Publié le: 2 juin 2017

Immobilier: durcir serait discriminatoire

lex koller – Le Conseil fédéral entend compliquer considérablement l’acquisition de biens immobiliers par des personnes 
à l’étranger. Or les investisseurs étrangers jouent actuellement un rôle dérisoire sur le marché immobilier suisse.

Le Conseil fédéral entend compliquer considérablement l’acquisition de biens immobiliers par des personnes à l’étranger. Dans le texte envoyé en consultation, les résidents de pays non européens devront ainsi demander une autorisation même pour les résidences principales. L’interdiction aux personnes de l’étranger d’acquérir des biens immobiliers commerciaux en Suisse est également mise en discussion. En plus de proposer des dispositions discriminatoires fondées sur de faux postulats, ce projet se profile en monstre bureaucratique. Selon le rapport du Conseil fédéral, la loi a pour but de limiter l’acquisition d’immeubles en Suisse par des personnes à l’étranger afin d’empêcher «l’emprise étrangère sur le sol indigène».

Ainsi, il souhaite revenir à l’esprit d’origine du texte et propose des règles plus strictes – bien qu’il y a à peine dix ans, le même organe exécutif proposait l’abrogation de cette loi en argumentant que le «danger d’une emprise étrangère» excessive sur le sol national avait disparu. Selon lui, la Lex Koller était une entrave au commerce de bien-fonds et donc un frein au libre marché. Mais au vu de la surchauffe immobilière qui suivit, le Parlement a renoncé en 2014 à faciliter l’acquisition de logements en Suisse aux personnes domiciliées à l’étranger. Même si l’idée séduisit la gauche, il y a à peine trois ans, le Parlement envoya un signal clair et refusa deux motions allant dans le sens d’un durcissement et ayant dans l’ensemble le même contenu que le texte mis en consultation. De plus, depuis 2015, la situation du marché a changé. Le marché des bâtiments commerciaux a faibli et des tendances similaires se dessinent sur le marché de l’immobilier locatif. On peut donc sérieusement remettre en question la légitimité de cette proposition du Conseil fédéral.

Monstre administratif obsolète

Le Conseil fédéral propose un catalogue de modifications et de sujets à débattre inutiles, dangereux et parfois absurde. En voici un exemple: depuis 1997, les ressortissants d’Etats tiers domiciliés en Suisse n’ont pas besoin d’une autorisation pour acquérir une résidence principale. Avec le durcissement de la loi, l’acquisition d’une résidence principale par un ressortissant d’un Etat qui ne fait pas partie de l’Union européenne (UE) ou de l’Association européenne de libre-échange (AELE) serait à nouveau soumise à autorisation, même dans les cas évidents. En cas de déménagement hors de la Suisse, ceux-ci se verraient de plus dans l’obligation de revendre leur logement dans les deux ans. Gardons en tête que le nombre de nouveaux ressortissants d’Etats tiers arrivant en Suisse est aujourd’hui déjà limité et sera encore plus réduit avec l’application de l’initiative sur l’immigration de masse. De plus, très peu d’entre eux décident d’acquérir un bien immobilier. Enfin, de nombreux ressortissants d’Etats tiers quittant le pays revendent leur bien immobilier de leur propre initiative lorsqu’ils partent afin d’en acquérir un autre dans leur nouveau lieu de résidence. Il est absolument contradictoire de justifier cette révision par une volonté de simplification administrative et de truffer le projet de dispositions discriminatoires qui alourdissent considérablement la charge administrative.

Le Conseil fédéral met également en discussion l’interdiction aux personnes de l’étranger d’acquérir des biens immobiliers commerciaux ou encore l’abrogation du droit pour les investisseurs étrangers d’acquérir des actions des sociétés immobilières suisses cotées en bourse.

Quid du libre accès au marché ?

Les propositions faites dans ce projet de durcissement sont couteuses, non appropriées et fondées sur de fausses suppositions et interprétations: le postulat selon lequel les investissements étrangers poussent les prix à la hausse sur les marchés locatifs est faux. Les investisseurs étrangers jouent actuellement un rôle dérisoire sur le marché immobilier suisse. Le marché suisse est au contraire dominé par des investisseurs nationaux. Il s’agit d’envoyer un message clair au Conseil fédéral: ce projet est inutile, dangereux, n’a pas de légitimité politique, est discriminatoire envers les étrangers et est de plus incompatible avec les accords de libre-échange signés par la Suisse.

Hélène Noirjean

Responsable aménagement du 
territoire, agriculture et commerce

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