Publié le: 4 juillet 2014

La santé ne se relève pas du lowcost

médicaments – Contribution de Peter Huber, directeur d’Intergenerika, à la discussion sur les coûts des médicaments en Suisse. Le système du prix le plus bas n’est de loin pas plébiscité par les patients et les assureurs, comme le montre un sondage et une étude.

Une étude représentative menée par GfK démontre que la population suisse apprécie le choix individuel des médicaments et préfère renoncer aux baisses de prime, probablement minimes, promises par le principe du prix le plus bas. Autre fait : des études réalisées en Allemagne montrent que les économies supposées des systèmes de prix le plus bas sont trompeuses. Le patient en est la première victime. Le DFI et l’OFSP cherchent un nouveau modèle pour la définition des prix des médicaments remboursés par les caisses maladie. « Ici, mieux vaut ne pas se précipiter ! » relève Peter Huber, directeur d’Intergenerika, qui livre ici le fruit de ses réflexions.

Trois quarts des sondés rejettent

le principe du prix le plus bas

Un sondage actuel de GfK le confirme. En décembre 2013, un échantillon représentatif de 1000 Suisses a été interrogé pour savoir si les assurés étaient disposés, pour une réduction réaliste de leurs primes, à renoncer au choix des médicaments par leur médecin traitant ou leur pharmacien.

La réponse ne pourrait pas être plus claire : trois quarts des personnes interrogées rejettent le principe du prix le plus bas et, fait étonnant, indépendamment du fait qu’ils soient en cours de traitement ou non.

Assureurs et patients choisissent en raison du meilleur rapport qualité∕prix.

Il apparaît ainsi clairement que les assurés et les patients ne souhaitent pas que les génériques soient prescrits sur le principe du prix le plus bas, mais qu’ils soient choisis en raison de leur meilleur rapport qualité/prix. Une modification fondamentale du modèle tarifaire actuel n’est donc pas opportune.

Les expériences et études scientifiques réalisées en Allemagne montrent que les modèles axés sur le prix le plus bas génèrent à court terme des économies de coûts, mais qu’ils sont un désavantage à long terme pour toutes les parties impliquées. Des réflexions sont menées depuis un certain temps déjà sur les moyens de maîtriser la hausse effrénée des coûts de la santé dans notre pays. Bien que les coûts des médicaments augmentent de manière nettement supérieure à la moyenne, les principes limitant la liberté de choix des spécialistes et des patients tels que montants fixes ou contrats de rabais font toujours l’objet de discussions. Les effets d’économies de coûts à court terme dus aux changements de produit motivés par des raisons purement économiques font face, à long terme, à une dégradation des conditions pour les participants au système de santé. C’est du moins ce que prouvent les études effectuées en Allemagne.

« Changements thérapeutiques

et raisons économiques »

Le professeur Dr Uwe May, économiste de la santé et titulaire de la chaire d’économie de la santé et de pharmaéconomie à l’Institut universitaire Fresenius, longtemps chargé des cours de Consumer Health Care à l’université de médecine de la Charité à Berlin, a analysé les conséquences des changements thérapeutiques motivés par des arguments économiques sur la base de deux études, l’une réalisée en 2013 sur ce sujet pour les indications cancer et dépression et l’autre mandatée par la BAH (fédération allemande des producteurs de médicaments) dans le cadre d’un projet de recherche sur l’influence des contrats de conséquences des changements thérapeutiques motivés par des arguments économiques rabais sur les soins de santé. Comme pour les montants fixes discutés en Suisse, qui font planer de facto la menace d’une limitation du choix et de l’obligation d’opter pour le produit le meilleur marché sur la seule base de critères tarifaires en raison de paiements supplémentaires, les contrats de rabais engendrent également une limitation de la liberté de choix lors de la prescription de médicaments pour des raisons uniquement motivées par des aspects économiques. Les effets positifs supposés dans un premier temps finissent par détériorer la position de toutes les parties.

Effets sur le système

et les groupes d’intérêts

n Assureur : les économies à court terme dues aux contrats de rabais par rapport aux prix officiels des médicaments à prix réduit listés auprès des caisses maladie officielles se montent à 2 milliards d’euros, une somme conséquente. En revanche, le passage imposé à un antidépresseur à prix réduit fait, par exemple, augmenter le risque d’une hospitalisation de 57%. Les coûts directs des hospitalisations supplémentaires sont estimés à 363,8 millions d’euros pour cette seule indication.

n Médecins : la majorité des médecins interrogés juge mauvaise l’influence des rabais et des montants fixes sur la qualité de l’approvisionnement en médicaments des patients. Ces éléments sont considérés comme une charge pour la relation entre le médecin et son patient. Les praticiens déplorent la fréquence des questions ou des plaintes lorsque le changement est dû à des contrats de rabais.

n Patients : les changements thérapeutiques dus aux contrats de rabais provoquent souvent l’incertitude et la perte de confiance chez le patient, de même que des erreurs de médication et d’utilisation, le médicament, l’emballage, la couleur ou la forme ayant été modifiés. La fidélité thérapeutique (compliance) s’en trouve aussi détériorée. La thérapie est interrompue en raison de ce changement forcé.

n Fabricants : chez les fabricants, les rabais et montants fixes ont surtout pour effet de limiter la marge de manœuvre de l’entreprise, à laquelle s’ajoute une perte de sécurité en matière de planification, un déplacement de la création de valeur à l’étranger et l’élimination de la liberté de planification. Pour les experts, les risques à long terme sont le manque d’incitation à l’innovation générique, les sorties du marché et la monopolisation.

Même si les conditions ne sont pas identiques, le professeur May part du principe que l’évolution sera similaire en Suisse : « Les contrats de rabais et fixes détérioreraient nettement la situation des patients. Au lieu de tout miser sur les effets d’économies à court terme avec les médicaments uniquement, il vaudrait mieux considérer les coûts et les avantages de manière globale, en tenant compte de tous les types de coûts. » La pression exercée sur les prix des médicaments a déjà atteint la limite et le potentiel d’économies est de fait pleinement exploité : les fabricants de génériques ont fait leurs devoirs. Les prix des génériques n’ont ainsi pas cessé de baisser depuis des années. En 2012, les cent génériques les plus importants ne coûtaient plus que la moitié de leur prix de 2002. Une nouvelle pression massive sur les prix risque de diminuer la capacité de livraison et la sécurité de l’approvisionnement, les fournisseurs réduisant leurs prestations de service pour les spécialistes et les patients ou quittant

carrément le marché. Une telle évolution ne peut pas être dans l’intérêt des patients, les génériques ne représentant par ailleurs que 3% des coûts totaux à la charge des assurances Maladie. D’où notre requête : si l’on remplace de manière conséquente des préparations originales libres de brevet par des génériques, des économies de coûts sont encore possibles.

L’organisation « Bündnis Freiheitliches Gesundheitswesen » regroupe les acteurs souhaitant une amélioration de l’efficacité dans le domaine de la santé, avant tout par l’intervention des forces du marché, et refusant les appels à l’intervention de l’Etat sur tous les fronts.

Peter Huber,

directeur d’Intergenerika

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