciée par les familles. «Nous avons donc un peu changé notre manière de travailler.» En parallèle, certains marchés sont restés inchangés. Les collectivités publiques, les EMS, les hôpitaux. Ce qui marche moins bien, raconte-t-il, ce sont les produits de grand luxe. En revanche les classiques se portent bien. Et ils représentent une bonne proportion des ventes. «Le saumon, le cabillaud, le turbot, la sole, ainsi que les produits fumés et marinés, les rillettes et terrines, tout cela cartonne.»

Il s’amuse à voir ses clients

L’état d’esprit? Entrepreneurial à 200%, comme d’habitude. «Je m’amuse beaucoup. Je continue de faire toutes les livraisons. Je suis de plus en plus proche de mes clients, rigole-t-il au téléphone. Et nous faisons d’une pierre deux coups, puisque nous en profitons pour proposer les fleurs de Royal Bloom, l’entreprise que ma femme Lois a créée il y a une année avec une boutique rue Marterey à Lausanne. Les fleurs et les poissons, cela va bien ensemble et les restaurants qui nous commandent des produits ont aussi souvent besoin de fleurs pour la décoration.»

Une telle synergie entre ces deux petites entreprises, on croit rêver. A cela s’ajoute l’ouverture d’un traiteur en poissonnerie à Lausanne. L’ouverture du The Fish Club avait été reportée à cause de la crise. En dépit de cet enthousiasme, la situation est tragique: «Cette crise est terrible cela pèse naturellement sur les comptes de bien des sociétés. Je pense que de nombreux clients ne vont pas pouvoir rouvrir dans la restauration. Mais j’espère que la consommation sera plus respectueuse, locale et favorisant les petits commerces de proximité .» OGI

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