Publié le: 10 août 2018

Jouons nos cartes, restons fermes!

centre patronal – Dans la bataille commerciale mondiale, la Suisse doit défendre 
ses intérêts, ne pas conclure des accords à n’importe quel prix et améliorer ses 
conditions-cadres. Le commerce dépend de plus en plus de purs rapports de force.

La bataille commerciale mondiale est au cœur de l’actualité. Cette 
bataille sur plusieurs fronts (USA versus Chine, UE, Canada-Mexique, Iran, etc.) a certes été initiée par le 45e président des États-Unis d’Amérique pour plaire à son électorat ou soigner l’allié traditionnel qu’est 
Israël face à l’Iran. Mais aussi et surtout parce que les États-Unis et la Chine sont désormais en compétition ouverte pour la suprématie mondiale à l’horizon 2030. De fait, les deux superpuissances du Pacifique se font face sur tous les fronts: commerce mondial, course aux 
armements, course aux nouvelles technologies et luttes d’influences.

Cette bataille d’un nouveau genre se traduit par l’affaiblissement de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Or, les principes fondateurs de l’OMC sont l’ouverture des frontières, la garantie de la 
nation la plus favorisée (traitement non discriminatoire), ainsi qu’un 
engagement de transparence dans la conduite des activités.

Cet affaiblissement de l’OMC et la tendance à ce que le commerce mondial dépende de plus en plus de purs rapports de force est contraire aux intérêts de l’Union européenne (UE) et de la Suisse. En ce sens, on rappellera que notre pays a beaucoup bénéficié et continue à bénéficier du libre-échange, en gagnant près d’un franc sur deux à l’étranger.

Les principaux blocs commerciaux ont le vent en poupe

L’actualité très récente (notamment la rencontre entre MM. Trump et Juncker) a démontré que l’UE ne peut pas entrer en conflit commercial direct avec les États-Unis. En effet, un tel conflit menacerait l’existence de branches économiques clé, comme l’industrie automobile allemande par exemple. De plus, les deux blocs États-Unis/UE représentent 60% du PIB mondial, 33% du commerce mondial des biens et 42% du commerce des services.

Au niveau suisse, le Conseil fédéral négocie difficilement un accord institutionnel ou d’accès au marché avec l’UE, de loin notre principal client et fournisseur. Par ailleurs, nous devons compter désormais avec le fait que le «bloc commercial UE» négocie de fructueux accords de libre-échange avec d’autres blocs commerciaux. Tel est déjà le cas avec le Japon, par le biais d’un très récent accord de grande portée et, potentiellement, avec une grande partie des pays d’Amérique du Sud (Mercosur). Une réactivation d’un grand traité de libre-échange transatlantique avec les États-Unis est également envisageable.

En d’autres termes, la politique commerciale proactive de notre pays est copiée par l’UE qui, parfois, obtient davantage que la Suisse (accord UE-Japon). Sans parler du fait 
que d’autres blocs commerciaux cherchent à commercer davantage entre eux, tels les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud).

La Suisse doit valoriser 
ses avantages concurrentiels

À l’heure de la bataille commerciale mondiale, qui se double d’une difficile négociation avec l’UE, le Conseil fédéral doit continuer plus que jamais à défendre les intérêts de notre pays. Il s’agit cependant de ne pas se faire d’illusions sur les rapports de force, comme la problématique de sanctions US à l’encontre d’entreprises suisses qui continueraient à commercer avec l’Iran l’a démontré. La négociation d’un possible accord institutionnel avec l’UE doit ainsi être menée jusqu’au bout, quitte à ce que cet accord ne soit pas signé ou ratifié, du fait de la mise en cause de «lignes rouges», ou d’un vote populaire en réaction à la mise en cause de telles lignes. Par ailleurs, le Conseil fédéral doit suivre la conclusion d’accords entre blocs commerciaux et poursuivre ses efforts en vue de conclure de nouveaux accords bilatéraux Suisse/AELE-«monde hors UE».

La Suisse devrait proposer 
une réforme de l’OMC

Par contre, il est exclu pour n’importe quel pays, à commencer par le nôtre, de conclure des accords de commerce international à n’importe quel prix. En ce sens, nous relevons qu’une large majorité du Conseil national vient de rejeter une stratégie agricole comprenant un renforcement du libre-échange (lien avec un accord Suisse-Mercosur). Cela posé, il faut être conscient qu’une certaine indépendance politique peut avoir un coût économique non négligeable, avec tout ce que cela implique sur l’emploi et la redistribution sociale. Par conséquent, il est du devoir du Conseil fédéral et du Parlement de veiller plus que jamais à ce que notre pays bénéficie de conditions-cadres favorables, indépendamment de tout nouvel accord commercial.

«Il s’agit cependant 
de ne pas se faire d’illusions sur les rapports de force.»

Il s’agit donc de réformer au 
plus vite la fiscalité fédérale des entreprises et de poursuivre le 
développement de nos infrastructures, par définition non délocalisables.

Enfin, la Suisse, pays hôte de l’OMC, devrait proposer une réforme de cette dernière, dans le but de préserver le plus possible le multilatéralisme en matière commerciale.

Patrick Eperon, 
Centre Patronal

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