Publié le: 1 juillet 2022

J’aime la pub!

Vous vous souvenez du jeu vidéo «Second Life»? C’était ce metaverse avant l’heure, lancé en 2003, mal fichu et moche, mais massivement en ligne. Vous vous promeniez dans un monde fade, gris et tout carré, pour rencontrer des avatars qui partageaient ces mêmes qualités. On s’y ennuyait sec. C’était une espèce de paradis de sobriété. Lors d’un voyage en (ex-)République soviétique de Biélorussie, nous nous étions fait la réflexion de la grande ressemblance de Minsk avec ce jeu.

Un des points communs? L’absence de publicité. À Minsk, les quelques posters à la gloire de Loukachenko ne suffisent pas à cacher la grisaille du béton armé et l’architecture totalitaire héritées de l’ère communiste. Personne pour nous vendre du Coca-Cola, des assurances et des hamburgers. Le résultat était d’une tristesse affligeante, dépaysante.

Or, lorsqu’il s’agit de partager une mauvaise idée, l’extrême gauche suisse répond en principe toujours à l’appel. C’est ainsi que dans la très modérée citée de Calvin, le soviet suprême a décidé d’ajouter à sa liste interminable des choses interdites, celle de la publicité. Enfin, pas toute la pub. Il y a la bien, celle pour les choses sympas, acceptables (la culture et le sport), et la méchante publicité, celle pour des choses aussi inavouables que le commerce.

Ainsi, bientôt, à Genève comme à Minsk, ne seront placardées que la propagande dûment validée par l’autorité. On a hâte.

Quelle ironie que de voir l’une des villes les plus friquées du monde se targuer d’être au-dessus des basses contingences de l’argent. Genève étant la belle ville que l’on connaît, elle ne se transformera pas dans l’immédiat en l’alignée de blocs de béton dont je parlais plus haut. Mais l’intention y est, la preuve par les arguments des initiants.

Libérer les villes de la publicité permettrait de lutter contre une «pollution visuelle». La publicité nuirait ainsi à la qualité du paysage et de l’urbanisme. Uni Dufour et le Lignon seront ainsi probablement mieux mis en valeur sans d’affreuses affiches commerciales. Il faudrait peut-être penser à placarder des portraits des membres de l’exécutif à Plainpalais, pour parfaire la référence culturelle.

La pub servirait aussi le grand capital, la surconsommation et le réchauffement climatique. C’est selon. Mais ce qui est sûr, c’est que Genève ne restera pas Genève très longtemps s’il elle entend vraiment tourner le dos à l’horrible modèle économique qui l’a faite. Peut-être qu’arrêter la pub constituera un premier pas vers la paupérisation de la ville du bout du Lac, ce qui ne fera certainement pas le beurre des Valaisans qui comptent sur la péréquation financière.

Enfin, la publicité fragiliserait le tissu économique dès lors que toutes les entreprises ne peuvent pas s’en offrir. Appliquée au sport, il faudrait interdire le marathon pour soutenir les faibles qui ne parviennent pas à boucler 42 kilomètres de footing. Tous égaux dans la médiocrité, c’est porteur.

Vous l’aurez compris, je ne goûte peu à cette nouvelle interdiction, pas plus qu’aux précédentes d’ailleurs. À l’inverse, on peut défendre la publicité. Reconnaître qu’elle est parfois lourdingue, mais aussi souvent amusante. Peut-être quelques lecteurs se souviennent de l’émission «Culture Pub» sur M6: la réclame fait partie de notre monde et nous fait parfois même rire, ce qui est bon pour la santé.

J’aime la pub. Imaginer que c’est devenu politiquement incorrect de le dire, ça m’attriste. Et franchement, si les budgets publicitaires pouvaient continuer à être consacrés à créer de belles affiches, conçues par des agences professionnelles, avec de bons photographes et des graphistes professionnels, plutôt qu’être redirigés dans du spam et des annonces bien vilaines pour smartphone, le choix est vite fait. Et c’est pour le bien de tous.

*conseiller national (PLR/VS)

philippe@blorange.com

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