Publié le: 5 mai 2017

La politique, les yeux sur l’horizon

discours – Propos instructifs de Pierre-André Meylan, président de la Fédération patronale vaudoise, lors de l’Assemblée 
générale de la FPV à Yverdon-les-Bains le 29 mars dernier. Retour sur le fonds FORTA et les thèmes politiques chers à la FPV.

La vie d’une organisation économique semble à certains égards un éternel recommencement. Les comités succèdent aux assemblées générales, les budgets annoncent les comptes, les combats politiques s’enchaînent quasiment sans répit. Des combats, il y en a eu et il y en aura demain: pour promouvoir l’économie privée, protéger la zone d’action des corps professionnels, soutenir les autorités publiques dans leurs bonnes résolutions, contenir les autorités publiques quand leurs débordements menacent, appuyer (parfois) ou combattre (souvent) les initiative populaires qui occupent quatre fois l’an nos dimanches.

A beaucoup, ces combats apparaissent essentiellement réactifs, mais ce n’est vrai qu’en partie. Il faut en effet voir que dans la procédure longue et raffinée qui précède la soumission d’une loi ou d’une disposition constitutionnelle au vote du souverain, il y a eu de multiples occasions de travailler, d’influencer et d’intervenir. Nous ne nous en privons pas et vous savez l’énergie ainsi que les moyens que nous consacrons à répondre aux consultations (une centaine par année), à rédiger des articles destinés à la presse ou à nos propres publications, et désormais aussi à animer les réseaux sociaux.

«notre fédération a patiemment Œuvré pour forta.»

Si les thèmes, souvent, nous sont imposés de l’extérieur, il en est pourtant quelques-uns que nous tentons de promouvoir avec une énergie particulière. Il peut s’agir de questions qui nous semblent mériter d’être revivifiées ou auxquelles il faut redonner du poids, de thèmes qui nous apparaissent avoir été trop laissés de côté par les acteurs politiques et économiques, ou encore de sujets sur lesquels il nous paraît que notre organisation peut faire entendre une voix à la fois originale et forte.

Parmi les thèmes emblématiques à propos desquels nous avons souhaité exercer une influence forte, j’aimerais citer nos infrastructures, celles de transport routier en particulier. Après les périodes de glaciation voulues par certains magistrats (je vous rappelle les politiques menées au plan fédéral par M. Leuenberger et au plan vaudois par M. Marthaler), il était devenu absolument indispensable, en particulier pour des motifs de nature économique, de lutter pour l’élimination des goulets d’étranglement, d’envisager enfin de nouveaux aménagements routiers, d’assurer aussi un système de financement durable.

Notre Fédération, par le truchement du Centre Patronal et en particulier de l’action de M. Eperon, a patiemment œuvré pour aboutir il y a quelques semaines à l’approbation du fameux fonds FORTA, qui garantit le financement équilibré et le développement de l’infrastructure routière du pays. Il a fallu pour cela travailler au rassemblement des forces, par une pétition mettant en avant les besoins de l’Arc lémanique, par la création d’un comité rail-route Vaud-Genève, par des menaces à l’encontre de ceux qui, trop habitués à nos faiblesses passées, pensaient pouvoir tout focaliser sur les besoins de Zurich ou du Gothard, par des alliances aussi avec les cantons périphériques ou avec des milieux surtout intéressés aux programmes d’agglomération pour les villes. Nous sommes très satisfaits d’être arrivés à bon port et d’avoir contribué très concrètement à renverser la tendance à l’immobilisme qui avait prévalu dans le domaine durant de trop longues années.

Dans un domaine où l’on nous attend moins, j’aimerais relever les efforts récemment déployés pour faire entendre une voix originale dans le dossier lui aussi englué depuis longtemps de l’imposition des couples mariés. Le monde politique échoue depuis 35 ans à réaliser l’égalité entre concubins et couples mariés dans l’impôt fédéral direct, comme l’exige pourtant le Tribunal fédéral et comme y ont été contraints tous les cantons. Le conseiller fédéral Ueli Maurer a promis de venir ce printemps avec des propositions corrigeant l’inégalité de traitement.

«Nous gérons sept conventions collectives de travail...»

Or, le meilleur moyen pour ce faire est pratiqué dans le canton de Vaud depuis une trentaine d’années et il s’appelle le quotient familial; soit dit en passant, il avait été introduit alors que le Département des finances était en mains socialistes. Son principal défaut réside certainement en ceci qu’il est né en France et n’a été adop-té que dans le canton de Vaud. C’est certainement ce qui explique que le système ait été soigneusement ignoré jusqu’ici par l’administration fédérale. Nous avons cependant l’espoir que M. Maurer, peut-être influencé par son collègue de parti du gouvernement, fasse preuve de plus d’ouverture d’esprit que ses prédécesseurs en la matière, ce qui ne sera d’ailleurs pas bien difficile. Il faut vraiment le souhaiter parce que le système du quotient respecte le principe de l’imposition selon la capacité contributive, corrige l’extrême progressivité des barèmes, et se révèle neutre quant à l’origine des revenus au sein du couple, préservant les choix personnels et professionnels des époux. On voit donc que ces questions ne sont pas anodines du point de vue du fonctionnement des entreprises, et pas seulement dans les nombreux cas où des couples mariés conduisent ensemble des activités économiques.

Parmi les thèmes politiques dont s’est saisie notre Fédération et à propos desquels nous avons, je crois, une voix originale et forte à faire entendre, figurent le partenariat social et les instruments qui le concrétisent. Je précise qu’en la matière, nous parlons d’expérience puisqu’au sein du Centre Patronal, nous gérons 7 con-ventions collectives de travail étendues, 2 au plan romand et 5 au plan vaudois. Notre constat est celui de la difficulté qui va croissant pour plusieurs organisations patronales de réunir en leur sein la moitié au moins des entreprises de la branche, ce qui s’explique pour des raisons structurelles: nous vivons dans un monde où les micro-entreprises, qui emploient un très petit nombre de travailleurs, sont de plus en plus nombreuses. Cette atomisation rend difficile l’extension de certaines conventions collectives parce que les membres de l’association patronale représentent moins de la moitié des entreprises existantes, et ce alors même qu’ils emploient, nous l’avons vécu, près de 90% des travailleurs de la branche.

«renforcer le partenariat social sans le dénaturer.»

C’est parce que nous avons été directe­ment confrontés à de telles situations qu’avec nos collègues de la Fédération des entreprises romandes de Genève, nous avons élaboré un régime permettant de surmonter ces obstacles.

L’extension d’une convention collective de travail devrait être possible même avec un quorum d’employeur inférieur à 50% (par exemple 40%), pour autant que ces entreprises emploient une part de travailleurs proportionnellement supérieure à 50% (dans mon exemple 60%). Ce système, que nous avons baptisé «quo-rums coulissants», serait simple à mettre en œuvre et faciliterait l’extension des conventions collectives. Il a d’ores et déjà reçu un accueil favorable de plusieurs associations professionnelles membres de notre fédération. Il vient de faire l’objet d’une initiative parlementaire conduite par le conseiller national Olivier Feller et appuyée par des parlementaires de deux autres partis du centre-droite.

Nous espérons vivement que cette proposition fera son chemin, car elle a tout pour elle. Elle prend en compte l’évolution structurelle de notre économie en modernisant une législation qui n’a pas changé depuis les années 50 du siècle passé. Elle renforce le partenariat social sans le dénaturer. Elle constitue un signal politique fort au moment où nombre de nos concitoyens se disent inquiets de l’évolution de notre marché du travail.Pierre-André Meylan,

président de la FPV

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