Publié le: 6 juillet 2018

Je vais devoir vous réveiller!

champéry (suite de la p.20) – Le mardi, les discussions ont porté sur les enjeux liés à la 
numérisation, la formation et la création d’entreprises. Le rendez-vous est pris pour 2019.

Le lundi soir, les invités ont été conduits en autocar à la Cantine sur Coux, où un apéritif leur fut servi sur la terrasse face aux Dents du Midi, une vue à couper le souffle sur toute la vallée. Le repas sous une grande tente montée pour l’occasion permit à chacun d’échanger et de prolonger cette soirée, qui se termina en beauté par un gigantesque feu d’artifice. Un feu qui n’avait pas pu être tiré l’an dernier à Verbier (50e) en raison d’une météo défavorable.

Le lendemain matin, Aline Isoz, conférencière bien aguerrie et experte en transformation digitale, s’est permis de secouer les endormis et les dogmatiques: «L’illusion, c’est quand on a l’impression que la maîtrise technologique, implique celle d’un métier. Aujourd’hui, des entreprises font réaliser leur logo pour 50 dollars en Inde. Ou bien elles lancent un concours d’idées ... Bonjour! Je sens que ça va être difficile de vous réveiller ce matin ...»

«On parle d’agilité, de flexibilité, de profils atypiques, de gens qui ont échoué – même en Suisse!»

La Valaisanne rappelle que cette transformation sera visible partout, dans l’éducation, l’agriculture, les transports − Google vendra bientôt des billets de bus. L’administration sera digitalisée. Et ce ne sera pas la fin des problèmes, car «un processus de m ... qui est numérisé reste un processus digitalisé de m ...».

Et puis, il y a les nouvelles générations. «On parle d’agilité, de flexibilité, de profils atypiques, de gens qui ont échoué – même en Suisse, vous réalisez! Des gens qui visent l’épanouissement personnel! Car rien dans le numérique n’empêche la curiosité, l’initiative, la persistance, l’adaptabilité, la résilience, le leadership. Et même la conscience sociale et culturelle.»

Marie-Hélène Kolly Bielmann, Institut agricole de l’Etat de Fribourg, a commenté les enjeux du numérique dans l’agriculture. «Les modes de consommation changent. La nourriture est la new pop. Mais que produire en Suisse pour répondre à ces besoins? Comment passer de la chimie et des pesticides, aux petits robots et au sarclage? En renforçant les compétences des agriculteurs, pour qu’ils fassent différemment de grand-papa et de papa. Leur apprendre aussi à bouger sur des marchés qui changent.»

Dans la formation, Jean-Marc Tassetto a créé Coorpacademy SA en 2013 sur le campus de l’EPFL, avec des filiales en France et au Royaume-Uni. «Nous sommes soixante et vendons du transfert, de l’impact. Nous avons 800 000 apprenants dans dix-huit langues. Aujourd’hui, on voit les jobs disparaître, mais moins bien ceux qui vont apparaître. A l’avenir, le collaborateur sera responsable de son employabilité. On fera du micro-learning sur la place de travail, on profitera des interstices pour acquérir de nouvelles compétences. On jouera aussi − Piaget et Montessori ont démontré l’importance du gaming dans l’apprentissage.»

«préformer les jeunes pour qu’ils recrachent ce qu’on leur a dit de faire? J’étais choqué.»

Et avec Bernard Schumacher, philosophe, nous voici plongés dans une crise redoutable, lourde de graves conséquences mondiales, paraphrasant Martha Nussbaum, philosophe américaine. «Une telle crise pourrait être sur le long terme bien plus dévastatrice pour l’avenir d’un gouvernement démocratique.» Le sage fribourgeois jette un constat lucide sur cette nouvelle génération qui ne veut pas courir du matin au soir comme des rats. «La finalité, m’a dit un directeur de collège, c’est de préformer les jeunes pour qu’ils recrachent ce qu’on leur a dit de faire. J’étais choqué.» Le philosophe distingue d’une part l’efficacité (recracher), de l’autre le sens (éduquer, ruminer). «Donnez-vous à votre collaborateur la capacité de penser? Ou seulement d’appliquer comme un robot. Mais pour cela il faut perdre du temps, lever le nez du guidon.»

Ce fut ensuite le tour des créateurs d’entreprises. Grégory Grin, directeur Fri Up, «crée une entreprise parce que l’on a identifié un besoin, pour créer de la valeur pour ses clients, si possible de manière unique». A ses yeux, il faut vivre très tôt sur le terrain et faire des essais, sentir la résonance. «Puis construire un projet et demander des moyens au lieu d’en rester au business plan.» Dans sa démarche, il valorise le partage, l’écosystème. «On est tous quelque part une clé de voûte pour quelqu’un qui crée une entreprise.»

Antoine Lorotte, FiveCo, est un créateur qui a commencé avec un projet pour Expo.02 appelé Robox. Puis il y a eu le projet Raptor, vendu à Hublot: «C’était un socle présentoir pour une montre, mais sans cloche en verre et sachant protéger la montre en rentrant cette dernière dans son socle en une fraction de secondes.»

La suite? «Nissan a présenté un véhicule ZEOD hybrid et notre projet concernait la recharge rapide des batteries.» Lorotte poursuit avec un coffre à cigares totalement autonome qui récupère l’eau ambiante. Et conclut avec une tablette permettant de gérer la fraise d’un dentiste. «C’était un gros projet. Bref, nous existons depuis seize ans et tout va bien.»

«Comment passer des pesticides aux petits robots?»

Barbara Lax, Little Green House. «J’ai travaillé douze ans chez Caterpillar dans la stratégie. L’impact sur la société me manquait. J’ai eu envie de créer une crèche multilingue pour la prochaine génération, visionnaire, avec une ouverture d’esprit pour que les enfants apprennent plusieurs langues en immersion, le français, l’anglais et l’allemand. Nous avons l’une des croissances les plus importantes en Suisse, près de 140 employés et une vingtaine d’apprentis. De nouveaux marchés s’ouvrent à nous.»

Et pour terminer, un inventeur, Lino Peverada. PMF-System fabrique du mobilier sur mesure et très ergonomiques, adapté aux entreprises: des tables de montage, des systèmes de stockage, des podiums. «Nous accompagnons nos clients puis livrons en kit. On est très réactif. J’ai breveté un système de pièces qui s’emboîtent. Nous pouvons tout faire et configurer et c’est modulaire.» Le Tessinois a commencé dans un, puis deux garages. «Le début était très difficile, voire humiliant. «Le mot start-up est utilisé comme repoussoir. En 2016, nous avons gagné le prix innovation du canton de Fribourg. Nous sommes basés à Marly au Marly Innovation Center. Le montant d’aide que nous avons reçu jusqu’ici est de zéro francs. Nous avons une croissance organique et tout va bien.»JAM

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