Publié le: 7 septembre 2018

La responsabilité sociale des entreprises tessinoises

Les opinions exprimĂ©es dans cette rubrique n’engagent que l’auteur.

La Suisse vit une pĂ©nurie de personnel qualifiĂ© qui a Ă©tĂ© identifiĂ©e comme une faiblesse de l’économie toute entiĂšre. Pour parer Ă  cette situation, le Canton du Tessin a approuvĂ© des mesures permettant de concilier travail et vie familiale Ă  hauteur d’environ 20 millions (de 2019 Ă  2021), financĂ©es par le monde Ă©conomique. Leur but est de favoriser la rĂ©intĂ©gration des femmes au monde du travail, suite Ă  un congĂ© maternitĂ©. S’agissant du pourcentage de femmes actives, la Suisse a glissĂ© du 2e au 11e rang. En raison de son tissu Ă©conomique orientĂ© vers l’exportation notre Ă©conomie enregistre une augmentation de la demande en main-d’Ɠuvre hautement qualifiĂ©e et spĂ©cialisĂ©e. En parallĂšle, l’augmentation de la population active ralentit face au vieillissement de notre population. Par consĂ©quent, l’offre de personnel qualifié menace mĂȘme de fondre, alors que la demande augmente.

CetteproblĂ©matique figure depuis quelques annĂ©es dans l’agenda de la politique fĂ©dĂ©rale. Dans un rapport du SECO, datant de juin 2015, parmi les mesures lancĂ©es par le DĂ©partement fĂ©dĂ©ral de l’économie, de la formation et de la recherche (DEFR) figurent celles qui – pour augmenter la productivitĂ© – exploitent les potentiels nationaux existants en valorisant une meilleure politique de conciliation entre le travail et la vie de famille. Les mĂšres et les pĂšres ayant des responsabilitĂ©s familiales sont gĂ©nĂ©ralement bien intĂ©grĂ©s au marchĂ© du travail. Mais aujourd’hui encore, ce sont en grande majoritĂ© les femmes qui renoncent à leur activitĂ© professionnelle quand les obligations familiales l’exigent. Les derniers chiffres ne laissent par ailleurs aucun doute: la part de femmes de 25 à 54 ans exerçant une activitĂ© professionnelle en Suisse est, avec 82,2% en 2015, la deuxiĂšme plus Ă©levĂ©e en Europe, aprĂšs la SuĂšde (83,3%).

Le taux de femmes actives occupĂ©es n’atteint chez nous pourtant que 70,2% parmi les femmes qui sont mĂšres et ont au moins un enfant de moins de 6 ans. En comparaison internationale, la Suisse glisse ainsi Ă  la 11Ăšme position en la matiĂšre. La raison est Ă  rechercher surtout dans le manque de structures d’accueil de la petite enfance, ainsi que les coĂ»ts de garde encore trop Ă©levĂ©s en comparaison internationale.

La rĂ©forme cantonale fiscale et sociale peut agir comme un levier pour concilier travail et famille. Une opportunitĂ© pour donner une grande impulsion aux instruments de conciliation travail famille au Tessin a Ă©tĂ© la RĂ©forme cantonale et fiscale, approuvĂ©e par le peuple tessinois le 29 avril dernier. Elle a scellĂ© un pacte entre le monde politique, les entrepreneurs et les citoyens: en contrepartie des allĂ©gements fiscaux autour de 52 millions de francs pour les entreprises, des prestations sociales pour une valeur de 20 millions ‹de francs ont Ă©tĂ© prĂ©vues, lesquelles seraient prĂ©levĂ©es sur la masse salariale des entreprises pour financer une allocation de 3000 francs en cas de naissance ou d’adoption, des subventions pour les frais de garde d’enfants, des soutiens aux structures d’accueil extra-familial et aux proches aidants. C’est dire si cela Ă©quivaut Ă  un changement de contexte politique, social et Ă©conomique. Au cours des derniĂšres annĂ©es, plusieurs facteurs ont convergĂ© pour accroĂźtre au Tessin une prise de conscience en faveur de nouvelles mesures de conciliation travail-famille. Face au taux de mĂšres actives avec au moins un enfant de 0 Ă  3 ans le plus bas de Suisse (53% contre la moyenne nationale de 64%) et Ă  une opinion publique demandant de privilĂ©gier la main d’Ɠuvre locale comme antidote Ă  la pression des frontaliers, il fallait puiser dans les compĂ©tences fĂ©minines. Le Canton – avec l’appui du monde Ă©conomique – a donc approuvĂ© les mesures pour favoriser leur accĂšs au marchĂ© du travail.

Une meilleure harmonisation entre le travail et la famille est importante d’un point de vue Ă©conomique pour une autre raison. L’absence de perspective de compatibilitĂ© effective entre l’activitĂ© familiale et l’activitĂ© professionnelle qualifiĂ©e est Ă©galement l’une des raisons pour lesquelles les femmes et les hommes dĂ©cident de plus en plus de renoncer Ă  des enfants, malgrĂ© leur dĂ©sir d’en avoir. Par consĂ©quent, le taux de natalitĂ© en Suisse et surtout au Tessin est en baisse constante depuis la fin des annĂ©es 70, ce qui impacte de maniĂšre significative le financement des assurances sociales. La recherche d’un meilleur Ă©quilibre entre activitĂ© familiale et activitĂ© professionnelle constitue donc un dĂ©fi non seulement pour la politique et l’économie mais pour la sociĂ©tĂ© entiĂšre. Le temps nous dira si nous avions raison.

*Fabio Regazzi, conseiller national (PDC/TI), entrepreneur, prĂ©sident de l’Associazione Industrie Ticinesi (AITI).

«Avec un taux de mĂšres actives sous la moyenne cantonale et la pression des frontaliers, il fallait puiser dans les compĂ©tences fĂ©minines.»‚ Fabio Regazzi*

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