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La morale avant le profit... Qui paie?
POLITIQUE ET ÉTHIQUE – De plus en plus d’investissements financiers dits «éthiques» sont proposés. La demande semble principalement motivée par des idéologies politiques. Mais d’abord, qu’est-ce qu’un investissement éthique et qui en définit les critères?
«C’est comme un labyrinthe, observe Walter Eggimann, gestionnaire d’actifs indĂ©pendant et lui-mĂŞme fournisseur de placements Ă©thiques, on se croit sur le bon chemin et c’est finaleÂment une impasse.» La première difficultĂ© commence par la dĂ©finition mĂŞme d’un placement Ă©thique puisque, comme nous le verrons, il n’y a pas de dĂ©finition universelle.
Question de point de vue
Pour les uns, les actions d’entreprises d’armement sont éthiques car nécessaires pour lutter, par exemple, contre le terrorisme. Pour les autres, les armes n’ont d’autre but que de tuer. Cette logique à géométrie variable élimine d’office tout fabricant d’armes d’un portefeuille éthique. Pareil pour l’agroalimentaire qui, pour certains, augmente la productivité de l’agriculture et luttent ainsi contre la famine, alors que pour d’autres, commercer avec la nourriture est immoral. Du coup, toute activité de négoce est éthiquement mauvaise.
Tout se complique!
«Si la question des armes ou de l’alimentaire est encore simple, lance Walter Eggimann, elle se complique sérieusement quand il s’agit d’actions et de futures.» Peut-on prêter de l’argent à un Etat qui contracte des dettes? Est-ce bien d’acheter des obligations américaines sous la présidence Trump? Est-ce moral de vendre tout l’immobilier d’une ville parce qu’elle n’offre aucun filet social aux sans-abris? «Le point crucial ne repose pas uniquement sur les critères éthiques, mais dépend surtout de la catégorie dans laquelle ces placements sont transposés.»
«UNE ÉThIQUE À LA CARTE EST-ELLE ENCORE ÉTHIQUE?»
Eggimann dénonce l’hypocrisie consistant à imposer une rigueur éthique quand il s’agit de l’achat d’actions, mais à fermer les yeux quand il s’agit d’Etats, de communautés ou d’obligations. Bref, «l’éthique à la carte» n’est vraiment pas une attitude éthique.
Une tâche perpétuelle, coûteuse
Mais ce n’est pas tout, un engagement dans des structures «éthiques» passe Ă©galement par un management «passif». On appelle passif un portefeuille qui effectue le moins de transÂactions possibles. Ainsi, on achète un bouquet de titres et on mise Ă long terme. L’avantage? Les portefeuilles passifs prĂ©sentent gĂ©nĂ©ralement moins de risques et moins de frais.
Or, ceci est impossible pour les placeÂments dits Ă©thiques, car, chaque fois qu’un placement viole un critère Ă©thique, il doit ĂŞtre immĂ©diatement vendu. Et pour ne pas crĂ©er de lacune dans le portefeuille, il faut obligatoireÂment investir ailleurs. Comme la vĂ©rification Ă©thique est une tâche perpĂ©tuelle, le volume de transactions augmente. RĂ©sultat, la vĂ©rification et les transactions font grimper les coĂ»ts des placements Ă©thiques.
Risque de récupération
Que des individus ou entreprises aient leur propre dĂ©finition d’un placeÂment Ă©thique et en supportent les coĂ»ts, c’est leur affaire. En revanche, cela devient problĂ©matique quand des idĂ©ologues imposent Ă tous leur vision. «En ce moment, d’énormes pressions sont exercĂ©es sur les fonds de pension», explique Eggimann. «Des organisations de dĂ©fense des droits de l’homme et de protection de l’environnement organisent des audits. Puis, mettent au pilori toutes les caisses de pensions qui ne correspondent pas Ă leurs critères Ă©thiques.»
Malheureusement, ces «proscripteurs politiques» s’intéressent moins à ce qui est effectivement mis en œuvre. Avec la politisation de la prévoyance vieillesse, par exemple, ces groupes essaient surtout d’accroître leur propre pouvoir politique. Et c’est par la morale qu’ils mettent les fonds de pension à genoux. Que les retraités actuels ou futurs perçoivent moins d’argent ne les intéressent guère.
Le diable craint l’eau bénite
Les banques, quant à elles, «jouent le jeu, dit Eggimann, car, après tout, elles évitent la critique comme le diable craint l’eau bénite. Mais attention, tout n’est pas négatif puisqu’on y trouve de bons investissements éthiques. Reste à chacun d’en définir les critères et de savoir ce qu’il est prêt à payer pour ça.» Une chose est sûre, dès que l’éthique est politisée, elle cesse d’être éthique.
Henrique Schneider,
vice-directeur usam
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