Publié le: 12 août 2022

Indépendance, compétence, flexibilité

ACTIONNARIAT FAMILIAL – Grau Électricité résiste aux tentatives de reprise par des groupes étatiques et étrangers. Avec plus de 80 colla­­bo­­rateurs, dont certains sont restés fidèles durant des décennies à cette famille et à une jeune équipe diri­­geante.

L’entreprise Grau Électricité fête cette année ses 100 ans d’activité dans le domaine de l’électricité. Cette PME compte deux magasins d’électroménager à Aigle et à Monthey et s’active dans les installations électriques, la domotique, le photovoltaïque, l’éclairage, les contrôles OIBT des installations électriques, la télématique, les bornes de recharges. Sans oublier l’électroménager. En mains de la famille Grau depuis quatre générations, comme le rappelle la directrice actuelle, Géraldine Grau.

JAM: La pression est toujours aussi forte pour les rachats dans votre branche?

Géraldine Grau: Oui, nous sommes approchés par des groupes étatiques et étrangers qui convoitent les entreprises familiales de cette importance dans le secteur électrique. Rester une entreprise familiale dans ce nouveau contexte économique impose quotidiennement l’acquisition de nouvelles compétences techniques et commerciales. Nos concurrents se font racheter les uns après les autres. Les PME craignent les entreprises étatiques et étrangères qui fournissaient et distribuaient l’énergie électrique et qui, depuis la libéralisation partielle du marché de l’électricité, sortent de leur core business pour attaquer le secteur des installations électriques intérieures. Il serait facile de choisir cette solution et d’intégrer un groupe qui dispose de financements «publics» appuyé par certains politiciens.

Alors, pourquoi ne pas céder à ces sirènes?

Nous avons fait ce choix il y a longtemps déjà, de rester indépendant. Coûte que coûte, car notre devise, c’est «la liberté se gagne avec les compétences et la sueur» (rires). Nous avons reçu plusieurs offres mais les avons toutes déclinées. Mon père était président des électriciens valaisans et nous sommes plutôt connus dans le paysage pour avoir osé décrier une forme de concurrence que nous estimons déloyale.

Comment se porte le marché des affaires en cette année de 100e anniversaire?

Le marché est très tendu et nous croulons sous le travail. Nos collaborateurs qualifiés sont au four et au moulin. De plus, l’approvisionnement des matériaux se complique de semaine en semaine.

Sentez-vous la pénurie de main d’œuvre?

Très fortement. À cela s’ajoute que de nombreuses personnes ont changé de point de vue sur le travail durant la pandémie et ne veulent plus travailler à 100% ou préfèrent se réfugier dans des postes plus «planqués».

Trouvez-vous des apprentis?

Oui, nous en avons chaque année environ une vingtaine et heureusement, toutes les places sont déjà prises pour l’année prochaine. Nous n’avons jamais de peine à en trouver, c’est probablement dû à notre ancrage local et à la bonne image de notre entreprise. Nous organisons aussi des stages pour des jeunes tout au long de l’année. En août, nous en aurons six nouveaux.

Un centième anniversaire dans ce contexte, c’est un peu chaud?

Oui, mais tout roule. En juin, nous avons organisé une journée avec nos collaborateurs et leurs familles. C’était sympa! En septembre, nous organisons un événement avec nos clients et une journée porte ouverte à Monthey. Depuis le début de l’année, nous faisons bénéficier à nos clients chaque dix du mois d’une action choc à 100 francs sur divers produits dans nos magasins. Le but étant de présenter les différentes facettes de notre métier qui évolue tellement vite. Cela demande de grands efforts d’adaptation et il faut s’investir pour trouver de bons filons.

Vous êtes née dans ce monde: est-ce facile de s’intégrer aux chantiers et à ces métiers d’homme?

Oui, parce que c’est quelque chose que j’ai toujours eu envie de faire. Je ne me serais jamais vu faire autre chose, ni avant, ni maintenant. Je rentrais de l’école et je filais à l’entreprise voire mon père qui la dirigeait et ma grand-mère qui était encore au magasin. Certains collaborateurs ont travaillé avec trois générations. Ils ont été engagés par mon grand-père, on fait leur carrière avec mon père puis j’ai travaillé avec eux sur les chantiers lorsque j’apprenais mon métier.

Comment les passages entre générations se sont déroulés?

Mon grand-père a pris sa retraite à 65 ans pour faire plus de tennis et s’occuper de son chalet à Morgins. Mon père a également quitté l’entreprise à 65 ans pour s’occuper d’autres sociétés. C’est une vraie chance que cela se soit toujours bien passé. Et que l’on m’ait laissé faire les choses comme je le voulais. Mon père me disait: «Fais et puis tu verras!». J’ai pu apprendre de mes propres expériences.

Comment le style de management familial a-t-il évolué en un siècle?

Mon père avait une forte autorité naturelle avec un style paternaliste. Aujourd’hui, c’est plus tendre comme approche, il faut dire que je suis maman de deux petits garçons et que les générations changent... Cela le fait sourire. On est manager ou on ne l’est pas et même si j’ai un bachelor de la HES-SO en gestion d’entreprise, je pense que j’avais ça dans le sang. C’est une question de tempérament.

Interview: François Othenin-Girard

actifs dès 1907

Histoire d’une PME et de quatre générations

L’entreprise est officiellement fondée en 1947 par Robert Grau et son épouse Antoinette. Il officialise ainsi l’activité initiée en 1907 par son père, Charles Grau, électricien et entrepreneur avant l’heure, à une époque où la formation professionnelle n’existait que «sur le tas», Charles Grau a collaboré à la construction de la première centrale électrique de Monthey, dont les ruines sont encore visibles dans les gorges de la Vièze. C’est lui aussi qui a installé l’électricité dans plusieurs bâtiments de Monthey dont l’église paroissiale et le Vieux collège ainsi que les premiers éclairages publics de la ville. Mais décédé prématurément, il n’a pas pu transmettre directement son entreprise à son fils, alors trop jeune. Il aura donc fallu quelques années de transition avant que Robert Grau puisse reprendre les rênes de l’entreprise. En 1980, la direction passe dans les mains de la troisième génération avec Philippe Grau, soutenu par son épouse Marcienne et associé à son frère Christophe. L’entreprise continue de se développer, notamment dans le Chablais vaudois, et ouvre, en 2001, un deuxième magasin d’électroménager dans le centre-ville d’Aigle. En 2015, Philippe transmet le flambeau à sa fille Géraldine qui est épaulée par son frère Nicolas, son cousin Stéphane et avec des cadres fidèles. L’entreprise compte actuellement plus de huitante collaboratrices et collaborateurs.»

GĂ©raldine Grau

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