Publié le: 1 juin 2018

«La force du marché»

Gregor rutz – Le parlementaire zurichois estime 
que le subventionnement des médias est monté en force. Ce qui selon lui porte atteinte à leur crédibilité.

Journal des arts et métiers: Selon la Commission des transports et des télé­communications du Conseil des Etats, l’ATS percevra à l’avenir des redevances. Pourquoi vous y opposez-vous?

Gregor Rutz: C’est une évolution dangereuse que nous subventionnions le secteur des médias avec de plus en plus de fonds publics. Ceci crée des dépendances. Dans une démocratie libérale, il est crucial que les médias soient indépendants de l’Etat. L’ATS est une entreprise privée, ne l’oublions pas! Leurs actionnaires doivent développer des scénarios d’avenir qui tiennent la route.

«DANGEREUX DE 
SUBVENTIONNER LES MÉDIAS AVEC 
DE PLUS EN PLUS 
D’ARGENT PUBLIC.»

N’est-il pas logique que l’Etat soutienne le journalisme «sérieux»?

Le journalisme est «sérieux» lorsqu’il est indépendant de l’Etat – c’est-à-dire indépendant en termes de contenu, mais aussi financièrement. Le soutien aux médias est une question très délicate. D’ailleurs, il n’existe pas de base consti­tu­tionnelle pour cela et donc pas de compétence fédérale.

La presse écrite, en particulier, est soumise à une pression massive. N’est-ce pas le rôle de l’État de promouvoir les médias individuels?

Comme je l’ai dit, les subventions créent des dépendances financières. Bien sûr, la presse écrite est sous pression. Mais en même temps, nous ne pouvons pas soutenir la SSR avec des fonds publics et ensuite soutenir toute la presse écrite avec les mêmes fonds, juste parce que la SSR est financée par l’État. Ce serait absurde!

«L’ÉTAT doit 
s’en tenir à ce QUE 
LES ENTREPRISES 
PRIVÉES NE FONT PAS.»

La mission de service universel de la SSR doit enfin clairement définie. Le secteur en ligne doit être laissé à la presse écrite, pour que la concurrence puisse continuer à s’y développer.

 

La reprise par Christoph Blocher de journaux locaux en échange de la vente du «Basler Zeitung» à Tamedia a été très commentée. Qu’en est-il à gauche dans le paysage des médias?

La presse écrite, comme vous le soulignez à juste titre, est sous pression. Dans cette situation, il serait bienvenu que des investisseurs privés s’impliquent dans ce domaine. Cela conduirait à une plus grande diversité des médias. La gauche aurait probablement préféré nationaliser tous les médias. J’avoue que cette idée me fait peur.

«RESPECTER 
LE principe 
de subsidiarité.»

La SSR envisage actuellement de transférer le studio radio de Berne à Zurich. Le «tout Berne» s’y oppose. Ce combat est-il pertinent à vos yeux?

Non – et si la SSR propose des mesures pour accroître l’efficacité, nous ne devons pas les freiner à nouveau.

Le Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communi­cation (Detec) prépare actuellement un projet de loi sur les médias qui doit être soumis à consultation en 2018. Qu’en pensez-vous?

Le Conseil fédéral veut seulement créer une «loi sur les médias électroniques» afin de réglementer le Net. Fondamentalement, c’est une erreur: un domaine en plein essor comme Internet n’a pas besoin d’une réglementation supplémentaire ni de subventions. Je le dirais tout net: nous n’avons pas besoin d’une nouvelle loi sur les médias. Nous devons en revanche veiller à pouvoir déréglementer quelque chose dans le domaine de la loi existante sur la radio et la télévision.

Comment améliorer les conditions-cadres pour les fournisseurs de médias privés et afin de renforcer la diversité et la concurrence dans les médias?

Certainement pas avec une nouvelle loi sur les médias qui prévoit la réglementation de l’Internet et élargit encore les subventions de l’État. Plus de liberté, plus de concurrence, moins d’Etat – c’est l’ordre du jour. Il est dangereux de penser que l’État peut tout faire mieux. Cela n’est pas seulement vrai pour le secteur des médias. Mais il est particulièrement important de prêter attention à l’indépendance et à l’initiative privée, car elle est au cœur de la démocratie – l’échange de différents points de vue et le contrôle critique des activités de nos autorités.

«PAS BESOIN D’UNE NOUVELLE LOI 
SUR LES MÉDIAS.»

Quel est votre idéal d’un paysage médiatique suisse pour l’avenir?

Soyons clairs: la Suisse est un pays particulier avec ses quatre langues, ses différences de cultures et de mentalités. Par conséquent, un certain service public sera toujours nécessaire: dans le monde rhéto-romanophone, par exemple, les programmes de radio et de télévision ne sont pas rentables. Le service public doit cependant toujours rester subsidiaire. L’État ne doit faire que ce que le secteur privé ne peut pas ou ne veut pas faire, mais qui doit être disponible. Nous devons entretenir un peu plus de confiance dans les entreprises privées et dans le marché libre.

Entretien: Gerhard Enggist

trajectoire

Grégor Rutz est élu au Grand Conseil du canton de Zurich depuis 2011, il devient Conseiller national (UDC/ZH) le 10 septembre 2012 en remplacement du démissionnaire Bruno Zuppiger. Il est membre de l’Action pour une Suisse indépendante et neutre (Asin). Fourrier à l’armée, il est originaire de Zollikon, où il habite. Lors de son élection en 2012, le quotidien «Le Temps» l’a présenté comme une étoile montante de son parti.

«Gregor Rutz n’apporte ni la jovialité d’un artisan, ni l’odeur d’écurie d’un paysan. Il aurait plutôt le profil d’un radical, ce qu’il était jusqu’en 1996: grandi sur la Goldküste, membre d’une corporation zurichoise, juriste.»

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