Publié le: 1 octobre 2021

«La nuance, l’ouverture et nos PME»

FER GENÈVE – Directeur général, Blaise Matthey rappelle que l’échange des idées est consubstantiel à celui des biens et des services. Pour le bien des PME, il préconise une réflexion ouverte – notamment sur nos relations avec l’Union européenne.

Cette chronique aurait pu ou dû être rédigée après la crise Covid. Ce n’est malheureusement pas encore le cas.

Les nouvelles sur le front de l’économie ne sont pas mauvaises. La croissance atteindra les 3,4 % cette année. Le nombre de demandeurs d’emplois diminue. Les faillites n’augmentent pas, pour l’instant. Sans l’arsenal des mesures d’aide élaboré au fil des mois par nos autorités, la situation serait bien différente.

Exacerbation des tensions

Les chiffres globaux masquent toutefois la dure réalité dans laquelle se trouvent certains secteurs. Le tourisme, l’hôtellerie-restauration et l’évènementiel continuent de souffrir, pour ne citer qu’eux. Malgré ce tableau en partie rassurant, il y a de quoi être inquiet car notre pays, et donc ses entreprises, court le risque de plonger progressivement dans un certain isolement.

L’exacerbation des tensions, en partie dues à la crise sanitaire, mais en réalité présentes au grand jour depuis l’avènement des réseaux sociaux, en est une des raisons. Fini l’écoute, la considération, le dialogue. C’est noir ou blanc, juste ou faux. Or, on le sait bien, la vie n’est qu’une suite de nuances, à commencer par celles de notre propre évolution. L’échange des idées est consubstantiel à celui des biens et services. Sans l’un, l’autre s’étiole.

Des questions légitimes

Pour se rappeler les vertus de la considération mutuelle, sur laquelle est fondée la Confédération helvétique, on conseillera le dernier ouvrage de Jean Birnbaum intitulé «Le courage de la nuance». Il y est expliqué que le débat d’idées n’a jamais empêché les plus grands philosophes de considérer les opinions d’autrui, d’en débattre avec fermeté et d’en dénoncer les conséquences. Sartre s’est égaré avec le totalitarisme. Il n’en était pas moins respecté.

De nos jours, les contempteurs de la nuance s’empressent d’ajouter un référentiel scientifique pour parer à toute critique potentielle et justifier la désignation des ennemis de leur cause. Il devient ainsi quasiment impossible de passer par le chemin des questionnements légitimes sans être cloué au pilori. C’est pourtant ce que fait la science pour progresser, en s’abstenant d’affirmations péremptoires.

Le jeu et la chandelle

Le débat sur le certificat sanitaire et le référendum contre la loi Covid illustrent de manière frappante ce rejet de la nuance. Les référendaires remettent en cause des éléments qui ont permis à nos PME de survivre et de redémarrer telles que la reconnaissance du certificat Covid, les aides aux cas de rigueur, la prise en charge d’une partie des coûts non couverts des manifestations publiques, l’assurance chômage, les RHT ou encore les APG.

Si la loi Covid est rejetée, c’est tout un arsenal construit pour permettre aux entreprises de survivre par des temps difficiles qui sera remis en question. Un tel dispositif im-plique quelques désagréments, mais lorsqu’il s’agit de préserver l’es-sentiel, le jeu n’en vaut-il pas la chandelle? Et surtout, s’il disparaît, quelle prétendue liberté retrouvera-t-on? Celle de se calfeutrer en ayant l’illusion de la sécurité?

Cultiver le dialogue

Les discussions sur nos relations avec l’Union européenne (UE) s’inscrivent elles aussi dans cette tendance au repli sur soi. Elles prennent souvent une tournure désagréable, empreinte de passions, comme si l’ogre attendait de dévorer le Petit Poucet. L’UE est une sorte de confédération d’États, largement inspirée du modèle helvétique. Ce sont des démocraties qui la composent et les valeurs défendues par l’UE sont les nôtres. C’est de surcroît le principal partenaire économique de la Suisse. Couper les ponts fera d’abord souffrir nos PME, pas l’UE.

En plus de la détérioration de nos relations commerciales, le risque d’être également isolé du monde européen de la recherche s’accroît. Au détriment de l’innovation en Suisse qui est pourtant l’une des clefs de notre prospérité. Au profit de qui et de quoi? Des GAFAM? Sans leur ôter leurs mérites dont nous profitons quotidiennement, la question de leur poids par rapport à nos PME et, de manière plus générale, à nos institutions, est légitime. Leur capacité à dicter les évolutions comportementales est immense. La tentative d’en limiter les effets négatifs n’est à pas mépriser au nom d’une entrave au marché, mais bien d’un équilibre de ce dernier. Un monopole des systèmes d’information est aussi inacceptable qu’une législation obsolète ou inadaptée.

Je souhaite que ce soit avec un esprit d’ouverture et de dialogue que l’on réfléchisse et agisse pour nos PME, et non pas avec l’illusion que la voie solitaire serait celle de la sécurité et de la liberté.

Blaise Matthey

Directeur Général FER Genève

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