Publié le: 6 novembre 2020

l’édito

L’économie n’est pas un Big Band!

Un Big Band, c’est chic et ça swingue! C’est à la fois assez grand pour combler le vide sonore de toute une pièce et assez petit pour se charger de la musique de fond. Le chef choisit les standards – l’orchestre les exécute. Et au besoin, il interrompt sa prestation le temps d’un discours ou pour saluer le public.

Dans votre cinéma intérieur, imaginez Count Basie ou le Lucernois Hazy Osterwald au son de leur répertoire favori. C’est chouette! Par les temps qui courent, certains oublient que l’économie ne fonctionne pas de la même manière! Qui songerait même à comparer l’économie à un orchestre de jazz? Personne, bien sûr. Mais les propos tenus durant cette crise sanitaire montre que les médias, la classe politique et certains économistes la conçoivent ainsi.

La conception de l’économie qui émerge des discours sur le Covid-19 fait penser à un tel orchestre. On y voit les entreprises réaliser une série de tâches qui leur sont assignées par un directeur. Comme le chef d’orchestre, ce directeur peut tout arrêter d’un simple coup de sa glorieuse baguette. Et remettre la musique de l’entreprise en marche – à sa guise.

Quelle contradiction entre cette image et la vraie nature de l’économie qui n’est ni dirigée, ni planifiée. Contrairement à un orchestre bien conduit et compétent, l’économie est une dynamique décentralisée. Les entreprises créent constamment de nouveaux domaines d’activité. Elles ne s’en tiennent pas à ce qui a été fixé sur les partitions ou arrangé avec un chef. Du reste, elles n’attendent pas d’ordres. S’il leur arrive de coordonner leurs efforts, c’est uniquement lorsque la situation l’exige. Et que le résultat obtenu leur permet de tirer un avantage de cette coopération. Enfin, personne ne joue selon une mélodie prédéterminée et chacun travaille plutôt selon son propre rythme.

Cette dynamique décentralisée est un mécanisme d’auto-renforcement. C’est le plus important: les entreprises réagissent les unes aux autres. Dans un processus concurrentiel, chacune essaie de créer du nouveau. Si la dynamique d’ensemble faiblit, cela peut se traduire par des crises économiques et du chômage.

Ceux qui réclament aujourd’hui à cor et à cri un verrouillage se trompent donc sur ce point. Vous ne pouvez pas simplement ordonner l’arrêt de l’économie pour la relancer plus tard, sans briser son élan. Car une fois cet élan évanoui, il devient très difficile de le retrouver – impossible même, diront certains.

Pour conclure, l’économie n’est donc pas un grand orchestre doté d’une gestion centralisée et d’un programme bien planifié. Il s’agit d’un processus de création tout en souplesse et en créativité. L’idée selon laquelle on pourrait interrompre le processus aussi simplement qu’en donnant un seul coup de baguette est fausse. Interrompre la représentation de toute l’économie conduirait à des conséquences désastreuses pour toute l’économie. Sans parler du prix et des immenses dommages.

Un deuxième verrouillage coûterait plus de 100 milliards de francs. C’est pourquoi nous devons absolument tout faire pour l’éviter. La situation actuelle est déjà intolérable. Il reste qu’à moyen terme, la Suisse devra revenir à la normale. La dynamique décentralisée s’est déjà ralentie et d’ores et déjà, même sans une deuxième fermeture, il ne sera pas facile de relancer le tout. L’économie n’est pas un orchestre. Si la musique s’arrête, nous sommes tristes. Mais si l’économie devait stopper, notre problème serait existentiel.

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